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Le Fatah et le Hamas, deux acteurs d’un jeu complexe 

Amira Samir, Lundi, 05 mai 2014

La dernière réconciliation entre le Fatah et le Hamas est largement saluée dans le monde arabe. Mais les soutiens arabes aux deux rivaux n’ont cessé d’évoluer en dents de scie au gré des changements politiques.

Le Fatah et le Hamas
Le soutien des pays arabes reste divisé entre le Fatah et le Hamas.

Les attaques israéliennes successives contre les Palestiniens, notamment à Gaza, provoquent immédiatement de vives réactions à travers le monde arabe. En résultent des manifestations de soutien aux Palestiniens dans la plupart des capi­tales arabes et dans les autres pays musulmans. L’équation est simple, Israël est l’agresseur et la Palestine la victime. Cette logique demeure mais la division interpalestienne vient depuis plusieurs années y jeter une ombre.

Aujourd’hui, le contexte est plus particulier que jamais. Pour certains pays arabes, la Palestine est synonyme de l’Autorité palestinienne et donc du Fatah. Pour d’autres, c’est le gouvernement du Hamas qui est légitime.

Mais depuis la chute des Frères musulmans, le Hamas est affaibli. La fermeture du terminal de Rafah et la destruction de près de 90% des tun­nels de contrebande entre l’Egypte et l’enclave palestinienne, par lesquels transitaient armes et munitions mais aussi produits de première néces­sité et matériaux de construction, ont complète­ment isolé Gaza du monde extérieur.

En Egypte, la justice a interdit en mars au Hamas de mener toute activité sur son terri­toire. Pour le nouveau pouvoir égyptien, mis en place après l’éviction du président islamiste Mohamad Morsi, le 3 juillet dernier, le Hamas constitue une menace majeure à la sécurité.

« Après l’accession au pouvoir des Frères musulmans, le Hamas a cru pouvoir se replier sur l’Egypte. Mais la destitution de Morsi a mis un terrible frein à ses nouvelles ambitions régionales, le réduisant au rang de paria. Il n’a trouvé d’autres solutions que de coexister avec son rival », souligne Ayman Abdel-Wahed, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.

Changement de relations

Les médias égyptiens ont lancé contre le Hamas une campagne accablante, l’accusant d’envisager d’occuper le désert du Sinaï et de l’annexer à Gaza, de soutenir les djihadistes qui opèrent dans le Sinaï, de conspirer en vue de détruire l’armée égyptienne et de mener des opérations pour tuer des soldats égyptiens. Le Hamas cacherait également des dirigeants des Frères musulmans à Gaza.

« L’interdiction de la présence d’un groupe de la résistance palestinienne en Egypte est unique dans l’histoire des relations arabes avec la Palestine. Si à l’époque, les relations tendues et la haine mutuelle entre Moubarak et le Hamas étaient plus qu’évidentes, l’Egypte paraissait aussi plus fine et avait su garder le Hamas de son côté », indique Khaled Hroub, chercheur au Centre des études islamiques de l’Université de Cambridge.

Le régime actuel en Egypte coopère majori­tairement avec le Fatah présidé par Mahmoud Abbas. En visite à Ramallah, l’actuel ministre égyptien des Affaires étrangères, Nabil Fahmi, aurait clairement fait savoir que l’Egypte aime­rait voir les forces de Abbas contrôler à nou­veau le poste frontalier de Rafah, entre Gaza et l’Egypte. En conséquence, « toute tentative future de l’Egypte de parvenir à une trêve mili­taire entre le Hamas et Israël sera limitée, pri­vant l’Egypte d’un poids diplomatique et l’ex­cluant de son rôle régional », ajoute Khaled Hroub.

Le rôle de l’Egypte dans la politique palesti­nienne, en particulier dans la réconciliation entre le Fatah et le Hamas, s’est en effet sérieusement réduit. Plusieurs tentatives de réconciliation ont été menées entre les « frères ennemis » par des pays arabes donnant lieu aux Accords de La Mecque en 2007, du Caire en 2011 et de Doha en 2012, mais aucune n’a réussi.

La guerre Abbas-Dahlan

Les Emirats arabes unis ont, eux, choisi de soutenir Mohamad Dahlan, dans sa guerre contre Mahmoud Abbas. Ennemi juré du Hamas, ancien membre du comité central du Fatah et ex-chef des services de renseigne­ments, Dahlan mène, depuis les Emirats, une campagne publique pour renverser Abbas qu’il accuse de corruption et d’abus de pouvoir. Les Emirats arabes unis ont également adoubé Dahlan dans leur guerre contre les Frères musulmans.

De son côté, l’Arabie saoudite n’a toujours pas pardonné au Hamas ses incartades avec les Frères musulmans. Elle préfère désormais boy­cotter le mouvement qui gouverne la bande de Gaza, alors qu’en février 2007, les responsables palestiniens rivaux s’étaient rencontrés sous l’égide du roi Abdallah et avaient signé l’Ac­cord de La Mecque qui finalisait un cessez-le-feu pour mettre fin aux heurts les plus meur­triers depuis la victoire du Hamas aux élections de janvier 2006 et la constitution d’un gouver­nement d’union nationale.

Mais cet accord a échoué, comme celui de Doha en 2012. Pour réaffirmer son pouvoir régional, l’Arabie saoudite a versé, en mars dernier, au ministère palestinien des Finances 80 millions de dollars comme soutien à l’Auto­rité palestinienne confrontée à d’importantes difficultés financières.

La Déclaration de Doha, elle, a été rédigée au moment où le Qatar était au sommet de sa puis­sance régionale. A ce moment, le Hamas avait décidé de transférer son bureau politique de Damas à Doha, signe qu’il souhaitait reconsidé­rer ses alliances et restructurer son idéologie.

L’émir du Qatar avait déjà forcé la main du mouvement islamiste lors de la négociation sur la libération du soldat Gilad Shalit. Preuve du poids du Qatar, il avait obtenu d’Israël, en échange de sa médiation, le droit d’investir à Gaza et de par­ticiper à sa reconstruction.

Doha avait trouvé ainsi l’occasion de s’intro­duire dans la région et de damer le pion à l’Arabie saoudite et plus encore à l’Egypte. Dernière illus­tration du rôle-clé du Qatar: quinze prisonniers palestiniens, libérés mais bannis par Israël en vertu de l’échange, ont été autorisés à s’installer à Doha. Mais l’alliance entre le Hamas et le Qatar a été mal acceptée par la population de Gaza qui ne trouve pas de justificatifs aux bonnes relations de l’émir avec les Etats-Unis et Israël.

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