Avec le lancement de la COP27 en Egypte, le pays hôte se trouve dans une course contre la montre pour présenter au monde un modèle de bonne performance en termes de transition vers une économie verte. Selon Gamil Helmy, adjoint de la ministre de la Planification et du Développement économique, les projets verts ont représenté 30 % des investissements étatiques durant l’année fiscale 2021-2022 contre 15 % en 2020-2021. « Le gouvernement vise à atteindre 40 % durant l’année fiscale actuelle 2022-2023 et à finaliser 691 projets amis de l’environnement dans un nombre de secteurs », assure Helmy. Il a souligné que dans l’année fiscale courante, la part des investissements verts dans l’ensemble des investissements publics dans le secteur des transports est de 64 %, de 15 % dans l’initiative présidentielle Vie décente, de 7 % dans l’habitat, de 5 % dans l’agriculture et l’irrigation et de 3 % dans le secteur de l’énergie renouvelable. En 2024-2025, les investissements verts sont prévus d’atteindre 50 % du total des investissements publics.
« L’économie verte est jusqu’à présent appliquée dans des secteurs spécifiques comme celui des énergies renouvelables et du transport, mais faute de financement à l’échelle globale, tous les pays n’ont pas la capacité d’atteindre leurs objectifs vers un transfert vert », explique Mahmoud Gamal El Din, investisseur et homme d’affaires. Selon Ahmed Bayoumi, analyste financier auprès du Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques, l’année dernière, la ministre de la Coopération internationale a consacré 10,7 milliards de dollars sous forme de prêts, dont 8,5 milliards sont allés aux investissements publics et le reste au secteur privé. « Les institutions financières internationales estiment le fossé de financement dans les actions contre le changement climatique en Egypte entre 300 et 600 milliards de dollars. Mais, nous sommes loin de pouvoir affirmer si ces chiffres sont corrects ou non, car ils varient d’une institution à une autre », explique Bayoumi.
Le défi du financement
L’Egypte est soucieuse du financement pour le changement climatique. D’où vient l’intérêt associé à l’initiative du ministre des Finances, Mohamad Maeit, d’organiser la Journée du financement en marge de la COP27. Une autre initiative aussi importante est le Forum égyptien de coopération internationale (Egypt-ICF) dans sa deuxième édition, qui a été organisé du 7 au 9 septembre par le ministère de la Coopération internationale, sur les moyens de diversifier les mécanismes de financement, en présence des partenaires de l’Egypte et des institutions internationales, ainsi que du secteur privé. Les instruments financiers diversifiés sont des moyens pour traduire les engagements financiers en projets exécutables. Le plus important de ces moyens, c’est le financement mixte consistant à mélanger les financements à coûts réduits avec ceux du secteur privé pour réaliser des projets de développement, les prêts concessionnels aux conditions financières très favorables ; soit une maturité de 40 ans, dont 12 ans de période de grâce.

L’échange dette-nature (Debt Swap for Nature) est un autre instrument efficace pour financer la préservation de l’environnement. Selon Rania Al-Machat, ministre de la Coopération internationale, « ce mécanisme est un outil pour soutenir l’application de l’Accord de Paris et assurer l’avancée simultanée des causes développementales et celles du changement climatique ». Cet outil consiste à acheter tout ou une partie de la dette extérieure d’un Etat, la convertir en monnaie locale et utiliser les fonds générés dans le financement des causes environnementales. L’échange dette-nature se réalise à une valeur inférieure à la valeur nominale de la dette. Le remboursement ne représente qu’une fraction de la dette initiale. « L’Egypte a utilisé ce procédé sur ses dettes avec l’Italie en 2001. La somme générée est actuellement estimée à 350 millions de dollars, couvrant la sécurité alimentaire, l’agriculture et le traitement des eaux usées. Alors que le projet avec l’Allemagne est estimé à 240 millions d’euros, focalisant sur les secteurs critiques comme l’efficience énergétique et l’éducation technique », d’après un communiqué de presse du ministère de la Coopération internationale. Un dernier instrument est les obligations vertes ; l’Egypte est l’un des pays pionniers à les avoir utilisées. Les émissions gouvernementales s’élèvent à 750 millions de dollars, et celles de la CIB, la seule banque y ayant eu recours, s’élèvent à 500 millions de dollars.
« L’un des problèmes essentiels encore liés au financement en Egypte est qu’il n’est pas durable parce qu’il dépend en grande partie des crédits et des prêts », explique Bayoumi. « Même s’il y a une plus grande expansion dans l’usage du financement mixte et de la dette-nature, il y a un problème de ciblage, car les projets ne répondent pas encore pleinement aux besoins des citoyens, et donc, ils ont moins d’impact social », analyse l’expert.
Il faut dans un second temps recourir de plus en plus aux obligations vertes car il s’agit du mécanisme le plus durable et le plus efficace. Il est possible également que leur usage soit généralisé au niveau des gouvernorats. « Aux Etats-Unis, dans les municipalités et les gouvernements locaux, les plus grands projets sont financés par les obligations vertes parallèlement aux obligations conventionnelles. Mais le gouvernement doit savoir les commercialiser, soutenir ses projets et sensibiliser l’opinion publique à leur importance et caractère durable, ensuite les entreprises et les jeunes entrepreneurs suivront », conclut Gamal El Din.
Lien court: