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Manal Al-Tibie : 5,8 millions d’appartements sont vides

Dina Bakr, Lundi, 02 décembre 2013

Manal Al-Tibie, directrice du Centre égyptien du droit au logement, dénonce les carences des logements sociaux. Elle affirme que ce secteur est l’un des plus corrompus.

Manal Al-Tibie
Manal Al-Tibie, directrice du Centre égyptien du droit au logement.

Al-Ahram Hebdo : Quels objectifs ont déjà été réalisés ?

Manal Al Tibie : Rien n’a été réalisé dans le domaine du logement social. Nous avons 3 millions de familles habitant les tombes, les zones sauvages et les bidonvilles, alors que 5,8 millions d’appartements sont vides. Le marché doit répondre aux exigences du logement social, les appartements existants sont trop luxueux.

- Pourquoi l’Etat n’arrive pas à garantir un accès au logement ?

- L’Etat charge de grandes sociétés de construire ces logements qui, à leur tour, signent des contrats avec des sociétés moins importantes et ainsi de suite … La procédure dépend de plusieurs entrepreneurs qui en profitent au maximum. Résultat : les prix des logements grimpent, et c’est le citoyen qui en paie les frais. Le secteur de logement est le plus corrompu.

De plus l’Egypte est un cas spécial. Au moment de la crise économique mondiale, dans la plupart des pays, les prix de l’immobilier ont baissé. Ici, les propriétaires réagissent différemment et préfèrent garder leurs appartements sans locataires. Car s’ils baissent le loyer, il leur sera difficile de l’augmenter par la suite.

- Quelle est la solution ?

- L’Etat doit faire passer des lois pour contrôler le marché immobilier. 250 000 Egyptiens possèdent 3 appartements. Pour cette catégorie sociale, il faut imposer des impôts progressifs, afin qu’ils ne puissent garder d’appartement inoccupé plus de 6 mois par an.

Constructions ininterrompues depuis 1952

Après la Révolution du 23 Juillet 1952, les projets destinés aux plus pauvres connaissent un essor sous Gamal Abdel-Nasser. Pour Nasser, la classe ouvrière avait droit à un certain nombre de services sociaux, dont un logement décent. Il fait construire plusieurs citées à l’exemple de Madinet Al-Ommal (la ville des ouvriers) à Imbaba, à proximité du lieu de travail des ouvriers : l’imprimerie d’Al-Amiriya.

Ali Attiya, qui vit dans l’un de ces immeubles depuis une soixantaine d’années, précise que le prix du loyer est resté particulièrement avantageux. D’autres immeubles ont aussi été construits à Hélouan, à Al-Mahalla Al-Kobra et à Kafr Al-Dawar.

Face à une demande croissante d’une population à bas revenus, Anouar Al-Sadate poursuit le projet des logements sociaux lancé par Nasser. Sadate promulgue en 1980 le décret n°110 établissant une distinction entre les différents types de logements : social, moyen et cher. Ce décret insiste sur le fait de ne pas inclure le prix du terrain, qui est gratuit, et des installations qui pourraient causer des dépenses supplémentaires au citoyen au bas revenu. Des logements sociaux sont construits à Mohandessine dans la rue Gameat Al-Dowal, à proximité du club Zamalek. Sadate est parti du principe que la pauvreté n’est pas vice, et donc les pauvres ont le droit d’occuper des logements qui ne diffèrent pas de leurs voisins issus de la classe aisée.

Enfin, Hosni Moubarak fait construire des blocs de bâtiments, collés les uns aux autres. Ces logements « refuges » sont conçus pour les catégories à bas salaires dans plusieurs quartiers populaires comme Abdine. Par la suite, il lance un projet de construction de logements sociaux dans les nouvelles villes comme Iskan al-chabab (logements pour les jeunes) et ensuite, le projet national du logement.

Hassan Fathi, architecte de renom, a su adapter ses logements aux besoins des citoyens aux maigres salaires, tout en tenant compte du confort et de la sécurité. Selon Fathi, l’architecte doit obéir aux besoins des gens. Une vision peu partagée par les responsables politiques .

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