Malgré les sourires, Téhéran et les Six ne sont pas parvenus à l'accord souhaité.
(Photo: Reuters)
Après une décennie de blocage, la crise nucléaire iranienne était cette semaine à deux pas d’une percée historique. Mais le règlement a encore une fois été ajourné. Alors que l’on s’attendait à un accord lors des négociations de Genève, tenues du 7 au 9 novembre entre Téhéran et les Six (5 membres permanents du Conseil de sécurité et l’Allemagne), il a été décidé d’une nouvelle rencontre «
programmée le 20 novembre avec la volonté d’aboutir ».
C’est ce qu’ont annoncé les chefs de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, et iranienne, Javad Zarif. Selon les experts, les deux côtés ont raté une « chance exceptionnelle » et devraient vite y remédier le 20 novembre car l’ambiance de ces jours est porteuse de grands espoirs avec la politique d’ouverture du régime iranien modéré du président Rohani.
Ce dernier n’a désormais qu’un objectif : engager un dialogue sérieux avec l’Occident afin d’alléger les sanctions qui étranglent l’économie de son pays. Or, malgré un air d’optimisme sans précédent et tout un déluge de déclarations prometteuses, les trois jours d’intenses négociations se sont achevés, dimanche, aux premières heures, sans parvenir à un accord.
Seulement des « progrès significatifs », selon les deux côtés. Prévus pour les 7 et 8 novembre, ces pourparlers — commencés au niveau des hauts fonctionnaires — ont pris un tournant inattendu avec leur prolongation d’un jour et surtout avec l’arrivée d’urgence des chefs de la diplomatie américaine, britannique, française, russe, chinoise et allemande en Suisse. Une accélération qui a beau nourri l’espoir en un accord imminent.
Malgré l’impasse, Javad Zarif a affirmé dimanche ne pas être déçu : « Nous travaillons ensemble et heureusement nous allons parvenir à un accord le 20 novembre ». Optimisme partagé par les Six. « Je salue les progrès significatifs que nous avons réalisés. On est maintenant plus proche d’un accord », s’enthousiasme le chef de la diplomatie américaine, John Kerry. Pour le moment, l’Iran et l’Occident tiennent à ne rien dévoiler du contenu des discussions par souci d’efficacité.
On ne sait pas trop sur la proposition iranienne de peur que les faucons du régime en Iran et aux Etats-Unis ne mettent les bâtons dans les roues. Ce qui est sûr pour l’heure est que l’accord en projet, avec une expérimentation sur 6 mois, porterait sur un allégement de sanctions avec un engagement en contrepartie de l’Iran de suspendre en partie son enrichissement d’uranium, un processus qui permet, poussé à 90 %, de fabriquer une bombe nucléaire. Selon certains analystes, Téhéran pourrait accepter de geler pendant 6 mois l’activité de ses centrifugeuses les plus performantes, en guise de bonne volonté.
La France plus intransigeante que jamais
La grande surprise de la réunion de Genève était la position française qui a avorté un accord intérimaire à la dernière minute à cause de sa réticence qui dépassait celle des Etats-Unis. Le chef de la diplomatie française était le premier à annoncer l’absence d’accord : « Il reste beaucoup de chemin à faire », a-t-il déclaré, rappelant l’échec de 2003-2004 lorsqu’un accord international prévoyant la suspension de l’enrichissement d’uranium par l’Iran avait volé en éclats faute d’avoir été suffisamment sécurisé. Selon Paris, des clarifications sont indispensables sur les trois points essentiels : la centrale d’Arak, le devenir du stock d’uranium enrichi à 20 % et plus généralement la question de l’enrichissement.
A Genève, la France était le seul pays à rejeter que l’Iran soit un pays du nucléaire civil et d’une capacité d’enrichissement d’uranium, soulignant la nécessité de prendre en compte les « soucis de sécurité d’Israël ». Cette attitude française a vite suscité de larges critiques iraniennes, Zarif allant jusqu’à accuser son homologue français de défendre les positions d’Israël. « Alors que la population française veut une amélioration des relations entre Paris et Téhéran, le gouvernement français préfère malheureusement défendre la position du régime sioniste », a réagi Hossein Taghavi, porte-parole de la commission des affaires étrangères du Parlement iranien.
Outre Téhéran, la réticence française a aussi été critiquée par certains négociateurs occidentaux : « Les Américains, l’Union européenne et les Iraniens ont travaillé de façon intensive pendant des mois sur cette proposition et ce n’est rien de plus qu’une tentative par Fabius de s’immiscer au dernier moment pour jouer un rôle dans la négociation », a fustigé un diplomate occidental. En revanche, Ashton et Kerry se sont abstenus de critiquer l’attitude française : « Nous travaillons très étroitement avec la France. Nous sommes d’accord avec les Français qu’il y a certaines questions sur lesquelles il faut travailler », affirme Kerry. Selon les observateurs, le déluge de mise en garde versé par le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, cette semaine a largement envenimé l’ambiance de la réunion de Genève et pourrait même être à l’origine de cette réticence française.
Tout au long des négociations, « Bibi » n’a cessé de qualifier l’accord en vue d’« erreur d’ampleur historique » : « L’Iran est en passe d’obtenir l’accord du siècle. Il va tout prendre et ne rien donner », a ironisé Netanyahu. Pour calmer la colère de son « enfant gâté », le président américain, Barack Obama, l’a appelé, vendredi, au téléphone pour lui affirmer l’engagement américain à empêcher l’Iran d’obtenir une arme nucléaire.
Pourtant, Tel-Aviv — inquiet des prémices d’un rapprochement entre Washington et Téhéran — a affirmé dimanche qu’il allait jouer de toute son influence au Congrès américain pour empêcher la conclusion d’un accord avec l’Iran le 20 novembre. Face aux réticences des faucons du régime iranien et américain, aux réserves de la France et aux pressions d’Israël — enfant gâté des Américains — quel accord est à attendre le 20 novembre ?.
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