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Investissements : l’Egypte pas si mal lotie

Gilane Magdi, Dimanche, 29 juin 2014

Le dernier rapport onusien intitulé Les Tendances mondiales de l’investissement explique la baisse des investissements directs étrangers en Egypte et en Afrique du Nord en 2013 par le manque de stabilité. Toutefois, sa vision d’avenir reste optimiste.

Investissements : l’Egypte pas si mal lotie
L'acquisition de la banque NSGB par la banque qatari QNB est l'une des deux transactions ayant élevé le montant des IDE en 2013.

Deux grandes acquisitions ont inscrit l’Egypte sur la liste des grands pays attractifs pour les capitaux étrangers. Mais le pays a payé cher une année de transition politique difficile. L’Egypte, tout comme le Nord de l’Afrique et le Moyen-Orient, est également affectée par une atmosphère mondiale défavorable, comme le note récemment la Conférence des Nations-Unies pour le Commerce Et le Développement (CNUCED).

Les effets de la grande crise mondiale s’atténuent peu à peu. La lente reprise économique mondiale va de pair avec la reprise des flux d’Investissements Directs Etrangers (IDE), indiquent les statistiques de la CNUCED, parues dans le rapport annuel « Les Tendances mondiales de l’investissement », lancé en Egypte — entre autres pays — le 24 juin dernier.

Le rapport propose une analyse exhaustive du mouvement des capitaux entre les pays, leurs volumes, natures et secteurs préférés. L’édition 2014 de ce rapport a pour thème « L’investissement au service du développement durable (ODD), un plan d’action ». Il s’intéresse en particulier aux investissements visant à réaliser les objectifs du développement durable, comme la réduction de la pauvreté, l’intégration sociale et l’atténuation des changements climatiques. « A l’échelle mondiale, les IDE sont en hausse de 9 %. Ils ont atteint 1 450 milliards de dollars en 2013. Si l’ensemble des pays ont bénéficié de cette relance, les pays en voie de développement arrivent en tête en matière d’attraction des capitaux », souligne le rapport. « Les pays en développement ont attiré 778 milliards de dollars en 2013, soit près de la moitié des investissements. Ils occupent 10 des 20 premières places dans le classement des pays les plus attractifs pour les IDE », note le communiqué de presse introduisant le rapport.

Si les Etats-Unis occupent toujours la première place du classement, ils sont suivis par la Chine (sans Hong Kong), et la Russie qui s’est hissée au 3e rang. L’Asie, en particulier les pays situés à l’Est et au Sud-Est, monopolise près de 30 % des IDE mondiaux. Quant à la France, qui a occupé la 16e place en 2012, elle a disparu en 2013 de la liste des 20 premiers bénéficiaires.

L’Afrique sub-saharienne a capté à elle seule 57 milliards de dollars d’IDE, soit une hausse de 4 % par rapport à 2012. Par contre, les entrées d’IDE en Afrique du Nord ont diminué de 7 %, pour se chiffrer à 15,5 milliards de dollars. L’Egypte a capté le tiers de cette somme (soit 5,6 milliards de dollars), suivie par le Maroc (3,9 milliards de dollars) et le Soudan (3 milliards de dollars). Ainsi, l’Egypte arrive en quatrième place parmi les pays de la région MENA après la Turquie (12 milliards de dollars), les Emirats arabes unis (10 milliards de dollars) et l’Arabie saoudite (9 milliards de dollars).

« Bien que les IDE en Egypte aient diminué de 19 % en 2013 par rapport à l’année d’avant, leur volume reste le plus élevé dans la région de l’Afrique du Nord », souligne le rapport. Névine Al-Chafei, vice-ministre de l’Investissement et présidente de l’Organisme public d’investissement, explique cette situation par 2 acquisitions conclues en 2013. La première est la vente par la société pétrolière américaine Apache de sa filiale en Egypte à la société chinoise Sinopec. Quant à la deuxième transaction, c’est l’acquisition par la banque qatari, Qatari National Bank (QNB), de 77 % de la banque NSGB (National Société Générale Bank) pour une valeur de 1,9 milliard de dollars. Toutefois, d’après le rapport : « L’état d’instabilité politique et le manque de vision restent des obstacles majeurs entravant la rentrée des IDE dans la région ».

Sortie minime

Le rapport note aussi l’augmentation des flux d’IDE sortant d’Egypte de 42 %, pour atteindre 301 millions de dollars en 2013 contre 211 millions de dollars en 2012. « En 2013, le géant de construction égyptien Construction et Industrie Orascom (OCI), possédé par l’homme d’affaires Nassef Sawirès, a transféré 75 % de ses actifs financiers hors du pays à travers la création d’un holding hollandais (OCI N.V.) aux Pays-Bas », justifie la rapport.

Là aussi, l’Egypte est mieux lotie que ses voisins de la région. La sortie des capitaux d’Egypte est minime par rapport aux autres pays MENA. Le Koweït figure en tête de liste, avec la sortie de 8,3 milliards de dollars en 2013, suivi par le Qatar, 8 milliards de dollars, et l’Arabie saoudite avec 4 milliards de dollars.

Le rapport note que dans l’ensemble, l’IDE dans la région de l’Afrique du Nord reste relativement fort, et les investisseurs semblent disposés à revenir dans cette région. « Les industries extractives intéressent désormais moins les investisseurs : elles ne représentaient plus que 11 % des annonces d’investissement en 2013 contre 53 % en 2004. Une part croissante des IDE en Afrique porte désormais sur le secteur manufacturier, en particulier les biens de consommation », note le rapport, qui donne l’exemple de l’Egypte, où les investisseurs étrangers, en particulier les producteurs de biens de consommation, sont toujours attirés par l’expansion démographique et la main-d’oeuvre bon marché. Le secteur industriel a connu une croissance de plus de 6 % en 2013, selon les statistiques officielles en Egypte, soit une croissance plus élevée que celle du reste de l’économie. « Il y a une volonté gouvernementale de développer le secteur industriel ainsi que celui des petites et moyennes entreprises. Ces deux secteurs seront les cibles des investisseurs étrangers au cours de la prochaine période », explique à l’Hebdo Névine Al-Chafei.

Côté perspectives, la CNUCED prévoit que les flux d’IDE s’élèvent à 1,6 trillion de dollars en 2014, 1,75 trillion de dollars en 2015 et 1,8 trillion de dollars en 2016. Mais la fragilité de certains marchés émergents ainsi que les risques liés à l’incertitude politique et à l’instabilité régionale pourraient remettre en cause la reprise attendue. Toutefois, les responsables gouvernementaux égyptiens restent optimistes en particulier après l’arrivée au pouvoir du président élu Abdel-Fattah Al-Sissi, et la nomination d’un nouveau gouvernement. « Nous avons prévu d’attirer plus de 10 milliards de dollars en juin 2014. Le gouvernement déploie des efforts pour surmonter les obstacles entravant les investissements directs, y compris en révisant les différentes lois d’investissement », a déclaré le ministre de l’Investissement, Achraf Salman, il y a deux semaines.

Le rapport de la CNUCED émet un ensemble de recommandations. Il réclame notamment des mesures nouvelles pour promouvoir et faciliter l’investissement et capitaliser sur les projets dans les secteurs ODD, ainsi que la restructuration des incitations à l’investissement en les orientant vers les projets de développement durable. Il s’agit notamment des secteurs qui génèrent plus d’emplois, comme le secteur industriel et le secteur agricole. « C’est vrai que le ministère de l’Investissement avait préparé une série de projets pour y investir. Mais nous concentrons nos efforts actuellement pour améliorer le climat d’investissement en donnant aux investisseurs de nouveaux privilèges et en révisant les législations liées à l’investissement », conclut Névine Al-Chafei .

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