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Ahmed Sayed Ahmed : Washington encouragera sans doute, en coordination avec l’Egypte, le retour à la table des négociations

Ola Hamdi, Mardi, 25 mai 2021

Dr Ahmed Sayed Ahmed, expert des affaires américaines au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, revient sur les rôles américain et égyptien dans le processus de paix et les chances de sa relance.

Ahmed Sayed Ahmed

Al-Ahram Hebdo : Le président américain, Joe Biden, a salué les efforts déployés par l’Egypte et son rôle dans les négociations. Comment voyez-vous la position américaine envers le succès de la médiation égyptienne ?

Dr Ahmed Sayed Ahmed : Les propos américains saluant les efforts de l’Egypte pour parvenir à un cessez-le-feu reflètent la reconnaissance américaine de l’importance du rôle régional de l’Egypte. L’Egypte est un partenaire stratégique des Etats-Unis, que ce soit en matière de lutte contre le terrorisme ou dans le règlement des crises et des conflits régionaux, notamment le conflit israélo-palestinien. L’Egypte a joué un rôle incontournable pour parvenir à un cessez-le-feu, surtout que ni les Etats-Unis, ni les Européens, ni même le Conseil de sécurité n’ont pu intervenir pour arrêter l’agression israélienne sur la bande de Gaza. Parvenir à un accord sans conditions est une grande réussite pour la diplomatie égyptienne et les services de renseignements égyptiens.

— Comment évaluez-vous la position de l’Administration américaine vis-à-vis du conflit ?

— Pendant les 10 premiers jours de l’agression israélienne contre Gaza, le rôle américain n’était ni positif ni efficace, bien au contraire, les déclarations de Biden sur le droit à la légitime défense étaient perçues comme un feu vert donné à Israël pour poursuivre l’agression. L’Administration américaine n’a pris de mesures concrètes que tardivement sous la pression des démocrates au Congrès et de l’opinion publique américaine pour arrêter l’agression israélienne. Biden s’est grandement appuyé sur l’Egypte pour parvenir à un accord de cessez-le-feu.

— Au-delà de cette offensive, pensez-vous que Washington puisse inciter les parties à revenir à la table des négociations ?

— La leçon importante que nous devons retenir est que la logique de la force n’apporte ni stabilité, ni sécurité pour Israël et les Etats-Unis. Je pense que Washington cherchera à encourager les parties à retourner à la table des négociations en coordination avec l’Egypte qui a des relations importantes avec toutes les parties.

— Pensez-vous donc que l’Administration américaine accorde plus de priorité à la cause palestinienne dans la période à venir ?

— Cette guerre a ramené la cause palestinienne à l’ordre du jour et a révélé la fragilité de la sécurité israélienne. Le dôme de fer établi et financé par les Etats-Unis n’a pas permis de protéger les villes israéliennes. Les missiles de la résistance palestinienne ont pu atteindre Israël et d’importantes villes comme Tel-Aviv, Ashkelon, Jaffa et autres. Il y a des pressions au sein des institutions américaines pour une action américaine positive envers la cause palestinienne. Biden a nommé un émissaire américain au Moyen-Orient et William Burns a pris la présidence de la CIA. Il possède une vaste expérience de la région du Moyen-Orient et du conflit israélo-palestinien. Peut-être verrons-nous une nouvelle voie pour le lancement des négociations, en particulier avec les pressions de l’Egypte et de la Jordanie.

— Quelle est l’importance de la visite du secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, au Moyen-Orient dans les prochains jours ?

— C’est une importante visite car elle s’inscrit dans le cadre de l’action américaine visant à maintenir le cessez-le-feu. Cette visite devrait aborder également deux dossiers importants, à savoir la reconstruction de Gaza et la reprise des négociations. Je crois que cette dernière guerre a permis de dynamiser l’implication américaine au Moyen-Orient après que l’Administration Biden a cherché à se déplacer vers l’Asie de l’Est pour contenir la menace chinoise et se concentrer sur le dossier nucléaire iranien avec un retrait progressif de la région du Moyen-Orient. Cette guerre a prouvé que les Etats-Unis ne pouvaient pas se retirer directement, d’autant plus que l’absence de règlement de ce conflit historique menace la sécurité et la stabilité, voire les intérêts américains dans la région.

— Comment évaluez-vous la relation entre Washington et Israël ?

— Cette relation est en fin de compte régie par plusieurs constantes : l’engagement américain envers la sécurité d’Israël malgré la tension et l’incompatibilité entre Biden et Netanyahu. Biden a annoncé, après la trêve, qu’il renforcerait le dôme de fer israélien, ce qui signifie plus de soutien militaire et sécuritaire à Israël. Je crois que les démocrates font pression pour adopter une politique qui pourrait être plus dure envers Israël. Biden essaiera de faire un équilibre entre la politique de soutien à Israël pour ne pas entrer en conflit avec le lobby juif aux Etats-Unis et le recours à des négociations pour satisfaire les démocrates. Mais la politique américaine dans son ensemble restera une politique pro-israélienne du côté militaire.

— Et qu’en est-il des relations égypto-américaines ?

— Je pense que nous assisterons au début d’un retour à la chaleur des relations égypto-américaines sous le président Biden. Je suis convaincu que le président Biden a pris conscience de l’importance du partenaire égyptien, du rôle de l’Egypte au Moyen-Orient et qu’il peut compter sur lui pour assurer la sécurité et la stabilité. Il s’est également rendu compte qu’aucune politique américaine ne peut être efficace en ce qui concerne la relance du processus de paix et le renforcement de la sécurité et de la stabilité dans la région qu’à travers la coordination et la coopération avec l’Egypte. Nous assisterons probablement à une plus grande coordination américano-égyptienne.

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