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Scénario catastrophe en Iraq

Abir Taleb avec agences, Lundi, 13 janvier 2014

Le gouvernement iraqien tente d'éviter un assaut contre Fallouja, tombée entre les mains des insurgés, qui risquerait d'attiser le sentiment anti-gouvernement très fort dans cette région majoritairement sunnite et de tuer tout espoir d'un règlement politique du conflit.

Scénario
(Photo : AP)

Quelque 13 000 familles auraient quitté la région de Fallouja, fuyant les combats dans cette ville pour se réfu­gier dans les provinces avoisinantes, selon le Croissant-Rouge iraqien. C’est là l’une des conséquences de la guerre déclarée par le gouvernement iraqien contre les insurgés extré­mistes affiliés à Al-Qaëda de la province d’Al-Anbar. Les forces de l’ordre et des combattants des tribus étaient parvenus à reprendre aux djihadistes deux quartiers de Ramadi, chef-lieu de la province d’Al-Anbar. Selon un commandant d’une milice tribale, Mohammed Khamis Abu Risha, cité par l’AFP, les combattants de l’EIIL ne contrô­lent plus que 10 % de Ramadi.

C’est la première fois que des hommes armés prennent aussi ouvertement le contrôle de zones urbaines depuis l’insurrection qui a suivi l’invasion américaine de 2003, dont la province d’Al-Anbar, fron­talière de la Syrie, a été l’un des bastions.

Pour le moment donc, la ville sunnite de Fallouja est toujours contrôlée par des hommes armés, membres de l’Etat Islamique en Iraq et au Levant (EIIL), mais aussi de tribus hostiles au gouvernement.

Or, reprendre Fallouja est une mission à très haut risque pour le gouvernement iraqien. Tâche diffi­cile pour les Américains en 2004, elle pourrait s’avérer presque impossible près de dix ans plus tard. En effet, d’un côté, les forces ira­qiennes courent le risque de causer de lourdes pertes civiles. D’autant que la population est lourdement armée et que milices tribales et civils possèdent probablement de nombreuses armes, selon les experts. Selon Issam Al-Faili, pro­fesseur de sciences politiques à l’Université Mustansiriyah de Bagdad, cité par l’AFP, « entamer des opérations militaires à Fallouja sans une coordination claire avec la population ne peut mener qu’à un désastre ». Il y a dans Fallouja « des combattants aguerris aux affronte­ments urbains », estime-t-il.

De l’autre surtout, une attaque contre Fallouja risque d’aggraver les tensions entre la minorité sun­nite et le gouvernement, et constitue un défi de taille pour les forces gou­vernementales qui n’ont encore jamais mené une opération de cette ampleur depuis le départ des der­niers soldats américains il y a deux ans.

En effet, la prise de contrôle récente des villes iraqiennes de Fallouja et Ramadi par des insurgés, dont des djihadistes de l’Etat isla­mique en Iraq et au Levant, repré­sente un défi militaire sans précé­dent pour le gouvernement du pre­mier ministre Nouri Al-Maliki. Militairement parlant, les experts pointent du doigt la faiblesse de l’armée iraqienne. Certains ne man­quent pas de rappeler qu’en 2008, l’armée avait tenté de reprendre la ville de Bassora en lançant l’opéra­tion « Charge des chevaliers », mais les militaires américains ont dû venir les seconder, une option qui n’est plus sur la table aujourd’hui.

Ainsi, pour éviter un scénario catastrophe, Washington tente de convaincre Bagdad d’opter pour le dialogue, au moins dans un premier temps. Un responsable américain a appelé jeudi le gouvernement ira­qien à la patience et à la retenue, disant espérer que l’armée n’aurait pas à lancer l’assaut contre Fallouja.

De hauts responsables américains, dont le vice-président Joe Biden, ont en effet passé la semaine au téléphone avec Bagdad pour pous­ser Nouri Al-Maliki à la réconcilia­tion avec les tribus sunnites d’Al-Anbar, avant de lancer un assaut pour reprendre ces deux villes sun­nites. Cette stratégie en deux temps est similaire à celle que les Américains avaient adoptée avant leur départ du pays fin 2011.

Des discussions ont effectivement commencé cette semaine. Des res­ponsables militaires et les autorités locales ont assuré que l’attaque ne serait pas lancée tant que se pour­suivront les négociations qui visent à ce que les islamistes liés à Al-Qaëda évacuent la ville et en laissent le contrôle aux tribus sun­nites locales.

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