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Les inconnues de l’après-Talibans

Abir Taleb avec agences, Mardi, 17 août 2021

Après 20 ans de présence américaine en Afghanistan, les Talibans reprennent le pouvoir. Quel avenir attend l’Afghanistan ? Eléments de réponse.

Les inconnues de l’après-Talibans

Scènes de panique à Kaboul. Vent de panique de par le monde. Les Talibans ont pris de court le monde entier en s’emparant du pouvoir si rapidement : un rapport américain estimait il y a un mois que le gouvernement pouvait tomber dans les 90 jours, il en a fallu bien moins. Ces dernières semaines, le retrait américain avançait à grands pas, les Talibans aussi. Les villes tombaient les unes après les autres comme un château de cartes, jusqu’à la chute de la capitale afghane, le 15 août. Ni champs de bataille sanglants, ni cadavres dans les rues ne seront venus illustrer l’offensive finale des Talibans vers Kaboul. Au contraire, les images ont montré des Talibans confortablement assis dans des fauteuils pour signer la cession des villes et des provinces.

Et avec la chute de Kaboul, plusieurs interrogations émergent. La première d’entre elles concerne l’impressionnante rapidité avec laquelle les Talibans ont pris le contrôle du pays. Cela résulte non seulement de leur force sur le terrain, mais aussi de leur pression soutenue pour négocier accords et redditions, disent les analystes. Les insurgés auront manié la carotte et le bâton dans une véritable guerre psychologique qui les aura menés de ville en ville, certaines conquises presque sans un seul coup de feu, jusqu’à la capitale, Kaboul. Ils avaient même commencé à négocier les redditions longtemps avant le début de leur offensive en mai. Mais pourquoi une si faible résistance de l’armée, alors que tant Washington que Kaboul se disaient confiants sur la capacité de l’armée afghane — pour laquelle Washington a déboursé des milliards de dollars — à contrer les Talibans ? Parce que l’armée était depuis des années rongée par la corruption et sapée par un commandement médiocre, un manque d’entraînement et un moral en berne. Les combattants talibans sont environ 70 000. En face, l’armée afghane est plus nombreuse, mais ne peut ou ne veut pas se battre. En effet, l’effondrement de l’armée afghane trouve ses prémices dans l’accord conclu par l’ancien président américain Donald Trump avec les Talibans en février 2020 à Doha, pour un retrait complet des troupes étrangères, en échange de garanties de sécurité et d’un engagement des Talibans à discuter avec Kaboul. Pour les Talibans, il s’agit d’une première victoire après près de deux décennies de guerre. Pour de nombreux Afghans, démoralisés, c’est une trahison et un abandon. Tout comme l’abandon du président Ashraf Ghani, qui a fui le pays dimanche 15 août pour, a-t-il dit sur son compte Facebook, éviter « un bain de sang ».

Echec américain ?

Ce qui nous amène à la deuxième question : vingt ans de présence américaine pour rien ? S’agit-il d’une défaite américaine ? Le président américain se défend. « Après 20 ans, j’ai appris à contrecoeur qu’il n’y avait jamais de bon moment pour retirer les forces américaines », a-t-il affirmé lundi 16 août, lors d’une adresse à la nation, concédant toutefois que « tout cela s’est déroulé plus rapidement que nous l’avions prévu ». Et de fustiger que les Etats-Unis n’avaient pas pour but de « construire une nation » en Afghanistan. Biden a aussi souligné que les adversaires des Etats-Unis sur la scène internationale, Chine et Russie au premier rang, auraient « adoré » que les Américains restent enlisés en Afghanistan. Son secrétaire d’Etat, Antony Blinken, s’est séparément entretenu avec ses homologues russe et chinois, a indiqué le département d’Etat, fournissant peu de détails sur le contenu des conversations. Les tensions sont dans l’air …

De là vient la troisième question : que va changer le retour des Talibans au pouvoir dans les équilibres régionaux et internationaux ? Chaque Etat a ses propres calculs, ses propres intérêts à protéger. Moscou comme Pékin se montrent pragmatiques, se pressent même pour jouer un rôle futur en Afghanistan, alors que les Occidentaux, effarés, sont contraints de reconnaître leur débâcle. Les voisins revoient leurs stratégies (voir article page 11). Mais dans l’ensemble, la communauté internationale s’inquiète. Elle craint une prolifération du terrorisme. Une quatrième question qui s’impose en effet : le terrorisme international va-t-il pulluler ? Sans doute, oui (voir entretien). « La communauté internationale doit s’unir pour s’assurer que l’Afghanistan ne sera jamais à nouveau utilisé comme une plateforme ou un refuge pour des organisations terroristes », s’est contenté de déclarer le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, lors d’une réunion d’urgence du Conseil de sécurité lundi 16 août.

Reste une cinquième et dernière question : quel sera l’avenir de l’Afghanistan ? La réponse n’est pas tranchante, les doutes persistent, l’instabilité risque de s’éterniser. Après quatre décennies de conflits, l’Afghanistan n’est certainement pas au bout de ses peines.

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