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Au sommet de l’Etat, la situation empire

Saad Al-Qersh, Mardi, 03 décembre 2013

Le chercheur et économiste Abdel-Khaleq Farouq reprend, dans son nouvel ouvrage, la chronologie politico-économique depuis la révolution du 25 janvier et relève les gaspillages systématiques de fonds publics.

Abdel-Khaleq Farouq

Comme si Satan guettait cette révolution, voulant à tout prix empêcher son aboutissement, même après les nombreuses « débâcles préméditées » qu’elle a dû traverser. Dont la plus marquante fut sans doute le choix erroné des responsables dont l’ambition n’était pas à la hauteur des espoirs scandés sur la place Tahrir, épicentre de la révolution en 2011. Nous avons l’exemple de Essam Charaf qui n’était pas brillant en tant que ministre des Transports à l’époque du président Moubarak, et qui fut quand même choisi pour mener le cabinet ministériel à l’époque du Conseil militaire, au lendemain de la date charnière du 25 janvier. Hicham Qandil, quant à lui, était mal à l’aise dans son habit de ministre et avait du mal à assumer les fonctions relevant du portefeuille des ressources hydriques dont il était chargé pendant la gouvernance du Conseil militaire et fut ensuite choisi par le président Morsi pour mener l’orchestre ministériel. Même Hazem Al-Beblawi qui n’a fait aucun apport en tant que ministre des Finances à la même époque, mène aujourd’hui la barque, suite à la vague rectificative du 30 juin et la destitution de Morsi.

Dans son livre L’Impasse de l’économie égyptienne et les issues, l’expert et économiste, Abdel-Khaleq Farouq, voit des échecs en cascade, 30 mois après la révolution du 25 janvier 2011, qui disent beaucoup sur l’incapacité des responsables — faute d’efforts — à parvenir à des visions et à des politiques alternatives ou un soi-disant plan de sauvetage, pour reprendre les termes des économistes, susceptibles de sauver le pays de son dangereux piétinement économique et politique.

Le livre est publié par Dar Al-Thaqafa Al-Gadida. 40 publications du même écrivain, toutes en économie, y ont précédemment vu le jour. Citons entre autres : La Crise de la publication et de l’expression en Egypte (paru en 2000), L’Economie égyptienne : de l’époque de la planification à celle des privilèges et de la privatisation (paru 2004), Les Racines de la corruption administrative en Egypte (2009) et enfin Le Pétrole et les fonds arabes à l’étranger (2003).

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Le livre brosse l’itinéraire des gouvernements successifs de l’après-Moubarak que l’on ne peut guère considérer comme des gouvernements de la révolution. Ceux-ci ont fait peu de cas des appels au sauvetage lancés de part et d’autre. Les alternatives proposées étaient l’adoption des politiques de l’assèchement des ressources ou la rationalisation des dépenses du budget général qui s’emparent à elles seules du tiers du PIB. Un phénomène que nous appelons dans le lexique économique « gaspillage irraisonné des fonds publics ». Comme si la révolution de janvier contre les politiques aberrantes, en prélude à une application plus équitable du principe de la justice sociale, n’avait pas eu lieu.

Exemples nombreux

Et les exemples de ce gaspillage sont nombreux. Parlons tout d’abord des salaires et des primes au ministère des Affaires étrangères qui ont dépassé durant l’année 2012-2013 la barre des 108 milliards de L.E., soit une hausse d’environ 257,5 millions de L.E. par rapport à l’année 2011-2012. Selon l’écrivain, il est possible de réduire ces dépenses en réduisant le nombre de nos ambassades et de nos missions diplomatiques en Amérique latine. L’écrivain se demande : est-il normal que l’Egypte soit représentée dans 35 ambassades et missions diplomatiques en Amérique latine ? Alors que la réalité des choses sur le terrain nous dit que la nature des relations politico-économiques avec la plupart de ces pays, tels que le Salvador, l’Uruguay et Haïti peuvent être qualifiées de « modestes ».

Si l’on passe au ministère de l’Intérieur, sa part du budget général est estimée à 18,2 milliards de L.E. au cours de l’année 2012-2013 avec une hausse de 2,7 milliards de L.E. A l’heure où les tribunaux et la magistrature ont obtenu 5,6 milliards de L.E. avec une hausse estimée à 1,5 milliard de L.E. par rapport à l’année 2011-2012. Les déséquilibres monétaires dans la gestion des ressources financières ont persisté sous le gouvernement de Hicham Qandil. Malgré la performance médiocre du gouvernement Qandil, Morsi a insisté à le préserver dans un entêtement sans pareil qui nous rappelait celui du vétéran de l’obstination, Moubarak.

La performance de Morsi, tout au long d’une année, a fait montre non seulement d’un manque inouï d’intelligence politique, mais d’une obstination sans précédent et d’une volonté aveugle de monopoliser les composantes de l’Etat égyptien qui devraient s’assujettir, selon ses croyances et celles de sa Gamaa, à la gouvernance islamique.

Selon Farouq, la structure sociale du pouvoir sous Morsi comprenait des commerçants et des entrepreneurs qui n’avaient ni les qualifications, ni l’expertise nécessaire en matière d’économie pour comprendre les mécanismes devant gérer un grand Etat comme l’Egypte. Malheureusement, écrit-il, le président Morsi et sa confrérie sont devenus un grave danger menaçant l’entité égyptienne.

Au final, la conclusion de l’auteur est cinglante : il nie la possibilité d’une rencontre à mi-chemin entre Morsi et ses Frères musulmans d’un côté et les différentes composantes de l’action nationale de l’autre.

Maezaq Al-Iqtessad Al-Masry, de Abdel-Khaleq Farouq, aux éditions Dar Al-Thaqafa Al-Gadida, 2013.

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