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« Je  » démocratique

Najet Belhatem, Mardi, 01 avril 2014

La candidature d’un ex-militaire est-elle risquée ? La démocratie est-elle le meilleur moyen de gouvernance ? Et la bicyclette d’Al-Sissi inaugure-t-elle sa campagne électorale ?

« C’est la première fois dans l’Histoire que l’armée égyptienne est soumise à cet examen : le pouvoir direct sans détour ni maquillage. Tout échec dans la gestion des défis politiques, sécuritaires et économiques veut dire, cette fois-ci, que nous sommes face à une menace contre le point névralgique de l’Etat égyptien et sa principale composante. C’est un défi qu’a dû affronter le président Nasser, mais il a réussi à s’y dérober suite aux menaces extérieures qui menaçaient l’Egypte. Il y avait de réels ennemis face à l’Egypte. Le pays était en état de guerre réelle et constante. Aujourd’hui, personne ne peut prendre au sérieux les propos d’Al-Sissi concernant les ingérences étrangères dans les affaires de l’Egypte. Quant à la menace terroriste invoquée, il est clair que l’ABC en matière de pouvoir révèle que les meilleures armes de lutte sont la politique, l’économie avant la sécurité », écrit Satter Noureddine, dans le site en ligne Al-Modone. Dans le quotidien Al-Shorouk, l’éditorialiste Emadeddine Hussein revient sur le sujet de la démocratie en avançant que croire en la démocratie veut dire accepter ses résultats. A partir de ce constat, il entre dans une analyse alambiquée: « Quand vous votez pour quelqu’un et vous découvrez qu’il est mauvais, le respect des mécanismes démocratiques est le seul recours pour corriger la situation, mais à condition que toutes les parties croient en l’essence de la démocratie et ne la considèrent pas comme un tremplin pour arriver au pouvoir. Je dis cela juste pour éclaircir les choses, car beaucoup de Frères musulmans vont alors poser la question: si vous croyez en la démocratie, pourquoi avez-vous aidé à évincer le président Morsi? La réponse à cela est tout simplement que la majorité des Egyptiens lui ont demandé de faire des élections anticipées mais il a refusé ».

Il ne nous donne cependant pas de recettes qui nous aident à savoir d’avance si le candidat à un poste quelconque n’utilise pas la démocratie juste comme un tremplin. Il pose ensuite la question: les peuples se trompent-ils et font-ils de mauvais choix en référence au vote en faveur des Frères musulmans dans les précédents scrutins? « C’est une question qui a longtemps taraudé les chercheurs en sciences politiques, mais il y a un point de vue logique qui dit que même si le peuple est dupé au nom de la démocratie, il peut corriger ses positions, et la preuve c’est ce qu’a fait le peuple égyptien avec la confrérie des Frères musulmans. Nous devons donc accepter les résultats des élections, qu’ils plaisent à quelques-uns ou pas ». Voilà donc un exemple du pot-pourri d’analyses que sert la presse égyptienne à ses lecteurs !

Dans le quotidien Al-Masry Al-Youm, la célèbre écrivaine Nawal Al-Saadawi se pose la question sur l’utilité de la démocratie sur fond de bains de sang. « Après l’invasion américaine en Iraq en 2003, le peuple a été obligé de participer à des élections de façade et précipitées alors que le sang coulait dans les rues. Les journaux américains chantaient la fête démocratique iraqienne alors que les élections avaient permis l’avènement d’un gouvernement à la solde des occupants, et d’un Parlement ridicule semblable au Parlement égyptien. Le même scénario s’est répété en Libye et ailleurs. Et sous l’intitulé de construire un Etat égyptien démocratique et moderne, le feuilleton de l’avortement de la révolution de janvier 2011 et de juin 2013, en organisant des élections alors que le pays est noyé dans le sang avec la lutte anti-terroriste. Comment les élections peuvent-elles être efficaces alors que tous les gouvernements sont en échec depuis 2011? Et devons-nous continuer à perdre de l’argent et du temps seulement pour convaincre le monde que nous avons une démocratie ? ».

Tenue de sport et vélo Peugeot

Côté Web, la photo du candidat à la présidence Abdel-Fattah Al-Sissi en jogging sur sa bicyclette dans une rue du Caire a fait le tour des réseaux sociaux. « Le candidat présidentiel est apparu dans une photo non habituelle pour les Egyptiens et pour le monde arabe. Il montait sa bicyclette au milieu des citoyens et personne ne sait où cette photo a été prise ni quand », écrit le site en ligne Sada Al-Balad. La dernière image que les Egyptiens ont du candidat en question remonte à la semaine dernière, lorsqu’il a annoncé sa candidature à la présidence à la télévision égyptienne en tenue de combat, avec pour arrière-fond une photo d’un jardin botanique! D’ailleurs, ce jardin a lui aussi fait parler de lui. Des journaux se sont lancés dans des analyses farfelues du genre « Selon l’analyse du sociologue ou du politologue, un tel jardin symbolise la prospérité ». Revenons à la bicyclette, pour le quotidien Al-Masry Al-Youm, « Ahmad Moussa, qui anime un talk-show sur la chaîne Sada Al-Balad, a attesté que les photos sont véridiques ». Le site d’information en ligne a publié toutes les photos de dirigeants du monde à bicyclette, dont Poutine et David Cameron. Même le journal Al-Masriyoune, de tendance islamiste, a publié sur son site en ligne un article sur le sujet en reprenant certains parmi les milliers de commentaires faits sur les réseaux sociaux, dont « ceux qui ont mis l’accent sur la marque de la bicyclette, une Peugeot qui coûte 4000 euros, à savoir près de 40000 L.E. Ils ont publié un lien du site officiel de la bicyclette en question avec des commentaires du genre: serrez-vous la ceinture pour le bien de l’Egypte », en référence à l’appel du candidat à tous les Egyptiens pour se serrer la ceinture, afin d’aider l’économie. Quelles que soient les analyses politiques autour de la candidature d’Al-Sissi, une chose est sûre: il fait face à une Egypte qui n’est pas celle de Moubarak, ni celle de ses prédécesseurs. Car les Egyptiens ne laissent plus rien passer.

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