
Peter Brook s’est éteint en juillet dernier à l’âge de 97 ans.
Le festival international du Caire sur le théâtre expérimental a été fondé en 1988. A partir de la deuxième édition, il a connu un succès grandissant grâce à la présence de quelques éminents hommes de théâtre, dont le metteur en scène britannique résidant en France Peter Brook. Le festival a voulu introduire la pensée de cet artiste révolutionnaire qui a élaboré la notion scénographique de l’espace vide : c’est en quelque sorte un retour à la source, à un dispositif plus simplifié et épuré. Car Brook a bouleversé la forme du théâtre classique.
Son collègue pendant plus de 25 ans au théâtre les Bouffes du Nord, le scénographe Jean Guy Lecat, avait souligné à Al-Ahram Hebdo, en décembre dernier, que « le concept de Brook est basé sur la création d’un théâtre à la forme élisabéthaine. Dans ce genre de théâtre, les limites architecturales entre le public et les comédiens ne sont pas présentes. Deux choses se passent normalement en appliquant cette notion. D’abord, le public est dans le décor, tout se situe dans un même espace. Et le public étant dans le décor, il partage la même expérience que les comédiens. Dans un théâtre traditionnel de cadre scène, le public regarde les comédiens. Mais dans un théâtre où tout le monde est ensemble, on partage. C’était une chose essentielle à comprendre pour pouvoir trouver des espaces, à travers le monde, qui correspondent au travail de Peter Brook. Donc, nous avons transformé 200 espaces différents en théâtres qui respectent toujours cette même règle : tout le monde est dans le même espace et donc tout le monde se place dans la même esthétique ».
La présence de Brook en Egypte, au Festival du théâtre expérimental, a été suivie par la parution de plusieurs ouvrages traduits portant sur son univers, dont ceux élaborés par le critique Farouq Abdel-Qader, dans le but de vulgariser ses principes et techniques. Abdel-Qader a traduit L’Espace vide et Les Points de suspension, deux ouvrages qui résument l’approche théâtrale de Brook. L’oeuvre complète de Peter Brook est un autre ouvrage réalisé par Farouq Abdel-Qader qui regroupe les différentes créations théâtrales du metteur en scène britannique. Briser les formes classiques de la boîte italienne, chercher des espaces spéciaux, restaurer les espaces variés … des démarches qui ont permis aux créateurs de par le monde de s’engager dans la même expérience et de retrouver d’autres formes de théâtre. Brook a donc imposé l’expérimentation comme une approche théâtrale primordiale.
Les jeunes de la génération 1990
En Egypte, l’impact de l’expérience brookienne n’était pas direct. Pourtant, on a bel et bien trouvé, durant les différentes éditions du Festival expérimental, que certains metteurs en scène égyptiens ont opté pour des espaces scéniques patrimoniaux, créant ainsi des scénographies riches et élaborées où les limites entre le public et les comédiens s’effaçaient, à la manière de Brook. En 1998, ce dernier est de retour en Egypte, à l’occasion du bicentenaire des relations Egypte-France. Au centre Hanaguer a eu lieu une rencontre inoubliable avec les jeunes hommes de théâtre égyptiens. « Une semaine avant cette rencontre, le centre Hanaguer a organisé une semaine de projection des spectacles de Brook aussi bien que d’autres sortes de documentations résumant son parcours. La rencontre était assez enrichissante », se rappelle Hoda Wasfi, professeure de théâtre à l’Université du Caire et ex-directrice du centre Hanaguer. Et d’ajouter : « Si on parle d’expériences égyptiennes influencées par Brook et son concept de l’espace vide, on peut mentionner les expériences de Mohamad Aboul-Seoud, Tareq Al-Doweiri, Hani Abdel-Maotamed et d’autres. Ce sont les jeunes de la génération des années 1990 ».
Malgré sa disparition en juillet dernier, Peter Brook continue à inspirer les créateurs de théâtre et les inciter à trouver d’autres formes de théâtre.
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