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Aides militaires  : la grande confusion

Aliaa Al-Korachi, Lundi, 16 juin 2014

Stationnés au Texas, les 10 hélicoptères Apache, que Washington a décidé de livrer à l’Egypte, sont toujours sur place.

Aides militaires

« Le timing de l’embarquement à destination du Caire n’est pas encore fixé. La livraison de ces hélicoptères est toujours débattue au sein du Congrès », a déclaré récemment Marie Harf, la porte-parole du département d’Etat. L’affaire remonte au 22 avril dernier quand le Pentagone publie un rapport, rendant public la décision de l’administration américaine de reprendre la coopération militaire avec l’Egypte qui main­tient « des relations stratégiques avec les Etats-Unis » et qui « respecte ses obligations par rapport au traité de paix avec Israël ».

Outre les 10 hélicoptères, le Pentagone a demandé au Congrès américain de débloquer 650 millions de dollars, sur les 1,5 milliard d’aide militaire consa­crée à l’Egypte pour l’année fiscale 2014. « Le déblocage de ces fonds est dans l’intérêt des Etats-Unis et vise à renforcer les opérations anti-terro­ristes menées par les forces égyp­tiennes dans la péninsule du Sinaï », a indiqué le porte-parole du Pentagone, Steven Warren. Toutefois, la fourniture des chars Abrams, des chasseurs F-16 et des missiles anti-navire Harpoon, équipements que l’Egypte devait rece­voir en 2013, reste gelée.

Une semaine après cette décision, la reprise de l’aide américaine à l’armée égyptienne voulue par le Pentagone, est bloquée au Congrès. Le démocrate Patrick Leahy, président de la sous-commis­sion du budget des Affaires étrangères et de l’aide internationale, met son veto et bloque le versement de 650 millions de dollars. Cette réaction du sénateur visait notamment à protes­ter contre les condamnations à mort par la justice égyptienne de près de 700 partisans de l’ancien président Mohamad Morsi. Le veto du sénateur Leahy est intervenu lors de la visite du ministre des Affaires étrangères, Nabil Fahmy, à Washington. « Vous nous donnez une aide militaire à des fins de sécurité et de stabi­lité (…) Si vous l’utilisez uniquement comme un outil ou un moyen de pression à chaque fois qu’il existe un désaccord avec l’Egypte, vous finirez par remettre en cause et bouleverser les fondements mêmes de notre relation straté­gique », a prévenu le ministre égyptien dans une interview à la télévision à Washington.

Bien que des responsables du Pentagone aient déclaré à plusieurs reprises que les dix hélicop­tères Apache seront livrés comme prévu, et que seul le versement des 650 millions de dollars attend le feu vert du Congrès, ils n’ont men­tionné aucune date de livraison jusqu’à présent.

Pour Béchir Abdel-Fattah, politologue au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, il y a une division claire au sein de l’administration américaine sur la reprise des aides. Aujourd’hui pour les débloquer, le secrétaire d’Etat, John Kerry, doit certifier que l’Egypte a « retrouvé le chemin de la démocratie ».

En fait, la loi de finance de l’exercice budgétaire 2014 compte deux clauses sur l’octroi condi­tionné des aides militaires. La pre­mière clause autorise le gouverne­ment américain à verser 975 mil­lions de dollars au gouvernement égyptien, si le secrétaire d’Etat, John Kerry, certifie que Le Caire a « organisé un référendum consti­tutionnel et prend des mesures pour soutenir une transition démocratique ». Une seconde clause permet le versement de 577 millions, si le gouvernement égyptien « tient des élections législatives et présidentielle, et si un nouveau gouvernement élu prend des mesures pour gouverner de façon démocratique ».

Abdel-Moneim Saïd, ex-président du secteur des opérations de l’armée égyptienne, prévoit un retour à la normale des aides militaires. « C’est juste une question de temps. L’administration américaine veut faire sem­blant qu’elle est écartelée entre les principes et les intérêts. Mais la réalité est qu’elle ne peut pas rompre ou réduire ses aides militaires à l’Egypte par crainte de perdre les intérêts stratégiques que lui procure l’Egypte ».

Outre le maintien de la paix avec Israël, l’in­térêt principal de Washington c’est qu’il béné­fice du libre passage à travers le Canal de Suez et l’espace aérien égyptien.

Saïd avance un autre argument, à savoir la réattribution, dans le budget de 2015, des mêmes aides pour l’Egypte, soit plus d’un milliard et demi de dollars, sans aucun change­ment.

A ceci s’ajoutent aussi, comme explique Saïd, les pressions internes qui pèsent également sur l’administration américaine, par les fournisseurs militaires américains, pour respecter les contrats en cours.

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