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Droits fondamentaux : peut mieux faire

Chaïmaa Abdel-Hamid, Dimanche, 03 novembre 2013

Malgré des avancées sur les droits de l'homme, davantage de progrès est attendu dans le projet de nouvelle Constitution.

droits
La suppression des tribunaux militaires pour les civils est une revendication des manifestants depuis le 25 janvier. (Photo : AP)

« Liberté et dignité » : deux revendications devenues un cri de ralliement depuis le 25 janvier 2011. Ces deux notions trouvent leurs échos dans le troisième chapitre de la Constitution sur les droits et les libertés. A ce jour, la plupart des articles du chapitre 3 ont été approuvés par le comité des 50 chargé de modifier la Constitution suspendue de 2012.

Même si la version finale n’a pas été dévoilée, certains changements par rapport au texte de 2012 sont déjà visibles. Comme l’explique Nasser Amin, avocat spécialiste des droits de l’homme et membre du comité des 50, plusieurs articles n’ayant jamais existé auparavant ont été ajoutés au chapitre 3. « Si toutes sont approuvées, ces modifications formeront dans le fond une transition très importante dans le domaine des libertés et des droits de l’homme en Egypte ». Les changements concerneraient aussi le rajout de la mention du « droit à la vie ». « C’est l’un des droits fondamentaux et qui existe dans toutes les Constitutions du monde mais qui n’a jamais été mentionné dans la nôtre », précise Amin.

Par ailleurs, l’article 37 bis criminalise pour la première fois la torture et la considère comme un crime imprescriptible. Celle-ci n’était jusque-là qu’ « interdite ». Dans la version de 2012, l’article 37 bis stipulait qu’« un citoyen arrêté ou emprisonné (…) doit être traité d’une manière qui protège sa dignité. Il ne doit pas être intimidé ou faire l’objet de contraintes ou être blessé physiquement ou psychologiquement ».

Une définition plus large de la torture en tant que « toute forme d’agression contre les citoyens » sera aussi annexée à l’article. « Le droit au silence » devrait aussi apparaître pour la première fois dans la Constitution. Il garantira au citoyen le droit de ne pas parler en cas d’interrogatoire.

Discrimination : changement de termes

L’un des articles les plus importants et déjà approuvés est celui sur la discrimination. L’article 38 stipule : « Aucune discrimination ne doit être faite entre les citoyens en raison de leur sexe, genre, origine, langue, religion, croyance ou pour toute autre raison ». Le comité des 50 a aussi approuvé le rajout d’une clause à l’article 38 criminalisant la discrimination et autorisant la création « d’un commissariat indépendant contre la discrimination », dont le choix des membres serait défini par la loi. Celle-ci définira aussi la discrimination alors que le commissariat sera en charge de son application.

Des modifications importantes mais qui, selon certains spécialistes, n’apportent pas de changement important au domaine des libertés. C’est ce qu’affirme l’ancien général Adel Soliman : « Les changements sont modestes. Nous sommes devant un jeu de mots qui ne fait que remplacer certains termes par d’autres. Notamment l’utilisation du terme discrimination, qui est déjà présent dans l’article stipulant que tous les citoyens sont égaux devant la loi. Il suffisait simplement de l’appliquer ».

Selon lui, « si les articles concernant notamment l’armée et les croyances ne sont pas modifiés, la Constitution dans son ensemble restera une copie légèrement changée de la Constitution de 2012 ».

L’armée reste intouchable

Comme attendu, les articles liés à l’armée et qui autorisent la comparution de civils devant des tribunaux militaires ont soulevé un débat suite au refus du représentant militaire d’apporter le moindre changement. Celui-ci a demandé que l’article 198 de la version de 2012 et qui porte désormais le numéro 174 reste inchangé pour permettre de « traduire les civils devant la justice militaire pour les crimes portant atteinte aux forces armées ». Selon les termes des modifications apportées par le comité à l’article 174, « il est interdit de traduire un citoyen égyptien devant la justice militaire sauf en cas d’atteinte directe aux forces armées ». « Cet article adopté dans la Constitution de 2012 reste flou. Nous avons recommandé sa suppression. A mon avis, la présence d’un tel article au sein de la Constitution touche au coeur de la liberté des citoyens », explique Amin.

L’article 50 concernant l’accès à l’information et selon lequel « la liberté d’accès à l’information, aux données, aux statistiques et aux documentations est un droit garanti par l’Etat au citoyen si cela ne s’oppose pas à la sécurité nationale », reste aussi un sujet qui fâche le représentant de l’armée qui ne souhaite pas supprimer la condition qui en dépend : « si cela ne s’oppose à la sécurité nationale ».

« C’est un terme vague qui a toujours été employé pour contourner les droits des citoyens. D’ailleurs, personne n’est en mesure de définir le sens de sécurité nationale », lance Soliman.

La liberté du culte toujours absente

L’article 3 stipulant que « pour les chrétiens et les juifs égyptiens, les principes de leurs lois religieuses sont la source principale de la législation dans les questions personnelles et religieuses, ainsi que dans le choix de leurs chefs spirituels » est resté inchangé. Bien qu’elle soit critiquée suite à la Constitution de 2012, Al-Azhar refuse les propositions du comité des libertés pour une liberté du culte plus large.

Selon cet article, la liberté de religion ne concerne que l’islam, le christianisme et le judaïsme. Rien ne protège les adeptes de religions minoritaires, comme les bahaïs et les chiites égyptiens, considérés par la société comme des non-musulmans.

La lutte est encore longue mais une partie concernant les journalistes a été gagnée avec l’annulation des peines de prison dans les procès liés à la presse. Selon l’article 52 aucune censure, confiscation ou fermeture de média n’est permise sauf en cas de guerre ou de mobilisation générale.

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