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Shehbaz Sharif : Nous appelons à la création d’un organisme de financement pour les pays alourdis par la dette

Mercredi, 16 novembre 2022

Le premier ministre du Pakistan, Shehbaz Sharif, explique la position de son pays à la COP27 et s’exprime sur les relations avec l’Egypte.

Shehbaz Sharif

Alaa Sabet,
Rédacteur en chef d’Al-Ahram

Al-Ahram Hebdo : Le Pakistan a été confronté cette année à des inondations destructrices. Quel est le message que vous voulez transmettre à la communauté internationale présente à la COP27 ?

Shehbaz Sharif : Ce fut effectivement une année terrifiante. Le Pakistan a été témoin d’une série d’événements résultant du changement climatique : Entre vagues de chaleur et de sécheresse, incendies des forêts jusqu’aux inondations, des pluies torrentielles. Ces événements catastrophiques frappent également le monde entier. Vraisemblablement, la nature veut transmettre à l’homme un message sévère. Les inondations record ont poussé un cri à l’adresse de la communauté internationale pour lui dire que c’est l’image qui peut prévaloir à l’avenir et que personne ne peut y faire face individuellement.

Notre deuxième message est sur la justice climatique. Nous avons besoin de transformer les engagements en des décisions applicables et concrètes, en mettant en place un mécanisme pour le financement des dommages. Nous comprenons bien qu’il faut établir une assise commune pour faire face à ces défis existentiels dans le cadre de justice climatique. Le Pakistan appelle à la consolidation des engagements de financement climatique pris en 2009. D’autant que les pays avancés n’ont pas rempli leurs engagements consistant à mobiliser 100 milliards de dollars par an. Nous encourageons également les discussions sur les facilités de financement climatique, de façon à ce que les fonds consacrés au climat soient plus disponibles, plus rapides et plus flexibles.

— La lacune du financement est l’un des problèmes au niveau de l’action internationale, comment y remédier ?

— L’actuelle lacune du financement est énorme. Il est impossible d’assurer un rétablissement réel pour ceux qui se trouvent aux premières loges des dégâts provenant du carbone. La COP27 est une opportunité pour investir les liquidités des fonds d’adaptation en toute transparence et ceci pour les pays qui ont besoin de réorganiser leurs capacités de résistance aux événements dangereux du changement climatique. Nous avons insisté de la tribune de Charm Al-Cheikh sur la nécessité de créer un organisme de financement pour les pays alourdis par la dette.

— Vous avez appelé à l’Assemblée générale de l’Onu à l’organisation d’une conférence de donateurs afin d’aider le Pakistan face aux dégâts provoqués par le changement climatique. Où en êtes-vous ?

— Nous sommes en passe de finaliser la concertation avec l’Onu et les donateurs. Le Pakistan a publié, avec le soutien de ses partenaires internationaux de développement, une évaluation des risques de l’après-inondation à la fin du mois dernier. Nous espérons que les engagements soient en accord avec l’évaluation des ressources requises pour la reconstruction et la réhabilitation. Le rapport a estimé le coût des dégâts des inondations à 30 milliards de dollars. Le Pakistan aura besoin de 16,3 milliards de dollars pour la reconstruction. Nous prévoyons que le chiffre dédié aux dommages liés aux catastrophes climatiques soit l’équivalent de 1,6 de l’ensemble des dépenses du budget dans l’année fiscale 2023. Actuellement, nous sommes en train de formuler un cadre d’action pour le rétablissement et nous annoncerons la date de la conférence ensuite.

— Quels sont les dossiers que vous avez discutés avec le président Abdel-Fattah Al-Sissi à la COP27 ? Et quelle est votre évaluation des relations bilatérales ?

— Je suis très reconnaissant au président Abdel-Fattah Al-Sissi pour son soutien suite aux inondations qui ont frappé notre pays. Le Pakistan tient beaucoup aux liens historiques et culturels avec l’Egypte qui remontent à 7 décennies. J’ai discuté avec le président des moyens d’encourager une participation accrue de la part des leaders du monde et des différentes institutions. La COP27 est une chance de parler des horizons de commerce et d’interaction économique entre nos deux pays, qui partagent les mêmes visions régionales et internationales. Tout au long des 75 dernières années, nos relations ont évolué progressivement et un mécanisme institutionnel a été mis en place pour une meilleure coopération dans tous les domaines.

En 2023, l’Egypte et le Pakistan fêteront 75 ans d’amitié. Nous aspirons donc à accélérer le rythme des consultations politiques de haut niveau afin d’approfondir les partenariats sur tous les volets. Nous avons également l’intention de traduire les bonnes intentions entre les 2 pays en coopération commerciale plus solide. Nous aspirons à atteindre un volume d’échange commercial de 1 milliard de dollars d’ici 2025. Le Pakistan présente aux compagnies égyptiennes l’opportunité d’investir dans ses Zones Economiques Spécialisées (ZES) en plus de la possibilité de créer une coopération entre l’organisme du port de Gwadar et la zone économique de Suez.

— Comment évaluez-vous les relations bilatérales dans le domaine de l’éducation, notamment avec l’Université d’Al-Azhar ?

— Il existe un énorme potentiel de coopération entre les principales universités pakistanaises et égyptiennes pour faire progresser l’enseignement supérieur et la recherche, et nos établissements d’enseignement supérieur peuvent commencer à enseigner l’arabe dans les établissements pakistanais et ourdous. Nous devrions encourager les programmes de jumelage entre nos universités ainsi que la recherche conjointe et l’échange de professeurs et d’étudiants. Je voudrais mentionner en particulier l’Université d’Al-Azhar qui est un lieu exceptionnel d’enseignement et nous devrions explorer les opportunités de coopération dans le domaine des sciences médicales, des langues et de la théologie avec Al-Azhar.

— Quelle est votre stratégie pour faire face aux répercussions de la crise économique mondiale sur l’économie pakistanaise ?

— L’économie mondiale continue de faire face à de multiples défis, notamment le conflit russo-ukrainien, l’inflation, en particulier pour les denrées alimentaires et l’énergie, en plus des répercussions de la pandémie de Covid-19. L’un des principaux facteurs de ralentissement de la croissance mondiale est le resserrement général de la politique monétaire, entraîné par un dépassement plus important que prévu des objectifs d’inflation. En conséquence, l’inflation au Pakistan a atteint des taux sans précédent. Bien que l’économie pakistanaise ait connu une croissance d’environ 6 % au cours de l’année 2021-2222, le changement climatique sans précédent causé par les inondations a changé tout le scénario. Notre secteur agricole a été particulièrement touché par la dévastation causée par les inondations, et cet impact sera également transmis aux secteurs des industries et des services. Les effets catastrophiques des inondations ont touché tous les secteurs de l’économie et nous nous attendons à une baisse de la croissance de 5 % au cours de l’exercice 2023.

Nous affrontons ces défis grâce à des mesures financières audacieuses. Le gouvernement a introduit des mesures réglementaires pour atténuer les pressions de la demande. Avec le soutien attendu du Fonds monétaire international et d’autres pays, nous serons en mesure de relever les défis. De plus, nous avons récemment annoncé un ensemble d’incitations pour nos agriculteurs afin de les aider en termes de semences, d’engrais, de crédit et de machines agricoles. Nous espérons que nous pourrons changer le cours de notre secteur agricole et réaliser la croissance économique et contrôler l’inflation alimentaire. Notre gouvernement se concentre sur l’accélération de la croissance et des investissements, l’amélioration de l’environnement des affaires, le recours aux opportunités des corridors économiques, la création de zones économiques et l’adoption d’initiatives de réforme réglementaire pour stimuler l’industrie.

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