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Ces pays que Bouteflika rassure

Aliaa Al-Korachi, Lundi, 14 avril 2014

Un Bouteflika en dehors du palais présidentiel d'Al-Mouradia déplairait à certaines puissances pour qui le régime du président sortant est un facteur d'équilibre.

Bouteflika
La visite de John Kerry, secrétaire d'Etat américain, deux semaines avant la présidentielle, a suscité un grand débat. (Photo : Reuters)

Pour les partisans du « Non » au quatrième mandat de Bouteflika, difficile de croire que le timing de la visite du secrétaire d’Etat américain, la semaine dernière à Alger, était indépendant du calendrier électoral. Intervenue en pleine campagne à deux semaines de la présidentielle, cette visite a suscité une grande polémique perçue par des Algériens comme une ingérence dans le scrutin présidentiel, comme si le secrétaire d’Etat américain venait valider les résultats prévisibles du 17 avril prochain.

En effet, la Maison Blanche suit de près la présidentielle algérienne, parce que si Bouteflika ne passe pas, ce sera l’inconnu pour Washington. C’est ce qu’explique Ahmad Al-Bassous, spécialiste de l’Algérie au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. « Le moment de cette visite semble indiquer que Washington appuie politiquement le régime algérien affaibli et pratiquement incompétent. C’était une visite exploratoire, pour savoir à quel point ce régime peut résister aux contestations, car le maintien du bouteflikisme assure les intérêts commerciaux et sécuritaires des Américains », dit Al-Bassous.

Le partenariat avec Washington a été fructueux à l’époque de Bouteflika. Washington se trouve parmi les principaux clients de l’hydrocarbure algérien. L’Algérie est le premier producteur africain de gaz naturel. Outre l’hydrocarbure, l’Algérie demeure un allié de taille pour les Américains dans « la lutte contre le terrorisme », notamment dans le domaine du renseignement. La stabilité de l’Algérie en général et du Maghreb en particulier intéresse Washington, étant donné l’insécurité qui prévaut dans la sous-région du Sahel, où Al-Qaëda au Maghreb islamique (Aqmi) constitue une « forte menace » pour les intérêts américains et occidentaux.

Quant à la France, elle entretient des liens assez étroits avec Bouteflika, qui a été hospitalisé pendant 80 jours en 2013 pour un AVC, à l’hôpital militaire Val-de-Grâce. Bouteflika a autorisé les avions français à survoler le ciel algérien pour se rendre au Mali, et ceci malgré le refus des responsables militaires algériens. L’armée algérienne a fourni aussi la logistique en carburant aux soldats français, pour approvisionner leurs véhicules blindés et leurs hélicoptères présents dans le nord du Mali. Sous Bouteflika, la France a accédé à des secteurs stratégiques algériens. Les groupes français accaparent ainsi 40% du marché national des cimenteries.

Toutefois, selon Khaled Al-Sergany, politologue à Al-Ahram, la France reste prudente et n’a pas déclaré le moindre soutien à Bouteflika, pour ne pas perdre un potentiel nouveau régime, notamment que la plupart des candidats jouent dans leurs campagnes sur deux points faibles de Bouteflika: l’âge et la dépendance par rapport à Paris. Beaucoup d’Algériens croient que c’est l’Elysée qui détient les ficelles de la présidentielle. « Nos anciens colonisateurs choisissent depuis 52 ans les dirigeants de l’Algérie, et ils les imposent en faisant fi de la volonté du peuple qui est livré à la paupérisation et à la misère ! », dit Moussa Touati, candidat à la présidentielle.

L’après-Bouteflika préoccupe ses voisins

La Tunisie et le Maroc s’intéressent de près à la stabilité de l’Algérie. La Tunisie, affaiblie économiquement, a besoin du soutien militaire et financier de l’Algérie. Bouteflika a par ailleurs joué un rôle de médiateur dans la récente crise politique tunisienne. Les liens sont devenus très étroits après la nomination de Mehdi Gomaa à la tête du gouvernement tunisien. Celui-ci, selon Al-Sergany, trouve que Bouteflika constitue un exemple à suivre pour juguler les islamistes. Les deux pays ont renforcé leur coopération dans le domaine de l’antiterrorisme, notamment pour neutraliser les groupes liés à Al-Qaëda. « La Tunisie craint que cette stratégie de défense ne soit touchée en cas de chute de Bouteflika », dit Al-Sergany.

Quant au Maroc, il étudie minutieusement le profil à recueillir des éventuels successeurs de Bouteflika. L’avenir des relations morocco-algériennes va dépendre certes de son successeur. L’après-Bouteflika verra-t-il la fin des tensions entre ces deux voisins, notamment sur le dossier du Sahara et des frontières ? Bien que la plupart des candidats à la présidentielle promettent dans leurs programmes une amélioration des relations avec le Maroc et une réouverture des frontières, le Maroc craint, selon Bassous, que « la chute de Bouteflika ne mène à une déstabilisation de l’Algérie, qui pourrait jeter son ombre sur la situation sécuritaire du royaume et alimenter l’opposition ».

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