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AKP (Turquie) et FNI (Soudan) : Deux partis, deux extrêmes

Aliaa Al-Korachi et Chaïmaa Abdel-Hamid, Mardi, 09 octobre 2012

L'AKP en Turquie et le FNI au sont deux exemples de partis islamistes au pouvoir. Si le premier réussit remarquablement, le second connaît un échec flagrant.

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L'AKP est un modèle islamiste turque réussi à suivre. (Photo: Reuters)

L’avertissement a résonné dans tous les pays du Printemps arabe qui ont témoigné d’une montée des islamistes. Tentez de suivre l’exemple de la Turquie, et surtout évitez le modèle soudanais. Dans les deux pays, des partis islamistes sont au pouvoir, mais l’islam politique appliqué en Turquie est décrit par tous les analystes comme une franche réussite, tandis qu’au Soudan, il n’a fait que déchirer le pays.

« Nous avons montré à tout le monde qu’une démocratie peut exister dans un pays à forte majorité musulmane. Nous sommes devenus un modèle pour tous les pays musulmans »,s’est ainsi récemment félicité le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan. Réélu pour 3 ans le 30 septembre dernier, il est le chef du parti au pouvoir : le Parti Justice et développement (AKP), issu de la mouvance islamiste. Dirigée depuis 2003 par cet « islamiste modéré » élu, la Turquie est souvent citée comme un « modèle » par des partis islamistes arabes. L’AKP se définit lui-même comme un parti libéral, conservateur, d’inspiration islamique. Sous son autorité, la Turquie, qui était jusque dans les années 1990 un Etat pauvre et peu développé, a connu une période de développement sans précédent, la hissant au rang de puissance, non seulement économique, mais aussi politique.

L’AKP n’est pas un parti islamiste au sens classique du terme. Issu d’un mouvement islamiste, il a été créé en 2001 par Erdogan, suite à la scission du parti islamiste de la Vertu. Mais il rompt dès le départ avec l’islamisme traditionnel en se qualifiant de démocrate conservateur. Comme l’explique Amani Al-Tawil, du Centre des Etudes Politiques et Stratégique (CEPS) d’Al-Ahram, « Le succès de l’AKP est dû à des facteurs très précis, dont le plus important est qu’ils ont dès le départ séparé la politique de la religion. Ainsi, ils présentent un modèle moderne de l’islam politique, loin du cliché d’un Etat islamique appliquant la charia. L’AKP est devenu un parti islamiste sachant évoluer dans un cadre parfaitement laïc ».

Son succès est basé sur un programme économique bien défini, libéral, et qui a rapidement porté ses fruits. Le revenu moyen par habitant a triplé en 10 ans. Le pays est aujourd’hui la seizième puissance économique mondiale. Et « Même sur le plan de la politique étrangère, ce parti islamiste au pouvoir a initié une politique extérieure nouvelle et très intelligente : celle du « zéro problème » avec ses voisins. La Turquie prévoyait un rapprochement avec la Syrie, la Russie et l’Iran », ajoute Al-Tawil.

Le Soudan loin d’être modèle

Le Soudan se situe à l’autre extrême. Là, on peut, dans tous les sens du terme, parler de l’échec de l’islamisme au pouvoir. Le Front National Islamique (FNI) était la toute première expérience moderne d’un parti islamiste au pouvoir. Se décrétant porteur du seul véritable islam, il s’est installé au pouvoir grâce à un coup d’Etat dirigé par son chef, Hassan Al-Tourabi, le 30 juin 1989. Ayant évincé tous les anciens cadres, en particulier militaires, et détruit les bases économiques des partis traditionnels pour monopoliser l’adhésion de la majorité de la population musulmane, les islamistes ont, depuis cette date, la mainmise sur tous les secteurs du pays. « Au bout de 23 ans, les résultats ne sont que catastrophiques : partition de l’Etat, guerre civile, crise humanitaire dans la région du Darfour, sans compter la grave crise économique », explique Hani Raslane, spécialiste des affaires soudanaises. L’utilisation de la religion comme outil de manipulation pour accaparer le pouvoir est à la base de tous ces échecs. Pour Al-Tawil, « Ce parti a pu au départ faire sa propagande sous le slogan de la création d’une nouvelle identité soudanaise à travers une réforme radicale de l’individu par une pratique religieuse rénovée. Mais une fois au pouvoir, il n’a fait qu’appliquer son propre plan, tout en abreuvant les Soudanais de slogans sur la charia et la démocratie, mais sans la moindre politique concrète » .

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