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La Libye en manque d’Etat

Abir Taleb avec agences, Mardi, 18 février 2014

La Libye a célé­bré cette semaine le 3e anniversaire du début de la révolte ayant conduit à la chute de Kadhafi. L’instabilité et le chaos politique qui règnent depuis traînent en longueur

La Libye en manque d’Etat
La situation en Libye est d'autant plus compliquée que le pouvoir exécutif est quasi paralysé. (Photo:Reuters)

Institutions paralysé­es, insé­curité galopante, manifesta­tions, crise pétrolière et même tentative de coup d’Etat, tel est le climat dans lequel les Libyens ont célébré le 3e anniversaire de leur « Printemps arabe ». Un vent de liberté et d’espoir qui a viré au cau­chemar. C’est donc un tableau peu reluisant que l’on constate aujourd’hui en Libye, un pays plon­gé dans le chaos dû avant tout à l’absence de l’Etat.

Entre criminalité, règlements de comptes politiques ou idéologiques et affrontements tribaux, les autori­tés de transition, totalement impuis­santes, ne savent plus où donner de la tête. Et depuis quelques mois, le pays sombre dans l’anarchie et l’in­certitude, avec une crise politique et économique sans précédent qui paralyse le pouvoir exécutif et divise le législatif. Après avoir annoncé, début février, la prolongation de son mandat jusqu’en décembre 2014, le Congrès Général National (CGN, Parlement) a dû faire volte-face en raison de la pression de la rue. Dimanche dernier, le Parlement libyen est parvenu à un consensus sur des élections anticipées pour désigner de nouvelles autorités de transition. « Les blocs politiques sont unanimes sur la tenue d’élec­tions anticipées », a déclaré à l’AFP Abdallah Al-Gmati, qui fait partie d’un bloc d’une quinzaine de dépu­tés indépendants au Congrès Général National (CGN, Parlement), la plus haute autorité politique en Libye. Cela dit, des discussions sont tou­jours en cours sur les institutions qui devraient remplacer le Congrès : soit un nouveau Congrès, soit un Parlement et un président.

Or, cette décision ne signifie pas pour autant la fin de la crise. C’est uniquement par crainte d’escalade de la violence que le CGN est reve­nu sur sa décision initiale, parce que des milliers de Libyens étaient des­cendus dans la rue la semaine der­nière et surtout parce que les princi­paux protagonistes impliqués dans la crise actuelle sont appuyés par des groupes armés qui n’hésitent pas à menacer de faire parler les armes.

La loi des milices

En effet, c’est l’existence de ces groupes armés qui est à l’origine du chaos actuel. Il s’agit de milices aux différentes motivations et obé­diences, formées d’ex-rebelles, les « thowar », héros de la révolution libyenne qui ont combattu les forces de Mouammar Kadhafi jusqu’à sa mort le 20 octobre 2011. Depuis la chute de Kadhafi, les milices sont considérées comme responsables de l’insécurité ambiante et une entrave au processus de reconstruction de l’Etat. C’est la loi des milices qui prévaut.

La situation est d’autant plus com­pliquée que le pouvoir exécutif est quasi paralysé en Libye, où des députés islamistes ont engagé un bras de fer avec le premier ministre indépendant Ali Zeidan dont ils réclament la démission. Les isla­mistes ont en effet retiré leurs ministres du gouvernement et blo­quent depuis l’adoption par le Congrès d’un remaniement proposé par le premier ministre pour rempla­cer les ministres démissionnaires. Et, au milieu de cette cacophonie politique, une tentative de coup d’Etat. Vendredi dernier, Khalifa Haftar, un ancien commandant de la rébellion qui a renversé le régime de Mouammar Kadhafi en 2011, a annoncé une « initiative » prévoyant la suspension des autorités de transi­tion, dans une déclaration qui prête à plusieurs interprétations. Dans la vidéo mise en ligne, Khalifa Haftar affirme que « le commandement de l’armée nationale libyenne annonce une initiative pour une feuille de route qui sera annoncée dans les prochains jours », en consultation avec les différentes parties.

Cette initiative, a-t-il dit, prévoit la suspension du Congrès Général National (CGN, Parlement) et du gouvernement de transition et la for­mation d’une commission présiden­tielle. « L’armée a décidé de réagir non pas pour gouverner mais pour préparer les conditions propices » à des élections. Certes, les autorités libyennes ont démenti toute tentative de coup d’Etat, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une preuve sup­plémentaire du chaos politique qui règne en Libye.

Une situation préoccupante aussi bien pour les Libyens que pour leurs voisins. Car c’est aujourd’hui un dan­ger majeur pour la sécurité de toute la région. Le Sud libyen est devenu un « incubateur » (le mot est utilisé par la CIA) de groupes djihadistes. A l’origine notamment de la déstabili­sation du Nord-Mali. Ce qui a fait dire au ministre nigérien de l’Inté­rieur que la France et les Etats-Unis devraient intervenir militairement.

Une option lointaine, et qui du reste ne risque pas d’arranger les choses ni d’aider à sauver le pays. Selon les analystes en effet, le chaos actuel tient pour beaucoup aux structures de la société libyenne. Car l’Etat, c’était Mouammar Kadhafi. Le problème de l’après-Kadhafi n’était donc pas la reconstruction d’un Etat, mais tout simplement sa création .

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