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Dr Ali Al-Mosselhi : Nous assurons la disponibilité des produits de base et la lutte contre le monopole

Mercredi, 04 janvier 2023

Le ministre de l’Approvisionnement et du Commerce intérieur, Dr Ali Al-Mosselhi, révèle les principaux axes du plan du ministère pour renforcer la sécurité alimentaire en Egypte et contrôler les prix sur le marché local.

Dr Ali Al-Mosselhi
(Photo : Mohamed Mostafa)

Par Névine Kamel
Rédactrice en chef d’Al-Ahram Hebdo

 

Al-Ahram Hebdo : Les prix des matières premières et des produits de base ont connu une grande hausse au cours des derniers mois. Quelles sont les principales raisons de cette hausse ? Quelles sont les formes d’accompagnement apportées par le ministère aux personnes à faible revenu et aux titulaires des cartes de rationnement ?

Dr Ali Al-Mosselhi : La crise est largement liée aux séquelles de la guerre en Ukraine et la hausse des prix des carburants, ainsi que la hausse des taux d’inflation dans le monde qui se sont reflétées sur les prix des produits de base aux niveaux local et mondial, sans oublier l’impact de la libéralisation du taux de change et de la hausse du prix du dollar, qui a entraîné une augmentation du coût des biens, en particulier des biens stratégiques. De plus, nous ne pouvons pas négliger les répercussions du changement climatique, qui ont conduit à la réduction des surfaces cultivées à cause de la sécheresse ou des conditions météorologiques défavorables à la croissance des cultures. Le dossier de la sécurité alimentaire figure en tête des intérêts des dirigeants politiques. Une aide exceptionnelle sera versée aux personnes les plus vulnérables sous forme de denrées alimentaires pour une période de 6 mois, conformément aux directives du président de la République. Un montant de 100 L.E. sera aussi ajouté à la carte de rationnement sur laquelle une seule famille est enregistrée, un montant de 200 livres à la carte qui comprend deux ou trois familles et un montant de 300 livres pour les cartes de plus de 3 familles.

— Le ministère a-t-il établi le nouveau budget pour l’année 2022-2023 ?

— Le nouveau budget sera établi en mars. Je vais donc parler de l’ancien budget et donner un exemple de la valeur de la subvention du pain qui était de 51 milliards de livres dans l’ancien budget, mais après l’augmentation des prix mondiaux du blé, ce chiffre est passé à 76 milliards de livres, avec une augmentation de 50 % assumée par l’Etat pour que le prix de la galette de pain demeure toujours de 5 piastres. L’Etat a également supporté une augmentation indirecte des prix des produits alimentaires, car chaque citoyen dispose dans la carte de rationnement de 50 livres par mois pour acheter de l’huile, du sucre, du riz et autres, et avec la hausse des prix des produits de base, l’Etat a supporté les différences de prix.

La guerre russo-ukrainienne a entraîné des problèmes internes avec la sortie de l’argent chaud de la Banque Centrale et la baisse des réserves en dollar. Ce qui a conduit à l’incapacité de fournir les crédits nécessaires et nous a entraînés dans des circonstances très difficiles. Mais après la conclusion de l’accord avec le FMI et la Banque mondiale, les choses ont commencé à se stabiliser. Cet accord permettra à d’autres donateurs d’apporter leur soutien à l’Egypte et nous sortirons ainsi du goulot d’étranglement puis nous arriverons à une politique monétaire stable et, par conséquent, à une politique budgétaire stable aussi. Nous espérons qu’au cours du mois de mars 2023, les choses deviendront claires afin d’élaborer un nouveau budget à la lumière de prix quasiment stables.

— Vous attendez-vous à une nouvelle hausse des prix internationaux ?

— Je ne pense pas, surtout après l’accord conclu entre la Russie et la Turquie sous la supervision des Nations- Unies pour ouvrir des points de passage sûrs dans la mer Noire pour l’acheminement des marchandises. Il y a également une tendance générale à la baisse des prix. Les prix du blé, du maïs et du pétrole ont déjà baissé, mais cette baisse n’affectera pas les prix en Egypte avant trois mois avec la stabilité du taux de change du dollar dans les banques et la disparition du marché noir.


(Photo : Mohamed Mostafa)

— Avez-vous des plans pour augmenter la valeur des subventions dans le nouveau budget 2022-2023 ?

— Bien sûr. La valeur des subventions a d’ailleurs augmenté lors de l’exécution effective de l’ancien budget. Le moins que l’on puisse faire est de préserver cette augmentation dans le nouveau budget.

— Quelles sont les mesures que le ministère prendra en préparation du mois sacré du Ramadan ?

— Une coordination sera assurée entre le ministère de l’Approvisionnement et du Commerce intérieur, le ministère du Commerce et de l’Industrie et l’Union générale des Chambres de commerce afin de créer une salle d’opérations conjointe chargée de suivre la disponibilité des marchandises et la sortie des besoins de production des douanes, en coordination avec la Banque Centrale. Les foires Ahlan Ramadan seront organisées cette année dans tous les gouvernorats à partir du 1er janvier jusqu’à la fin du mois du Ramadan, conformément aux directives du président de la République et du Conseil des ministres, afin de répondre aux besoins des citoyens et avec des remises appropriées. Les réunions sur les préparatifs du Ramadan commenceront la semaine prochaine avec l’Union générale des Chambres de commerce, ainsi que les gouverneurs afin de déterminer les lieux des points de vente. Cependant, les quantités disponibles cette année seront inférieures à celles de l’année dernière en raison de la pénurie de matières premières de production, mais les prix seront abordables pour tous, ce qui signifie qu’il y aura un rabais clair sur les prix, en particulier pour les produits de base.

— Comment le ministère entend-il gérer de possibles pressions extérieures, notamment du FMI, et leurs répercussions sur le marché intérieur ?

— Le ministère adopte une politique de gestion des risques et des crises basée sur une étude minutieuse des variables et des conditions environnantes, que ce soit sur les marchés mondiaux ou sur le marché local, en diversifiant les sources d’achat des biens stratégiques, ainsi que les sources de financement pour assurer l’élaboration de plus d’un scénario en fonction des obstacles. Cela a été évident lors de la gestion des crises du Covid-19 et de la guerre en Ukraine. Le fait qui a permis à l’Etat de maintenir un stock stratégique de toutes les marchandises d’au moins six mois.

— Quelles sont les plus importantes mesures adoptées par le ministère pour contrôler les prix des marchandises ?

— Le ministère a pris un certain nombre de mesures révolutionnaires pour contrôler les prix. Notre stratégie repose sur deux axes : d’une part, assurer la disponibilité de tous les produits alimentaires, en particulier ceux de première nécessité, dans tous les points de vente fixes et mobiles, tout en augmentant l’offre de ces produits à des prix compétitifs et, d’autre part, activer le rôle de surveillance sur les marchés et les prix. C’est ainsi qu’un certain nombre de mesures ont été prises pour activer le rôle de contrôle, comme l’annonce des prix et la vente au prix marqué par le producteur ou le fournisseur sur les emballages. De plus, le premier ministre a pris une décision en octobre 2022 stipulant la tarification du riz de production locale pendant 3 mois afin de limiter la hausse de ses prix et organiser sa disponibilité sur le marché à des prix fixes.

  En octobre 2022, une autre décision a été prise pour fixer les prix du pain non subventionné à travers un système permettant aux boulangeries libres d’obtenir la farine (extraction 72 %) à 10 000 L.E. par tonne afin de contrôler les prix. Le ministère tient à jouer un rôle de contrôle des marchés à travers les appareils de suivi de l’approvisionnement afin de garantir la disponibilité des produits et de lutter contre le monopole de certains commerçants qui s’abstiennent de vendre les produits pour un certain temps pour les vendre plus tard à des prix plus élevés.

— Comment le ministère gère-t-il le dossier du blé qui est l’un des plus importants produits stratégiques ?

— Pour ce qui est du blé importé, le ministère a tenu à garder des réserves stratégiques couvrant au moins 6 mois ; ce qui a permis d’éviter les répercussions de la crise causée par la guerre en Ukraine grâce à la diversité des sources d’achat qui ont été accréditées par la quarantaine végétale égyptienne. 22 sources ont été accréditées conformément aux cahiers de charge. De plus, des modifications ont été effectuées sur les cahiers de charge, ce qui a permis de réaliser une concurrence positive entre les fournisseurs et les sources. Pour ce qui est du blé local, une coordination continue existe entre les ministères de l’Approvisionnement et de l’Agriculture afin d’adopter toutes les mesures incitatives qui ont permis la fourniture à temps du blé local de la saison 2022. De plus, le gouvernement, représenté par le ministère de l’Approvisionnement et le ministère de l’Agriculture, a annoncé un prix indicatif du blé local pour la prochaine saison 2023 d’une valeur de 1 000 L.E. pour chaque 150 kg avec une hausse de 13 % en comparaison avec l’année 2022, afin d’encourager les agriculteurs à cultiver le blé et, par conséquent, réaliser des taux plus élevés d’autosuffisance, baisser la facture d’importation et réaliser la sécurité alimentaire en Egypte.

— Quel est l’objectif de la création de la Bourse égyptienne des produits alimentaires de base et comment peutelle contribuer à la stabilité des produits stratégiques et à la limitation des monopoles ?

— L’objectif de cette bourse est de créer un marché organisé pour l’échange des produits disponibles qui peuvent être stockés et de réaliser la transparence de la tarification à travers les mécanismes de l’offre et de la demande pour parvenir aux prix équilibrés et, par conséquent, réaliser la stabilité des prix et limiter le monopole. L’objectif de la bourse est également de fixer des normes déterminées pour les produits jusqu’à parvenir aux normes mondiales, en plus de l’élaboration d’un mécanisme de collecte de données en vue d’aboutir à des bases de données complémentaires pour servir les décideurs.

— Quels sont les produits qui seront introduits à la Bourse des produits de base ? Et pourquoi avoir commencé par le blé ?

— Le fonctionnement expérimental de la Bourse des marchandises a commencé pendant la saison de blé, achevée en juillet 2021, par la mécanisation et un système électronique d’approvisionnement local en blé comprenant 335 points de collecte, ainsi que la saison achevée en août 2022, par la mécanisation de 376 points de collecte de sorte que le blé fourni par les agriculteurs et les commerçants aux parties chargées de la commercialisation affiliées à l’Organisme général des produits d’approvisionnement a été enregistré. Parallèlement, la Bourse des produits de base a étudié les marchés de nombreux produits agricoles ou minéraux.

Il est prévu que le coton, le riz, l’or, le sucre et le maïs soient également introduits à la bourse. Et dans le cadre des efforts déployés par le ministère visant à activer le rôle de la Bourse des produits de base, le ministère a enregistré tous les fournisseurs de la Société holding des industries alimentaires et de l’Organisme général des produits d’approvisionnement. De plus, toutes les opérations d’achat sont effectuées à partir du 1er novembre dernier à travers la plateforme de la bourse.

— Comment les petits agriculteurs peuvent-ils bénéficier du nouveau mécanisme de tarification des produits agricoles ?

— L’existence d’une bourse des produits de base conduit à l’existence de mécanismes de tarification basés sur une forte interaction entre l’offre et la demande, ce qui permet de parvenir à des prix caractérisés par l’équité, la transparence et l’impartialité, ce qui contribuera à protéger les petits agriculteurs contre le monopole, les courtiers ou les commerçants non membres de la Bourse des produits de base. C’est ainsi que les prix annoncés via la plateforme de la bourse deviennent les prix de référence permettant d’atteindre l’objectif souhaité qui est de contrôler les marchés et protéger les petits agriculteurs.

— L’Egypte a traversé dernièrement une crise majeure causée par l’absence de riz sur le marché. Quelles sont les décisions adoptées par le ministère pour maîtriser cette crise et maintenir la stabilité des prix ?

— Le ministère a oeuvré à augmenter les quantités de riz paddy qui seront fournies pendant la saison 2022-2023 pour atteindre environ 1,5 million de tonnes, ce qui garantit sa disponibilité tout au long de l’année. Le ministère a également pris des décisions liées à la nouvelle saison de récolte du riz, de la mi-août à la mi-décembre, pour contrôler le système d’approvisionnement, dont la plus importante est l’interdiction d’exporter du riz blanc pour répondre aux besoins du marché local et maintenir la stabilité des prix.

Le ministère a également mis en place des mécanismes pour contrôler les prix du riz sur le marché local et empêcher le monopole en approvisionnant les points de vente rattachés aux ministères au niveau de la République pour contribuer à réduire ses prix sur le marché. Le ministère a également chargé la Société holding des industries alimentaires d’assurer l’approvisionnement en riz blanc dans le cadre du système de rationnement au prix de 10,5 L.E. le kilo.

— Comment le ministère entend-il éviter que la crise du riz ne se répète avec d’autres produits de base ?

— Le ministère a adopté un ensemble de mesures pour assurer la stabilité et la sécurité alimentaire de tous les produits de base et pour éviter la répétition de crises, dont la plus importante est un plan qui consiste à garantir la disponibilité des produits de base à des quantités couvrant la consommation grâce à des réserves stratégiques couvrant au moins 6 mois, ce qui permet à l’Etat de contrôler toutes les pratiques de monopole qui peuvent survenir sur le marché et d’éviter le manque des produits de base.

— Comment le ministère a-t-il réussi au cours de la dernière saison à atteindre 90 % d’autosuffisance en matière de production du sucre ?

— Ceci a été réalisé en fournissant le sucre sur les cartes de rationnement à 10,50 L.E. le kilo. Le sucre est fourni tout au long de l’année par la Compagnie égyptienne de sucre et de productions complémentaires et également par la conclusion de contrats avec les compagnies de production de sucre à partir de la betterave et aussi l’importation de sucre brut puis son raffinage au plan local. Le ministère se prépare pour la nouvelle saison 2023. Après la fin de la saison de récolte de la canne à sucre, la Compagnie de sucre effectue un maintien périodique de ses lignes de production dans 10 usines. Environ 900 millions de L.E. ont été dépensées afin de préparer les lignes de production de sucre pour la nouvelle saison.

— Quel est le plan de développement et de modernisation des usines de sucre pour augmenter la capacité de production ?

— La Compagnie de sucre a préparé, par l’intermédiaire du bureau d’études Sigman, une étude pour son développement et sa structuration basée sur cinq axes qui sont l’expansion verticale pour augmenter la productivité des terres cultivées en canne à sucre, le développement et la modernisation de la technologie d’extraction du sucre, la rationalisation de l’énergie dans les usines de sucre à travers la modernisation des chaudières à vapeur et des turbines électriques, et l’implantation de stations d’énergie solaire dans les usines et les villes résidentielles. Le quatrième axe porte sur le développement des systèmes d’information et de l’informatique et, enfin, le cinquième axe repose sur le développement du système administratif et institutionnel afin de profiter au mieux des ressources humaines.

— Qu’en est-il du projet de développement des huiles végétales ?

— A la lumière des directives de la direction politique d’établir des complexes avancés de production d’huiles, basés sur l’utilisation de matières premières locales au lieu de celles importées, afin de rationaliser les dépenses en devises étrangères et de faire face à l’augmentation de la consommation, le ministère, par l’intermédiaire de la Société holding des industries alimentaires, a élaboré une étude avec un bureau de conseil sous l’égide de BDO Keys Financial Consulting, Integrated Marketing Solutions (IMS), Cortex International et le bureau de conseil de l’ingénieur Hussein Sabbour pour établir trois complexes avancés de production d’huiles. Une conférence a été tenue le 10 février 2022 pour la promotion de l’industrie des huiles. Les investisseurs du secteur privé en Egypte et dans les pays arabes y ont été invités à contribuer au projet qui vise à réaliser l’autosuffisance en Egypte en matière d’huiles.

— Enfin, quel est le conseil que vous donnez au citoyen dans les circonstances actuelles ?

— La consommation doit être rationalisée. En même temps, je tiens à rassurer les citoyens que nous avons des réserves stratégiques de tous les produits de base stratégiques qui couvrent les besoins pendant le mois du Ramadan et après Aïd Al-Fitr. De plus, le phénomène de la hausse des prix revient au fait que certains commerçants estiment qu’ils achèteront les produits à des prix élevés à cause de l’instabilité du dollar. C’est ce qu’on appelle la prévision négative. Mais aujourd’hui, nous constatons une baisse du prix du dollar sur le marché noir, et il baissera encore plus.


(Photo : Mohamed Mostafa)

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