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Al-Jazeera dans le box des accusés

Mohamed Abdel-Hady, Mardi, 04 février 2014

Le Parquet général a déféré 20 journalistes d’Al-Jazeera devant la Cour d’assises. Ils sont accusés d’avoir diffusé des informations qui « portent atteinte à l’unité nationale » et à « la paix sociale ».

16 egyptiens sont accusés d’appartenir à une « organisation terroriste » et de « porter atteinte à l’unité nationale et à la paix sociale ». Quatre étrangers — 2 Britanniques, un Australien et un Néerlandais — sont, eux, poursuivis pour le fait de « collaborer avec ces Egyptiens en leur fournissant de l’argent, des équipements et des informations », et de « dif­fuser de fausses nouvelles visant à informer le monde extérieur que le pays était en guerre civile ».

Sur les 20 accusés, seuls 8 sont détenus, les autres étant recherchés par les autorités. Le Parquet n’a pas révélé l’identité des journa­listes incarcérés. Parmi eux figurent l’Austra­lien Peter Greste, l’Egypto-Canadien Mohamad Adel Fahmi, responsable du bureau du Caire, et l’Egyptien Baher Mohamad, arrêtés le 29 décembre dans un hôtel du Caire, ainsi que Abdallah Al-Chami, arrêté le 14 août dernier, et Mohamad Badr, détenu depuis le 15 juillet et libéré le 2 février.

Al-Jazeera est le bras médiatique du Qatar avec qui l’Egypte est en froid en raison de sa proximité avec les Frères musulmans.

L’arrestation des journalistes a été critiquée par plusieurs organisations internationales, dont Reporters Sans Frontières (RSF), Amnesty international et la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ), basée à Bruxelles.

Le département d’Etat américain a lui aussi réagi avec virulence en stigmatisant le juge­ment des journalistes. « Le gouvernement égyptien a fait preuve d’un dédain mons­trueux pour la protection des droits fonda­mentaux et des libertés », a déclaré la porte-parole du département d’Etat, Jennifer Psaki, en commençant son point de presse quotidien.

Ces propos ont attiré une réplique en règle de la diplomatie égyptienne. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères a ainsi rejeté les propos du département d’Etat amé­ricain : « Ces déclarations représentent une ingérence inacceptable dans les affaires de la magistrature égyptienne, dont il faut respecter les verdicts et l’indépendance. Toutes les garanties sont assurées pour que les accusés bénéficient d’un procès équitable et transpa­rent. Aucune mesure exceptionnelle n’a été prise. Si les accusés sont condamnés, ils auront le droit de faire appel conformément à la loi ordinaire ».

La chaîne Al-Jazeera est régulièrement accusée de partialité dans sa couverture des événements en Egypte en prenant le parti des pro-Morsi. Le 3 septembre 2013, une décision de la chambre administrative du Conseil d’Etat a prononcé la fermeture des chaînes Al-Jazeera Mubasher Misr.

Partisan d’une attitude ferme contre la chaîne qatari, Essam Chiha, avocat et vice-président de l’Organisation égyptienne des droits de l’homme, explique que « même si l’Egypte s’est engagée à respecter l’article 19 de la Charte mondiale des droits de l’homme garan­tissant la liberté d’opinion et d’expression et la protection des journalistes, cela ne veut pas dire qu’une chaîne comme Al-Jazeera opère dans le pays sans permis et diffuse des infor­mations erronées ou non vérifiées. L’Etat a usé de son droit d’appliquer la loi après avoir constaté que la chaîne qatari ne faisait preuve ni de neutralité, ni de professionnalisme. Les autorités égyptiennes n’ont rien à se reprocher tant qu’elles assurent des procès équitables et publics et tant que les chefs d’accusation sont étayés par des preuves irréfutables ». Il ajoute que l’Egypte, depuis le 30 juin, est dans la ligne de mire des organisations internationales qui multiplient les critiques à tort ou à raison, sans aucun sens de neutralité ou d’impartialité.

Arrestations négatives

Diaa Rachwane, président du syndicat des Journalistes, estime que même si Al-Jazeera assure une couverture biaisée, les mesures visant ses journalistes nuisent à la révolution égyptienne. « L’emprisonnement des journa­listes dans les délits de presse n’est légal, selon la Constitution, que sous 3 conditions, à savoir l’incitation à la violence, l’exercice d’une dis­crimination envers les différents segments de la société ou l’atteinte à l’honneur », dit-il.

Rachwane ajoute que « ces journalistes sont certes passibles de poursuites comme tout autre citoyen, mais la loi interdit de les placer en détention provisoire s’ils sont en instance de jugement dans, précisément, des délits de presse », explique-t-il.

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