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En Libye, le règne de l’anarchie

Abir Taleb, Mardi, 27 mai 2014

Alors que le Parlement libyen a accordé sa confiance au gouvernement d'Ahmed Miitig, le général Haftar rallie de nouveaux soutiens dans son offensive anti-islamiste.

Parlement libyen
(Photo : Reuters)

C’est un Parlement contesté, dont la dissolution est réclamée par de nombreux partis et qui ne peut même pas se réunir à l’Assemblée, qui a accordé dimanche dernier sa confiance au cabinet du premier ministre Ahmed Miitig, dans un climat de vives tensions alimentées par une lutte d’influence entre politiciens et milices armées.

Le Congrès Général National libyen (CGN-Parlement) s’est réuni à huis clos, bravant des menaces à son encontre d’un groupe armé de la ville de Zenten, au sud-ouest de Tripoli, qui estime que cette instance n’a « plus de légitimité ».

Difficile dans ce contexte d’imaginer comment ce gouvernement pourrait fonctionner. Déjà, Ahmed Miitig, appuyé par des islamistes, avait été élu début mai lors d’un vote chaotique au Congrès qui avait été dénoncé par plusieurs députés libéraux.

Depuis, les choses se sont compliquées davantage avec l’offensive menée à l’est par le général dissident, Khalifa Haftar. Cette campagne lancée le 16 mai, baptisée « la Dignité » et menée contre les groupes extrémistes, a accentué la pression sur le CGN, dont elle réclame également la dissolution.

Les autorités de Tripoli ont accusé le général Haftar d’avoir profité de l’anarchie dans laquelle est plongée le pays depuis des mois, pour mener un coup d’Etat. L’intéressé a répliqué qu’il n’avait aucunement l’intention de prendre le pouvoir. Dans un communiqué publié samedi dernier, le gouvernement a réaffirmé « sa position ferme de combattre le terrorisme sous toutes ses formes », mais dit rejeter « l’exploitation de ce phénomène, pour atteindre des objectifs politiques ou personnels ».

Le général dissident a rallié de nouveaux soutiens parmi la population en faveur de sa campagne contre les groupes islamistes. Il a reçu l’appui des Forces spéciales, une unité d’élite de l’armée régulière, des officiers de la base aérienne de Tobrouk (est), et de la puissante tribu de l’est libyen, Al-Baraassa. Des brigades de la police et de l’armée, en particulier dans l’est du pays, ont également annoncé leur ralliement.

Des milices islamistes loyales au CGN, comme la Cellule des opérations des révolutionnaires de Libye, ont déclaré leur hostilité à Haftar, dénonçant « un coup d’Etat ». De leur côté, les puissants groupes armés de Misrata, farouches rivaux des Zentanis, ont indiqué qu’ils prenaient leurs distances par rapport aux protagonistes de la crise, tout en appelant au dialogue.

Législatives en juin

Des milliers de personnes sont descendues dans la rue pour apporter leur soutien au général Haftar, dans son fief de Benghazi, et à Tripoli où ses détracteurs l’ont qualifié de putschiste. Suite à ces manifestations de soutien, M. Haftar a affirmé avoir reçu un « mandat du peuple... pour purger le pays des terroristes et extrémistes ».

Le gouvernement, lui, a estimé que « les milliers de personnes ayant manifesté pacifiquement vendredi illustraient la nécessité de respecter la légalité et de parachever la construction des institutions de l’Etat, dont la mise en place d’une armée et d’une police nationales ».

A chacun son interprétation des choses. A chacun aussi ses objectifs et ses plans. Pour les autorités de Tripoli, M. Miitig, le nouveau premier ministre, devrait conduire une courte phase de transition, des nouvelles élections ayant été annoncées pour le 25 juin, afin de mettre en place un Parlement chargé de remplacer le CGN et de former un nouveau cabinet.

En effet, face à la situation chaotique en Libye, où les autorités n’ont pas réussi à rétablir l’ordre trois ans après la chute du régime de Mouammar Kadhafi, la Commission électorale a décidé la semaine dernière de fixer au 25 juin la date de l’élection d’un nouveau Parlement, pour remplacer le CGN, considéré par plusieurs observateurs comme l’une des racines de la crise libyenne.

En revanche, la démarche du général Haftar reste floue, et les analystes doutent qu’il ait les moyens de ses ambitions. Tout en restant évasif sur ses réelles intentions, il a assuré qu’il ne serait pas un « obstacle à la transition démocratique ». Une transition loin de prendre fin.

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