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Christian Berger : L’UE soutient la sécurité alimentaire de l’Egypte

Dina Bakr , Jeudi, 06 avril 2023

Christian Berger, ambassadeur de la Commission européenne en Egypte, met en relief les différents domaines de coopération entre l’Egypte et l’Union Européenne (UE).

Christian Berger

Al-Ahram Hebdo : Comment évaluez-vous le développement des relations entre l’Egypte et l’UE ? Et quelles sont les priorités de cette coopération ?

Christian Berger: La coopération entre l’Egypte et l’UE remonte aux années 1970. Nous avons intensifié cette coopération ultérieurement dans les années 1990. On a signé un accord d’association en 2004, et en 2017, on a conclu un accord de partenariat. Ce sont les deux importants textes entre les deux parties. On a réalisé beaucoup de travail ensemble dans divers secteurs. Parmi les plus importants est celui du commerce: l’UE est l’un des plus importants partenaires de l’Egypte. Concernant les Investissements Directs Etrangers (IDE), l’UE est le plus important investisseur en Egypte. Aussi, la coopération est très active dans le domaine de l’eau, surtout dans les projets de traitement de l’eau, la réhabilitation des canaux d’irrigation et la construction des réseaux d’eau efficaces. Nous avons aussi discuté à Assouan, au village de Binbane, le soutien au développement des communautés rurales, tout en se concentrant sur l’autonomisation des femmes, y compris le soutien financier à travers le Conseil national de la femme, le ministère de la Solidarité sociale et les banques, comme la Banque Misr, la Banque nationale d’Egypte et la Banque européenne d’investissement. Nous avons également discuté à Binbane de la lutte contre la violence contre les femmes. A cet égard, l’UE soutient les efforts de l’UNDP depuis 2005 dans ce village, et c’est l’un des programmes que l’UE soutient maintenant en vue de permettre aux femmes plus d’accès aux ressources financières et à l’autonomisation économique. Nous suivons aussi les efforts déployés pour combattre la circoncision des filles.

—  Comment l’Egypte peut-elle contribuer à régler la crise de l’énergie en Europe ?

— L’Egypte est un partenaire très important et de confiance pour l’UE. Pendant l’été dernier, l’UE a signé un accord avec l’Egypte et Israël pour liquéfier le gaz naturel à Damiette et l’exporter vers l’UE. Il y a aussi une importante coopération entre les deux parties dans le domaine de l’énergie renouvelable. L’UE veut voir l’Egypte devenir un hub pour la production et l’exportation de l’énergie verte. Un accord à cet égard est en cours de préparation entre l’Egypte et les pays européens pour lier les réseaux électriques égyptien et européen à travers des câbles sous mer. Et récemment, les deux parties ont discuté de la coopération en matière de l’hydrogène vert, et un accord a été signé entre les deux parties en novembre dernier en marge de la COP27 à Charm Al-Cheikh, afin de promouvoir et développer le concept et la technologie nécessaire pour produire l’hydrogène vert renouvelable.

— Comment l’UE peut-elle contribuer à assurer la sécurité alimentaire en Egypte ?

— La question de la sécurité alimentaire est devenue l’une des questions urgentes à la lumière de la guerre de la Russie contre l’Ukraine. L’UE a présenté un soutien immédiat pour répondre aux besoins de l’Egypte. L’UE aide le ministère égyptien de l’Approvisionnement dans la construction de silos pour emmagasiner le blé et les céréales. L’UE travaille aussi avec le ministère de l’Agriculture en vue de développer une nouvelle méthodologie résiliente pour la croissance de blé et de céréales.

— Quelles sont les perspectives de coopération entre l’Egypte et l’UE en matière de développement durable en Haute-Egypte ?

— La Haute-Egypte est au centre de notre intervention. Nous avons des projets réussis en collaboration avec le programme alimentaire mondial, qui porte sur la communauté rurale, notamment les femmes et les agriculteurs, en soutenant aussi l’éducation en Haute-Egypte. Ce programme aide aussi les femmes à avoir des cartes d’identité partout dans le pays. Concernant le développement durable, l’UE accorde une importance particulière à ce sujet. J’ai visité plusieurs projets, dont des projets qui ont été achevés, pour évaluer les résultats. Nous avons vu plusieurs projets que nous avons mis à exécution en collaboration avec des organisations communautaires comme les associations Om Habiba et Meda. Ces projets continuent à fournir des revenus aux familles et aux femmes en particulier. Notre expérience avec la durabilité du développement en Haute-Egypte est excellente. Par ailleurs, nous identifions de nouveaux projets qui servent la durabilité. Nous cherchons des communautés bien engagées qui veulent établir ces projets. Et aussi des communautés qui ont la capacité de trouver d’autres donateurs, après la fin de la période durant laquelle l’UE fournit son soutien, de façon à continuer le soutien ou bien que le projet soit capable de se continuer à travers ses propres capacités. Par exemple, l’un des projets que j’ai visités était la conservation, le classement, l’emballage et la vente d’arachides dans un village, dans le cadre d’une association groupant 40 femmes. Malgré la fin de ce projet, les femmes ont continué à faire leur travail. Un autre projet agricole, aussi en Haute-Egypte, travaille dans le séchage de tomates. Il s’agit d’une communauté rurale qui cultive la tomate, qui fait le séchage et la vente aux supermarchés. C’est aussi un petit projet durable. Pour les grands projets, on trouve, à titre d’exemple, le soutien au tourisme durable, surtout en Haute-Egypte, comme à Louqsor et Assouan. A Assouan, nous voulons installer un parc archéologique sur la rive ouest de la ville. Et là aussi, on a en tête la durabilité. Et pour ce faire, il faut engager la communauté locale pour prendre le relais et diriger le projet. En fait, ce sont quelques idées sur comment réaliser la durabilité en Haute-Egypte.

— Quelles sont les perspectives de coopération entre l’UE et l’Egypte dans le domaine de la lutte contre la migration illégale ? Et quelle est l’évaluation par l’UE des efforts déployés par l’Egypte à cet égard ?

— En 2016, nous nous sommes mis d’accord avec l’Egypte sur les priorités de l’accord de partenariat euro-égyptien. Dans ce document, il y a un chapitre sur la migration. Et dans ce chapitre, nous disons clairement que nous voulons réduire ou arrêter la migration illégale. Je me souviens qu’en 2016, il y avait des bateaux qui quittaient le littoral sud de la Méditerranée en direction de l’Italie, ayant à bord notamment des mineurs et des enfants. Mais après la signature de cet accord, et après la modification par l’Italie de ses législations, ce flux s’est arrêté. La coopération entre l’Egypte et l’UE à ce sujet était fructueuse. Les mêmes priorités étaient aussi incluses dans l’accord conclu entre l’Egypte et l’UE l’été dernier. Nous coopérons aussi avec l’Egypte dans un nombre de programmes de migration couvrant plusieurs domaines, dont le programme de la gestion des frontières, ce qui constitue un nouveau soutien de l’UE à l’Egypte. Nous travaillons ici avec les forces navales et les garde-frontières, en fournissant des équipements de sauvetage, à titre d’exemple. Nous avons aussi un programme de protection pour fournir un soutien socioéconomique aux migrants et aux réfugiés dans le pays à travers des ONG, comme Caritas, et les agences de l’Onu. D’une part, on réduit le flux migratoire, et d’autre part, on aide les gens qui sont dans le pays à travers la sensibilisation. On fournit l’aide par les moyens légaux pour la migration vers l’Europe, dans le cadre des programmes de certains pays membres de l’UE. Et en même temps, on essaye d’aider à la réintégration des Egyptiens qui ont été expulsés en raison de leur migration illégale à l’économie du pays. Un autre aspect important de la coopération est la lutte contre le trafic humain. A cet égard aussi, on a une importante coopération avec l’Egypte, et surtout le comité relevant du ministère des Affaires étrangères concerné par cette question. Il y a plusieurs aspects pour traiter la migration illégale: l’arrêt de la migration illégale et l’aide aux gens pour ne pas être obligés de partir à l’étranger illégalement. Deuxièmement, aider les gens qui rentrent. Troisièmement, s’assurer de la bonne gestion et le contrôle des frontières, et quatrièmement, combattre le crime du trafic humain qui, à notre connaissance, alimente d’autres crimes, car il génère beaucoup d’argent qui finance des activités terroristes et d’autres.

Quelle est la position de l’UE vis-à-vis de l’escalade de la violence dans les Territoires palestiniens ?

— Notre position envers le conflit israélo-palestinien est la même depuis 40 ans. Nous disons qu’on a besoin d’un Etat palestinien indépendant, avec des frontières basées sur le cessez-le-feu de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale de la Palestine, et avec la solution de la question des réfugiés palestiniens. C’est en principe notre position. Et je pense que cette position est partagée par l’Egypte, la Ligue arabe et d’autres institutions. De même, nous contribuions à la construction des institutions du futur Etat palestinien. Depuis l’an 2000 et la seconde Intifada, lors de l’arrêt par Israël du transfert des droits d’impôts, qui constitue une importante ressource pour l’Autorité palestinienne, l’UE a fourni le soutien nécessaire à l’Autorité palestinienne, afin de payer les salaires des employés. Si nous n’avions pas fait cela, je n’aurais pas su quelle serait la situation aujourd’hui. Alors, le point important pour nous, c’est d’appliquer la solution de deux Etats. En ce qui concerne la situation actuelle, nos représentants et les Etats membres ont exprimé leur inquiétude envers la tension qui a eu lieu les 4 dernières semaines. L’UE a publié un communiqué insistant sur la solution de deux Etats qui doit être le résultat de toute prochaine négociation ou tout accord entre les deux parties.

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