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Afghanistan  : Second tour dans les violences habituelles

Maha Al-Cherbini, Mardi, 17 juin 2014

Le successeur de Hamid Karzaï héritera d'un pays miné par trois décennies de guerre et toujours confronté à une grave insurrection talibane.

Afganistan

Foulant aux pieds les menaces talibanes, des millions d’électeurs afghans se sont mobilisés, samedi dernier, aux quatre coins du pays, lors du second tour de la présidentielle pour désigner le successeur de Hamid Karzaï. Un scrutin dont la tenue même dans un climat d’instabilité persistante constitue un « succès majeur » pour le pays.

Mais cet afflux d’électeurs ne signifie pas l’absence d’attaques talibanes à travers le pays. Selon le ministre de l’Intérieur, Omar Daudzai, ce second tour était émaillé de violences qui ont fait au moins 106 morts, dont 70 talibans.

Même après la fermeture des bureaux de vote, la violence s’est poursuivie samedi dernier, quand un engin explosif a tué 11 personnes, dont des employés impliqués dans l’organisation de la présidentielle. « Il y a eu beaucoup de victimes, mais l’ennemi n’a pas réussi à faire dérailler le processus électoral », a affirmé Daudzai.

Selon la Commission électorale, la participation au second tour a dépassé les 50 % : plus de 7 millions de personnes ont participé à ce tour, 38 % de femmes et 62 % d’hommes, sur un corps électoral de 13,5 millions de personnes.

« Ce succès envoie à nos ennemis et à nos amis le message que la transition démocratique peut être menée dans les temps, et que nos forces sont capables d’assurer la sécurité du pays », a affirmé le ministère de l’Intérieur afghan. Même enthousiasme partagé par Washington qui a qualifié le scrutin d’« étape significative » vers la démocratie.Protégés par 400 000 soldats et policiers, les électeurs afghans avaient à choisir entre le favori Abdullah Abdullah, 53 ans, ancien porte-parole du commandant Massoud, arrivé largement en tête du premier tour (45 %), et Ashraf Ghani, 65 ans, un ex-cadre de la Banque mondiale (31,6 %).

Progressistes et modérés, les deux hommes se sont engagés à lutter contre la corruption endémique et pour le développement économique de ce pays dépendant de l’aide internationale. Avec plus de 13 points d’avance sur son rival, la victoire semble à portée de main pour Abdullah Abdullah, qui s’était retiré avec fracas du deuxième tour de la précédente présidentielle, en 2009, en dénonçant des fraudes massives.

Les résultats provisoires attendus le 2 juillet doivent être suivis de trois semaines destinées à examiner les plaintes pour fraude. Le vainqueur devrait ensuite être proclamé le 22 juillet, avant une investiture le 2 août.

Jours difficiles

Cette toile de fond inquiétante promet des jours difficiles au nouveau président. A commencer par la signature immédiate du traité bilatéral de sécurité avec Washington (BSA), qui permettrait le maintien d’un contingent américain d’environ 10 000 hommes après le départ des 50 000 soldats de l’Otan fin 2014. Il s’agit là d’un défi de poids, car une telle signature va attirer au chef de l’Etat la foudre des talibans, opposés à la présence de tout soldat américain après 2014. Pour l’heure, les deux candidats ont affirmé leur volonté de signer le BSA juste après leur investiture car le président « seul » ne pourra pas faire face à la montée talibane. « N’oublions pas que l’armée afghane est encore jeune et sous-équipée. Les talibans pourraient la vaincre facilement et reprendre le pouvoir par la force », justifient les experts, selon qui, ce récent chaos en Iraq, que les Etats-Unis ont quitté fin 2011, est de mauvais augure pour l’Afghanistan et pourrait pousser le nouveau président à signer le BSA le plus vite possible.

Outre le défi taliban, l’autorité du prochain président pourrait être contestée, car un résultat serré, d’importantes accusations de fraude, un refus de la part du candidat perdant de concéder la défaite, pourraient créer de possibles tensions politiques, voire des affrontements entre les partisans des deux candidats.

Déjà, le spectre de fraude a commencé à planer sur le décompte des voix qui a commencé dimanche dernier, les deux prétendants affirmant que des cas de fraude avaient été repérés. Selon Ashraf Ghani, les forces de l’ordre ont été impliquées dans des cas de fraude, alors que Abdullah a répété que seule la fraude pourrait l’empêcher de gagner.

Selon les experts, la clé d’un processus électoral sans difficulté résiderait dans un écart significatif entre les deux candidats.

Reste à citer le dernier défi : la situation économique lamentable qui pourrait être une menace aussi importante que celle des talibans. Alourdi par un déluge de défis, le nouveau président afghan mènera une existence difficile et son mandat à la tête du pays paraît une épreuve « cauchemardesque ».

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