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Le prix de l’instabilité politique

Marwa Hussein, Mardi, 25 juin 2013

La Bourse égyptienne est en baisse depuis le début du mois en raison des craintes relatives aux manifestations du 30 juin. Plusieurs analystes ne s'attendent pas à un redressement rapide.

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Echanges au ralenti : peu de courtiers se rendent récemment à la corbeille.(Photos:Bassam Al-Zoghby)

A la bourse du Caire, il n’y a ni effervescence, ni courtiers alertes qui suivent les écrans tout en lançant des ordres d’achat ou de vente comme on a l’habitude de voir. Dans ce bâtiment situé dans une zone piétonne du centre-ville, l’ambiance est plutôt fade.

A peine 40 courtiers sont présents, dans la vieille salle de la Bourse. Quelques-uns lisent tranquillement le journal, d’autres bavardent et quelques-uns dorment sur leur petit bureau. « C’est le fantôme du 30 juin qui habite la Bourse », affirme ironiquement Issa Fathi, vice-président du département des titres financiers auprès de l’Union des Chambres commerciales.

Affecté par les inquiétudes de voir l’Egypte plonger dans la violence le 30 juin, date des manifestations contre le régime du président Morsi, l’indice principal de la Bourse égyptienne EGX30 a perdu 17 % de sa valeur depuis le début du mois.

« Je ne vais plus souvent à la Bourse. Les courtiers allaient à la Bourse en période de grande activité car ils n’avaient pas suffisamment d’écrans dans les maisons de courtage pour suivre les transactions. Maintenant que le rythme est lent personne ne vient », explique un courtier qui a requis l’anonymat.

« Cela fait plus de deux mois que la Bourse est calme. La Bourse n’est pas active », affirme Hani Guénena, directeur des recherches chez Pharos.

Le turnover a en fait atteint son niveau le plus bas depuis des années avec 72,2 millions de L.E. le 16 juin. Lundi 24 juin, il était à 135,5 millions de L.E., alors que le 12 juin, la Bourse avait chuté à son plus bas niveau en un an.

Jusqu’à la fin du mois de juin, analystes et courtiers estiment que l’activité de la Bourse continuera à chuter. L’indice a déjà perdu plus de 2 % au cours des deux premières sessions de la semaine.

L’impact de la politique sur la Bourse est évident depuis la révolution du 25 janvier 2011. Celle-ci avait pourtant connu des moments de recrudescence surtout après les élections parlementaires et la présidentielle. Mais la performance politique du gouvernement, les manifestations dans les rues et la situation économique en constante détérioration ont mis un terme à la croissance boursière.

« Au cours des deux dernières années, on a vu de nouveaux investisseurs en Bourse mais depuis quelque temps il n’y en a plus », assure Guénena. « Il y a des investisseurs qui vendent et n’achèteront des actions que si la situation politique se stabilise », dit Issa Fathi.

Selon lui, il y a 50 000 comptes actifs en Bourse contre quelque 250 000 il y a deux ans.

Beaucoup d’investisseurs craignent en effet une suspension des échanges en Bourse en cas d’escalade de la violence le 30 juin à l’instar de ce qui s’est passé après la révolution, lorsque les échanges ont été suspendus pendant quasiment deux mois.

« Il y a des investisseurs qui ont pu cependant réaliser des gains au cours de l’année précédente, mais la semaine dernière, à titre d’exemple personne n’a gagné de l’argent », assure Guénena. La situation de la Bourse après le 30 juin dépendra du contexte politique, affirment les analystes. Une stabilisation de la situation politique pourrait, selon les investisseurs, donner un coup de pouce au marché. Mais si la violence s’installe, il est probable que la Bourse continue à chuter et descende sous la barre des 4 000 points.

Un bon nombre de petits et moyens investisseurs qui sont encore en Bourse ont les mains liées. Ils ont placé leur argent en Bourse lorsque les prix des actions étaient très élevés. Ils ont conservé leurs actions dans l’espoir de voir le marché s’épanouir un jour.

Cela fait 5 ans que Georges investit en Bourse. Aujourd’hui, son portefeuille vaut moins que le quart de sa valeur originale. « J’ai acheté une action à 108 L.E. et elle vaut actuellement 4,5 L.E. Comment je peux la vendre ?», se demande-t-il.

Salah Salama a répondu aux appels lancés aux Egyptiens après la révolution, d’investir en Bourse pour la soutenir. La valeur de son portefeuille a chuté de 50 000 L.E. à 15 000.

Comme d’autres investisseurs, Georges n’arrive pas à quitter le marché. « Si je vends maintenant, cela veut dire que j’ai perdu mon argent pour toujours », dit-il.

« C’est vrai que c’est le cas de plusieurs investisseurs. Le problème est que la Bourse est affectée par les événements politiques, la performance des entreprises n’est plus vraiment un facteur », commente pour sa part Oussama Mourad, analyste indépendant et ancien directeur général de la maison de courtage Arab Finance.

La décision prise le 20 juin de nommer Atef Yassine à la présidence de la Bourse pour succéder à Mohamad Omran, dont le mandat a expiré, n’a pas eu de réel impact sur le marché qui poursuit sa chute .

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