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Zorba l’Egyptien

Névine Lameï, Mardi, 16 juillet 2013

Lors des contestations devant le ministère de la Culture, c’est Hani Hassan qui dansait Zorba le Grec. Danseur étoile du ballet de l’Opéra du Caire, c’est une figure montante de la scène égyptienne. Le ballet inspiré de l’oeuvre de Mikis Theodorakis devrait clôturer la saison de l’Opéra du Caire.

Zorba
Ballet Zorba, à l'Opéra du Caire.

En jean, devant les locaux du ministère de la Culture à Zamalek, le jeune chorégraphe et danseur de la troupe du ballet de l’Opéra du Caire, Hani Hassan, joue le rôle-clé du ballet Zorba le Grec de Mikis Theodorakis, sur une musique devenue l’expression d’un espoir infini.

A 34 ans, Hassan est classé 2e mondialement pour sa performance exemplaire dans ce ballet. En dansant dans la rue, il a un petit air juvénile à la fois patriotique, enthousiaste, gai mais aussi rebelle. « Pour défendre la liberté d’expression et de la création, les artistes et intellectuels égyptiens n’avaient d’autre moyen que de faire un sit-in sur le terrain. On devait s’insurger contre les politiques de l’ex-ministre nommé par les Frères musulmans, Alaa Abdel-Aziz. Au nom de la révolution, celui-ci a brandi le slogan de la lutte contre la corruption pour s’attaquer aux gens de la gauche et aux laïcs. Il y a eu même des déclarations islamistes, réclamant d’interdire le ballet, le taxant d’illicite », déclare Hani Hassan. Pour lui, Zorba le Grec ou « la danse de la liberté » est le ballet par excellence à présenter dans de telles circonstances.

D’ailleurs, la vidéo du ballet Zorba le Grec, joué admirablement dans la rue, a fait le tour du Web, sur Youtube et Facebook. Le danseur étoile dévoile également sur sa page Facebook un certain nombre de vidéos répertoriant ses spectacles à l’étranger : Zorba le Grec, à l’Opéra d’Athènes en 2004, au théâtre San Carlo de Naples en 2009, au théâtre Rodolph Moriev en Russie en 2010-2011, ou à l’Opéra d’Ankara en 2011.

Hassan vient de recevoir récemment une invitation pour donner Zorba avec des artistes de l’Opéra d’Ankara, sur la place Taksim. Car le ballet est devenu le symbole de toute protestation publique.

Hassan est un fan de plusieurs chorégraphes, à la renommée internationale, comme l’Américain Lorca Massine, l’Italien Renato Greco, le Russe Oleg Alexandrov, la Française Thierry Malandain, et surtout l’Egyptien Abdel-Moneim Kamel, lequel vient de disparaître : son mentor.

« Quand Abdel-Moneim Kamel dirigeait l’Opéra, celui-ci a connu son âge d’or. Il a invité les plus grandes troupes internationales. Les jeunes danseurs de l’Opéra ont eu la chance de côtoyer les étoiles du Bolchoï », souligne Hassan qui s’est joint à la troupe du ballet de l’Opéra du Caire en 1994, alors qu’il était encore étudiant à l’Institut du ballet.

Charismatique, il va de succès en succès et monte rapidement les échelons, pour devenir soliste, premier danseur … En 2011, il devient chorégraphe et signe sa première création, Raspoutine. Il s’agit d’un ballet qui conteste le mélange politique et religion.

Suit Hassan et Naïma, en 2013, où il évoque les problèmes de la jeunesse. Puis, Spartakus sur la musique « révolutionnaire et progressive » du Boléro de Ravel. Ensuite, il donne Ostouret al-hob (la légende de l’amour), son ballet le plus récent qu’il présentera en octobre prochain, à l’occasion de la fête nationale de la Géorgie.

A la vie ! A l’Amour !

Peut-on considérer le personnage de Zorba du ballet de Lorca Massine, créé en 1988, d’après le roman Alexis Zorba de Nikos Kazantzakis, comme un symbole de la résistance et de la liberté ? Le personnage du roman date de 1946, il s’inspire de l’histoire vraie d’un certain George Zorba que Kazantzakis a rencontré durant un voyage en Grèce.

Le compositeur musical du ballet, Mikis Theodorakis, l’a rendu universel, disant : « Si tout le monde était comme lui, nous aurions une autre société ». Zorba est un aventurier passionné, à la fois gai et autonome qui prend la vie comme elle vient. C’est un observateur critique qui, avec le regard de celui qui connaît les faiblesses humaines, est devenu le symbole de tous ceux qui en ont assez de la superficialité et du vide de la vie en commun.

Le drame est poignant : Alexis Zorba mène une vie bohémienne et décide d’aider Jean, l’Américain arrivé dans un village grec. Le jeune Américain tombe amoureux de la veuve Marina mais se heurte au refus des villageois. Zorba le soutient dans l’espoir, et danse avec lui le sirtaki, symbole de la grande réconciliation avec le destin. C’est l’expression même de l’acceptation de la vie et de l’autre.

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