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Développement rural : La métamorphose en marche

Amira Doss, Mardi, 09 février 2021

Avec un budget de 515 milliards de L.E., la participation de 14 ministères, le projet national de développement rural a pour objectif de changer le visage de plus de 4 000 villages égyptiens. L’installation de services de base et, surtout, l’autonomisation des habitants de ces milieux sont au rendez-vous.

Développement rural : La métamorphose en marche
(Photo : Mahmoud Madh Al-Naby)

Un projet pionnier de développement rural est en train de voir le jour, permettant à des millions d’habitants des zones rurales égyptiennes de rêver d’un meilleur avenir. Dans le but d’améliorer les moyens de subsistance, les conditions de vie des populations dans ces milieux, en privilégiant les couches vulnérables, le projet doit couvrir plus de 4 700 villages et sa période de mise en oeuvre est de trois ans. Avec un budget s’élevant à 515 milliards de L.E., sa première phase, qui se termine à la fin de 2021, est censée changer le visage de 1 500 villages. Pour le président Abdel-Fattah Al-Sissi, le plus grand défi ne réside pas dans le financement du projet dont le budget s’élève à plus de 500 milliards de L.E. « Le plus grand problème s’avère le cadre organisationnel de chaque village. Car chaque cas est unique et aucun village ne ressemble à son voisin », a-t-il déclaré dans une intervention téléphonique avec l’animateur Amr Adib sur la chaîne télévisée MBC Misr, samedi 6 février.

Le projet est ambitieux. D’après les déclarations officielles, le nombre de bénéficiaires s’élève à plus de 58 % de la population égyptienne. Le projet introduit un éventail d’innovations allant de l’installation de services de base, des infrastructures, tout en offrant des opportunités d’emploi, un développement de compétences et une modernisation rapide des économies dans ces zones rurales. Il s’agit d’un tournant décisif. Avec un plan d’action bien défini, un programme et un budget important, une stratégie, des priorités et surtout une gamme d’activités avec pour objectif : investir dans cette population rurale et encourager une transformation inclusive de ce monde tant oublié, tout en permettant à ceux qui y vivent de tirer profit de ses richesses plutôt que de s’en trouver encore plus marginalisés.

Cette transformation du monde rural doit inclure de nombreux changements positifs dans la vie de ses habitants, commençant par l’amélioration de la qualité de l’éducation, des services de santé, de l’eau potable, des opportunités de travail, l’autonomisation des femmes et l’augmentation de l’espérance de vie. Et ce, par le biais d’un développement centré sur les personnes, dans lequel les bénéficiaires deviennent les agents de leur propre développement et participent dès le départ à la prise de décisions et à l’exécution du processus même de transformation.

D’après Walaa Gad Al-Karim, directeur de l’unité centrale de l’initiative « vie décente » au sein du ministère du Développement local, tous les facteurs sont réunis pour garantir le succès de ce projet. « C’est la première fois qu’un projet adopte une approche globale et intégrée ciblant tous les villages d’Egypte. C’est le premier ministre qui préside le comité chargé de la mise en application du projet. 14 ministères coopèrent pour fournir tous les moyens nécessaires pour son accomplissement, le budget énorme alloué est une preuve de la réussite de la politique de réforme économique entamée par l’Etat il y a plus de six ans, alors que la plupart des pays du monde réduisent leurs budgets de développement à cause de la crise du coronavirus ». D’après lui, le lancement d’un projet de développement rural répond à des inégalités sociales. Il contribue à réaliser le principe de la justice sociale et l’égalité des chances pour une population qui a longtemps souffert de marginalisation.

Un intérêt retrouvé

Développement rural : La métamorphose en marche

Aujourd’hui, l’Etat est conscient que l’objectif de la réduction de la pauvreté ne peut être atteint si l’on ne cible pas délibérément les zones rurales où cette pauvreté reste dramatique et extrêmement répandue. C’est dans ces milieux où l’on constate les taux élevés de chômage, la généralisation des activités informelles, le travail des enfants et le faible taux de scolarisation.

En effet, d’après l’Organisation internationale du travail, l’intérêt pour les questions rurales a considérablement diminué dans le monde lors des années 1990. Les programmes de développement et d’ajustement ont mis l’accent sur une réduction des budgets et des investissements alloués aux zones rurales. Les priorités politiques concernaient plutôt le développement urbain conjugué à une augmentation de capitaux internationaux en vue de moderniser rapidement les économies et les secteurs de ce milieu. Ce déclin mondial de l’intérêt pour les questions rurales a duré jusqu’aux années 2000. Les acteurs de développement international ont manifesté un regain d’intérêt pour les zones rurales. Les objectifs du Millénaire et du Sommet mondial pour le développement social en 2005 ont réaffirmé que le développement rural devrait être traité d’urgence et de façon appropriée, et devrait faire partie intégrante des politiques nationales de développement.

Ici commence le changement

D’après l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce), le principal objectif de tout projet de développement rural est l’atténuation de la pauvreté. Pour libérer l’humanité de la pauvreté et la faim, il faut commencer par le monde rural. Plus de 70 % des pauvres du monde vivent en milieu rural. Dans presque tous les pays en développement, les ruraux pauvres sont plus nombreux que les citadins pauvres. Leur accès aux services de base comme l’assainissement, l’eau potable, les services de santé et l’éducation est beaucoup plus limité, de sorte qu’ils souffrent de la faim, des maladies et d’analphabétisme. En Egypte, comme dans la plupart des pays du monde, l’écart entre le revenu urbain et rural ne cesse de se creuser. Or, cette situation devra bientôt changer. « Le monde rural a longtemps été synonyme d’isolement et d’éloignement. Il ne faut plus assimiler les zones rurales au sous-développement, à la précarité et au manque d’attrait. Dans les pays développés, le terme rural a de plus en plus une connotation positive liée à l’écologie, la culture, les loisirs, l’alimentation saine et au mode de vie moins stressant », explique Farid Abdel-Aal, expert au Centre de planification urbaine. D’après lui, le pouvoir politique en Egypte a réalisé que le secteur rural est capable de générer une croissance économique créatrice d’emplois.

« L’Etat est profondément préoccupé par la question du développement rural, surtout son aspect social. L’urgence de trouver des solutions rapides, prévenir que ces citoyens cherchent refuge auprès des groupes extrémistes, mettre fin à l’exode rural, des réalités qui reflètent la persistance des problèmes auxquels sont confrontées les zones rurales, et qui sont en lien avec la marginalisation de ces populations », explique Hamdi Arafa, expert en développement municipal.

Aujourd’hui, investir dans la population rurale offre une solution à long terme à de nombreux problèmes, tels que la faim, la pauvreté, le chômage, les migrations forcées, des sujets profondément enracinés dans les zones rurales. Investir dans les populations rurales c’est investir dans un avenir plus prometteur à tous. L’Etat a constaté qu’une répartition inégale de revenu n’était propice ni à la croissance économique, ni à la réduction de la pauvreté.

Du « sur-mesure »

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Or, ce processus de transformation rurale doit commencer par l’amélioration de la qualité de vie et le bien-être des habitants de ces zones. « Attirer les investissements en ciblant l’agriculture, renforcer le rôle du secteur privé dont le rôle comprendra la création d’entreprises, des emplois, la commercialisation des produits agricoles et l’augmentation de la concurrence », explique Walaa Gad Al-Karim. Et ce n’est pas tout. Fournir une assistance technique pour aider les habitants de ces zones à améliorer leur productivité, développer un système de crédits, déterminer les ressources propres à chaque village, afin d’élaborer une stratégie basée sur l’exploitation maximale de ses richesses. Autre critère important : la participation active de la population ciblée. « Communiquer directement avec les citoyens des villages inclus dans la première phase du projet permettra de connaître leurs besoins concrets, leurs demandes et leurs suggestions à l’égard du développement de leurs villages. Proposer des activités sur-mesure et offrir les compétences nécessaires en créant des liens entre les producteurs et les propriétaires d’entreprises », affirme Arafa. Ainsi, il sera possible de valoriser les ressources de chacune de ces zones à part, ce qui constitue un axe central autour duquel vont se développer toutes les activités, produits et services liés à ce territoire.

Aujourd’hui, les habitants des zones rurales peuvent enfin aspirer à une autosuffisance sur le plan économique, à une qualité de vie et une modernisation des services de base. Le village, cette entité ancrée dans les civilisations traditionnelles, pourra devenir le principal vecteur de développement. Ce territoire, délaissé et marqué par le manque de services et offres d’emploi, doit subir une révolution technique. Ce paysage, caractérisé par un tissu culturel, économique et social très diversifié, est également un cadre de vie contrasté par une grande diversité, de grands écarts de revenus et de conditions de vie, et une mosaïque d’activités. Souvent sous-évalué par les gouvernements successifs, il est temps d’exploiter ses possibilités et richesses.

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