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Plongée dans le fantastique égyptien

Sayed Mahmoud, Mardi, 08 avril 2014

Le dernier roman d’Achraf Al-Khamayssi plonge dans des questions métaphysiques à travers une multitude de petites histoires. Tournée dans un univers fantastique créé par un écrivain prometteur.

Plongee

Le roman Manafi Al-Rab (les asiles de Dieu) de l’écrivain égyptien Achraf Al-Khamayssi fait partie de la dernière sélection de romans pour le Prix international de la fiction arabe, ce qui lui a permis d’être largement lu. Manafi Al-Rab renvoie à l’omniprésence de la mort, comme mythe, dans une société fantastique, installée dans une oasis du désert égyptien. L’action se déroule à une époque qui serait probablement les années 1930 et 40.

Dans le roman, le lecteur suit le récit de Hegaïzi, un centenaire qui fait un rêve dans son sommeil, et selon lequel il mourra dans 3 jours. Pendant ces 3 jours qui précèdent l’oraison funèbre, l’on plonge dans ses angoisses et ses désirs de fuir la mort.

En parallèle à la légende de la mort, nous observons également celle du héros à travers son journal quotidien dans le village de Mott (mort, en arabe). Ce village rappelle la ville fictive de Macondo chez Gabriel Garcia Marquez, dans son roman Cent ans de solitude, vivait la descendance de la famille Buendia, fondée par le premier aïeul José Arcadio. Il s’agit d’un village totalement isolé du monde, mais qui transcende cet isolement par les innombrables histoires de personnages, autour d’un point central.

Dans Manafi Al-Rab, le romancier détermine son monde narratif par un groupe d’éléments à travers lesquels il vise à fonder un univers fantastique purement égyptien qui se tisse autour du grand thème de la mort. Un monde fantastique qui puise dans toutes les références égyptiennes pour déconstruire le mythe de la mort.

Partant de l’ouvrage pharaonique de référence, Le Livre des morts, pour en arriver aux histoires de Hegaïzi qui puise dans les anecdotes du père, Shédid, embaumeur, lui a appris la leçon de la vie. Hegaïzi croit qu’il est mort puis ressuscité, portant avec lui les interrogations sur l’existence, tergiversant sur les soufis et s’approchant de la religion populaire.

Hegaïzi ne quitte son domicile que pour rencontrer Sadoun, moins âgé que lui et qui vit également la crise de la perte de sa femme dans l’incendie de sa maison, lequel a également emporté son fils unique.

Dans les dialogues échangés, l’on découvre des récits sur les moments de transformations dans le village qui n’a jamais été visité par des étrangers. C’est comme si le lieu était cerné par le mythe de la pureté. Dans le roman, de nombreux exemples se séparent de l’idée de la croyance : les légendes ont toujours apporté des solutions qualificatives aux grandes interrogations sur l’existence. Il y a le cheikh de la mosquée qui refuse de paver la route qui mène au village par crainte que des étrangers n’y viennent. Son discours traduit l’aspiration à une identité pure, refusant toute interférence avec le monde extérieur.

Dans la conscience du lecteur reste gravée l’image que l’auteur forge de la femme. Une image différente des stéréotypes sur sa marginalisation. Elle semble plus que jamais être active dans ces lieux qui poursuivent les traces du néant et les contemplent.

Les asiles de la mort ne se limitent pas aux lieux, mais existent à l’intérieur des âmes qui ne cessent d’écouter leurs propres délires. Cette tendance contemplative justifie peut-être la lenteur du rythme narratif à plusieurs reprises au long du récit. De plus, le roman établit un lien entre l’interrogation de la mort et les lieux de prière comme la petite mosquée, dont l’auteur décrit minutieusement les détails, et le monastère du moine Anba Youanass qui fait également face aux conceptions de Hegaïzi sur la mort.

Un affrontement épuisant qui ressemble à un fil séparant deux mondes, l’un réel et l’autre métaphysique. Ce qui se concrétise dans la relation de Hegaïzi avec son fils Bakir et ses petits-fils.

Une relation qui assure le refus de l’achèvement.

Manafi Al-Rab (les asiles de Dieu) dAchraf Al-Khamayssi, édition Markaz Al-Hadara, Le Caire, 2013.

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