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Somalie : instabilité chronique

Sabah Sabet avec agences, Mardi, 25 février 2014

La spectaculaire attaque contre le palais prési­dentiel de Mogadiscio, revendiquée par la rébellion Shebab, démontre que la Somalie est encore loin de sortir du chaos.

Instabilité chronique en Somalie
14 personnes, dont 9 assaillants, ont péri à cause du dernier attentat visant le palais présidentiel à Mogadiscio. (Photo:Reuters)

De nouveau, les com­battants extrémistes Shebab sont apparus en force sur la scène pour menacer la Somalie. Vendredi dernier, 14 personnes, dont 9 parmi les assaillants, ont péri dans un spectaculaire atten­tat visant le palais présidentiel de Mogadiscio. Le président soma­lien, Hassan Cheikh Mohamoud, qui avait déjà été la cible d’un attentat moins de 48 heures après son élection, en septembre 2012, n’a pas été blessé dans cette attaque revendiquée par les rebelles. Il est sorti indemne tan­dis qu’un membre du cabinet du premier ministre et un ancien chef adjoint des services de ren­seignements figuraient parmi les victimes. L’Union des journa­listes somaliens a précisé qu’un journaliste, Ahmed Said Ahmed, travaillant pour Radio Kulmiey, avait été gravement blessé dans l’attaque et se trouvait dans un état critique. « Nos commandos ont attaqué le prétendu palais présidentiel pour tuer ou arrêter ceux qui sont à l’intérieur », a déclaré à l’AFP Aziz Abu Musab, porte-parole des Shebab, qui ont juré la perte des autorités somaliennes. Selon Abu Musab, cet assaut montrait qu’aucun endroit n’est sûr pour le gouver­nement « apostat ». « L’aéroport, le soi-disant palais présidentiel, comme tout autre endroit en Somalie peuvent être attaqués suivant nos plans », jure le porte-parole.

L’attaque de vendredi survient une semaine à peine après un autre impressionnant attentat dans la capitale somalienne, éga­lement revendiqué par les Shebab : le 13 février, 6 per­sonnes au moins avaient péri dans l’explosion d’une voiture piégée visant un convoi de l’Onu à l’entrée du complexe ultra-sécurisé de l’aéroport de Mogadiscio. Celui-ci abrite notamment le quartier général de l’Amisom, des bureaux de l’Onu et des antennes diplomatiques occidentales.

Les Shebab, affiliés à Al-Qaëda, ont été chassés de la capitale somalienne en août 2011 par la fragile armée soma­lienne et la force de l’Union africaine. Depuis, ils ont perdu leurs bastions dans le sud et le centre du pays. Mais ils conti­nuent de contrôler de vastes zones rurales et, à Mogadiscio, de lancer des attaques de type guérilla de plus en plus sophisti­quées, qui se sont multipliées ces derniers temps. Le 1er jan­vier, un double attentat à la voi­ture piégée devant un hôtel de la capitale, fréquenté par des res­ponsables somaliens et étrangers en visite dans la capitale soma­lienne, avait encore fait au moins 11 morts.

Si l’Amisom et ses 17 000 soldats, ainsi que l’armée soma­lienne, sont parvenus à chasser les Shebab de la capitale et de la ville côtière de Kismayo, ils pei­nent à assurer la sécurité de tout le pays. Très mobiles, les com­battants islamistes imposent aux forces chargées du maintien de la paix une guerre asymétrique. Harcèlement des axes de trans­port logistique, embuscades ou encore pose de mines. Les Shebab, malgré leur infériorité numérique (environ 4 000 hommes), arrivent à équilibrer le rapport de force à travers de nombreux points du territoire. L’Amisom, en difficulté face à ces méthodes de combat, doit aussi faire face à un manque cruel de moyens militaires. La force ne dispose pas d’hélicop­tères ou de navires de guerre afin de surveiller l’ensemble du terri­toire somalien qui s’étend sur près de 640 000 km2. Alors que des regains de tensions survien­nent entre plusieurs Etats séces­sionnistes et unionistes, l’Ami­som et l’armée somalienne se retrouvent face à de nouveaux défis. Reste désormais à savoir quelle stratégie sera adoptée pour venir à bout des Shebab et restaurer l’intégrité de la totalité du territoire.

La Somalie est plongée dans le chaos et la guerre civile depuis la chute du président, Siad Barre, en 1991. Face à cette situation, le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, a « fermement condamné » l’attaque et « réité­ré le soutien indéfectible des Nations-Unies » aux Somaliens « dans leur lutte contre l’extré­misme ».

Qui sont les Shebab ?

Shebab est un groupe islamiste somalien issu de la fraction la plus dure de l’Union des tribu­naux islamiques, qui milite pour l’instauration de la charia. Il a été créé en 2006 lors de l’inva­sion éthiopienne et s’est déclaré en 2009 en guerre contre le gouvernement de Sharif Ahmed, issu de la tendance plus modérée des Tribunaux islamiques. C’est l’une des deux grandes organisations islamistes somaliennes, avec le Hezb Al-Islamiya du cheikh Hassan Dahir Aweys. Ils sont dirigés par Moktar Ali Zubeyr, successeur du cheikh Mukhtar Robow. Le fon­dateur du groupe, Aden Hashi Farah « Ayro », a été tué le 1er mai 2008 dans une frappe aérienne américaine qui fit plusieurs victimes civiles. Après leur succès initial, ils contrôlaient une partie du pays en 2008 avant d’être obligés de se replier en 2011 face aux offensives de l’armée somalienne appuyée par l’Union afri­caine.

En septembre 2013, leurs rangs compteraient environ 5 000 combattants. Ils sont cependant divisés en plusieurs factions rivales. Outre les ambitions personnelles, les partisans d’une révolution islamique mondiale divergent de ceux centrés sur l’objectif nationaliste consis­tant à prendre le pouvoir en Somalie. Dans ce cadre, le 29 juin 2013, le groupe annonce avoir tué 2 de ses chefs historiques, Ibrahim Haji Jama Mead dit « Al-Afghani » (l’Afghan) et Abul Hamid Hashi Olhayi.

L’organisation est placée sur la liste officielle des organisations terroristes des Etats-Unis en février 2008.

Elle est soupçonnée d’entretenir des liens forts avec la direction centrale d’Al-Qaëda au Pakistan et d’abriter des djihadistes étrangers, dont certains en provenance d’Europe et des Etats-Unis. L’intensification des actions mili­taires américano-pakistanaises dans les zones tribales au sud du Waziristan menace la survie des hauts responsables de la mouvance, de nombreux chefs d’Al-Qaëda sont soupçonnés de se préparer à quitter leur sanctuaire afgha­no-pakistanais pour gagner la Somalie .

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