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Hassan Nafea : le dialogue avec les étudiants est la seule solution

Amira Samir, Mardi, 17 décembre 2013

Hassan Nafea, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire, estime que les Frères musulmans tentent d’exploiter la colère des jeunes pour leurs propres intérêts.

Al-Ahram Hebdo : Comment évaluez-vous la situation actuelle dans les universités égyptiennes?

Hassan Nafea : Il s’agit d’une émergence d’un mouvement estudiantin conséquent de la crise politique que connaît l’Egypte ces jours-ci. Il est tout à fait normal que les universités égyptiennes deviennent une tribune qui reflète cette crise. Les étudiants refusent toute intervention sécuritaire à l’intérieur ou en dehors des universités. Ils ont l’impression que la révolution du 30 juin a été volée par les feloul du régime de Moubarak, et que les buts de la révolution du 25 janvier 2011 ne sont pas encore atteints. La nouvelle loi sur les manifestations vient irriter de plus les jeunes.

La situation ne s’est-elle pas aggravée suite au meurtre d’un étudiant?

C’est vrai que la grogne des étudiants a éclaté suite à la mort, au sein de l’Université du Caire, de l’étudiant de la faculté d’ingénierie, Mohamad Réda. C’était une scène très difficile à supporter de la part des étudiants, quelle que soit leur tendance. Les jeunes veulent connaître l’auteur du crime. Ils croient que ce sont les forces de sécurité qui l’ont tué, mais l’Etat dément toujours. Il faut alors former une commission d’enquête indépendante et neutre pour dévoiler le coupable. Sinon, les policiers vont s’arroger le droit d’ouvrir le feu sur les étudiants désarmés et pacifiques. Cette affaire est absolument inacceptable.

Ces jeunes manifestants sont-ils à votre avis tous des partisans des Frères musulmans?

Il faut savoir que les jeunes manifestants des universités n’appartiennent pas tous aux Frères musulmans, comme le prétendent certains. Le nombre des étudiants Frères diffère d’une université à l’autre. Leur présence est très forte à l’Université d’Al-Azhar, mais pas si grande dans les autres universités comme celle du Caire. On trouve des jeunes membres du mouvement du 6 Avril, des socialistes, des libéraux et d’autres indépendants.

Oui, mais ne pensez-vous pas que les Frères musulmans aient tenté de profiter de ces troubles pour inciter les étudiants à manifester?

Sans aucun doute. Les Frères musulmans sont bien conscients que la voix des étudiants de l’université occupe une dimension très importante dans la société. C’est pourquoi ils tentent d’exploiter la colère des jeunes pour leurs propres intérêts. Mais je pense qu’ils n’atteindront pas leur objectif. Nous nous approchons du référendum sur la nouvelle Constitution. Si le « Oui » l’emporte sans fraude, le gouvernement doit oeuvrer, entre autres, à améliorer les conditions des étudiants, les méthodes d’enseignement et les universités en général pour gagner les jeunes à sa politique.

Est-ce que la suspension des cours est la solution adéquate pour le retour du calme aux universités?

Je suis contre l’arrêt des cours. La situation à l’Université du Caire n’est pas aussi grave que dans les autres, comme celle d’Al-Azhar. Le premier semestre prendra fin dans quelques jours. D’ailleurs, Gaber Nassar, recteur de l’Université du Caire, a annulé la décision qu’il avait prise de suspendre des cours et s’est contenté de l’appliquer uniquement à la faculté d’ingénierie où les violences sont plus élevées.

Certains appellent au retour de la garde universitaire, qu’en pensez-vous?

Je suis tout à fait contre. Malheureusement, certains préfèrent la solution sécuritaire et profitent de la situation actuelle pour appeler au retour de la garde universitaire. Elle a mauvaise réputation. Et puis elle était une couverture de la Sécurité d’Etat qui dirigeait l’université d’une façon presque absolue en dominant les activités estudiantines et en contrôlant les élections des professeurs.

Quelle est donc l’alternative?

L’alternative est une garde privée et bien formée dépendant de l’université et non du ministère de l’Intérieur ou de la Sécurité d’Etat. Et c’est au gouvernement d’aider les universités dans cette tâche. Toutefois, la direction de l’université peut demander l’assistance de la police en cas de crime par exemple, au sein des universités. Celles-ci ne sont pas des îles isolées.

Quel est le rôle de la direction de l’université pour calmer la révolte estudiantine?

La seule solution est le dialogue avec les étudiants. Déjà, la direction a organisé plusieurs rencontres avec quelques représentants des étudiants. J’étais, moi-même, invité à l’une de ces rencontres. J’espère que l’université optera pour le dialogue à tous les niveaux : entre les professeurs et les étudiants, les étudiants eux-mêmes, et entre les différents courants politiques ayant comme base le respect d’autrui.

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