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Racha Abdel-Moneim : Pour l’amour du théâtre

May Sélim, Jeudi, 31 mars 2022

Dramaturge, activiste du théâtre indépendant et responsable du programme d’entraînement au Conseil suprême de la culture, Racha Abdel-Moneim oeuvre corps et âme pour le théâtre. Elle a participé le 25 mars à la table ronde sur le théâtre indépendant et marginal organisée par l’AUC.

Racha Abdel-Moneim
(Photo : Bassam Al-Zoghby)

Elle a participé à la table ronde sur le théâtre indépendant et marginal qui s’est tenue le 25 mars au Centre culturel d’Al-Tahrir (TCC) et qui est organisée par l’Université américaine du Caire (AUC). Elle y a résumé tout son travail et ses aspirations pour le théâtre indépendant et jeune. Et ce, parce qu’elle est une dramaturge, une activiste de la scène indépendante, responsable du programme d’entraînement au Conseil Suprême de la Culture (CSC) et codirectrice du festival international Eazes pour le théâtre de la femme. C’est Racha Abdel-Moneim, une vraie défenseuse de la création théâtrale en Egypte. « Dans ce papier, j’évoque les problèmes de soutien au théâtre indépendant, les problèmes de production, les espaces de représentation et la frustration que subissent les jeunes créateurs. S’ajoutent à cela les problèmes de la censure. Il ne faut pas oublier qu’il y a un grand écart entre les différentes générations des hommes de théâtre en Egypte. Il faut qu’il y ait un moyen de communication entre ces générations », lance l’experte Racha Abdel-Moneim.

Sa passion pour le théâtre, elle l’a découverte vers la fin des années 1990. Elle avoue qu’avant même 1996 elle n’a jamais vu un spectacle de théâtre ! « Pendant mes études scolaires, j’étais attirée par la littérature et la poésie. A la maison, j’aimais écrire des sortes de sketchs pour les jouer avec mes frères et soeurs sans vraiment comprendre que c’étaient des scènes dramatiques. Mon enfance était limitée entre la maison et l’école ». Depuis son tendre âge, Racha est souvent occupée par les concepts de la justice et l’équité sociale. Elle défend les faibles à tout prix, soutient les perdants et tâche souvent de réclamer les droits des autres.

Le bac en poche, cette jeune fille adoratrice de la poésie, de la langue arabe et des droits humains voulait joindre la faculté de droit afin de devenir avocate. Mais ses parents ont insistésur le fait que ce n’était pas un métier de femme. « J’ai opté pour Dar Al-Oloum afin d’étudier la littérature arabe. Je m’intéressais à suivre les groupes de poésie afin de faire connaissance avec les poètes et les intellectuels ». Diplômée, Racha est embauchée comme professeure de langue arabe dans une école préparatoire. Et par un jeu de destin, elle fréquente pour la première fois le théâtre. « Le superviseur de la langue arabe Yéhia Anwar, qui avait des activités théâtrales, m’a demandé d’écrire les poèmes d’une pièce de théâtre sur la Libanaise Sanaa Mhaydli, montée par Abbas Ahmad et dont les répétitions se faisaient au syndicat des Journalistes. J’ai assisté à une répétition. J’ai été complètement éprise par le monde du théâtre. Une révélation. Le metteur en scène voulait que j’écrive des poèmes en dialecte levantin. J’étais choquée et je me suis excusée de ne pas pouvoir le faire. Mais, je continuais à assister tous les jours aux répétitions. J’étais ensorcelée par le théâtre », raconte-t-elle avec des yeux brillants et une voix émue. Et dès lors, Racha ne s’est jamais éloignée du théâtre.

Afin d’aiguiser ses compétences dans le théâtre, Racha Abdel-Moneim choisit de faire des études supérieures en littérature dramatique théâtrale à l’Université du Caire au lieu de la littérature comparée. « Mes professeurs m’ont guidée à lire, à fouiller les textes universels et à comprendre l’histoire du théâtre dramatique. J’ai même osé leur montrer mon premier texte dramatique pour les enfants, Khatem Al-Malek (la bague du roi). Le professeur Abdel-Moneim Téléma m’a proposé de participer à la compétition des clubs des jeunes écrivaines créatrices de Sharjah. Le professeur Mohamad Anany m’a demandé de travailler avec lui dans la revue Al-Masrah (le théâtre) ». Et suivant les conseils du professeur dramatique Anany, Racha fait la connaissance de son épouse, la professeure d’arts dramatiques et critique Nehad Seleiha. Grâce à elle, tout le monde de théâtre des indépendants et des jeunes créateurs s’est ouvert à ses yeux. « C’est elle qui m’a guidée à faire des connaissances avec de jeunes créateurs indépendants : Nora Amin, Hani Al-Metnaoui et autres, à documenter le mouvement du théâtre indépendant et à défendre les jeunes et les soutenir, etc. », souligne Racha Abdel-Moneim avec une grande gratitude.

Sur le plan professionnel, Racha s’est lancée encore plus dans le théâtre. La jeune professeure de langue arabe profitait de la petite estrade de classe et du tableau pour en faire ses planches et expliquait les textes arabes en les interprétant comme une petite scène théâtrale. Elle collabore avec les troupes indépendantes en écrivant des pièces à succès : Asri Charti Yékoun Masri, de Mohamad Ezzat. Hakawi Al-Haramlek, de Abir Ali, Halet Tawarë, de Mohamqd Abdel-Khaleq. Le hasard lui garde encore une surprise. « Mon professeur de lettres arabes et secrétaire général du CSC, Gaber Asfour, me prenait comme un bon disciple. Il m’encourageait à avancer. Un jour, il a invité la promotion des études supérieures à assister à une conférence littéraire de Jacques Derrida organisée par le CSC. J’étais éblouie par le monde des intellectuels, les colloques … Ensuite, il m’a demandé de joindre l’équipe du conseil. Il croyait que j’allais joindre le département de la traduction et la publication au conseil comme correctrice, vu que ma spécialité est la langue et la littérature arabes. Franchement, à l’époque je ne savais même pas exactement les rôles joués par le CSC. Mais j’étais impressionnée par les comités artistiques et la présence du comité de théâtre qui regroupait des maîtres et des hommes de théâtre éminents en Egypte. J’ai demandé simplement d’assister la secrétaire générale du comité de théâtre, Aziza Sadeq, afin de mieux s’approcher des hommes de théâtre égyptiens ». C’était alors l’occasion de mieux s’approcher des coulisses du théâtre en Egypte, de comprendre le système de production du théâtre de l’Etat et d’autres formes de production et de rencontrer Saad Ardach, Alfred Farag, Mohsen Mosselhi et autres. « Enthousiasmée et éprise par le CSC et mon contact direct avec ces personnes éminentes, je leur ai montré mon premier texte dramatique primé et imprimé et j’ai reçu d’eux différents commentaires et notes qui m’ont aidée à promouvoir mon style d’écriture dramatique. J’avais de la chance », explique-t-elle.

Ses pièces de théâtre Comment se débarrasser des taches, Un garçon, une fille et des choses et Fabriqué en Egypte étaient des spectacles à succès où elle développait ses défenses pour les droits humains dans un style dramatique touchant. Dans la première, elle évoque les droits des femmes à trouver l’amour et à se débarrasser des relations toxiques. Dans la deuxième, elle traite le rapport entre l’homme et la femme face aux préjugés de la société. Et dans la troisième, elle dénonce le laisser-aller et l’indifférence dans la société égyptienne. Même quand elle aborde le théâtre de l’enfant dans un beau spectacle d’ombres et de marionnettes monté par son partenaire et époux Mohamed Fawzy, Sayd Al-Ahlam (la pêche des rêves), elle défend les droits de l’homme à rêver, à croire à ses forces et à réaliser ses rêves. « Mon travail avec Fawzy est toujours complémentaire. J’étais souvent attirée par son talent et sa créativité. Notre première rencontre était dans le spectacle de Tarek Al-Doweiri La Troisième position. Il concevait la chorégraphie et moi je m’occupais du dialogue. En plus, il me soutenait souvent dans la vie. Et il n’était pas l’homme traditionnel s’insurgeant contre sa femme qui s’attarde souvent dans les répétitions … ».

Aujourd’hui, Racha occupe le poste de directrice du département d’entraînement au CSC. Un poste qu’elle a insisté à créer afin de réformer les fonctionnaires du ministère de la Culture et créer un lien de coopération entre les créateurs indépendants et le ministère à travers l’organisation des ateliers de gestion culturelle. « Inviter les associations de la société civile à prendre part au mouvement culturel et créer ce lien entre les indépendants et le ministère de la Culture est une mission qui vise à changer la carte de la culture en Egypte ».

Codirectrice du festival international Eazes pour le théâtre de la femme, Racha Abdel-Moneim insiste sur le fait que ce festival n’est qu’une occasion pour les femmes créatrices à présenter leurs spectacles. « En Egypte, une femme créatrice ou plutôt une metteuse en scène souffre beaucoup des préjugés, des problèmes de production. Elle lutte beaucoup pour que son spectacle soit monté, etc. Eazes n’est pas un festival féministe, mais un moyen de donner la chance aux femmes pour exister. En tant que dramaturge femme, je n’ai pas longtemps souffert, et ce, grâce aux aides que j’ai reçues de mes professeurs », dit-elle avec reconnaissance. Mais comme d’habitude, elle se charge de défendre et aider les autres femmes créatrices.

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