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Deux peintres, des univers opposés

Névine Lameï, Dimanche, 13 janvier 2019

Il n'y a rien de commun entre les styles de Georges Bahgouri (né en 1932) et de Samir Fouad (né en 1944). Ces deux grands artistes-peintres exposent cependant en même temps à la galerie Picasso, offrant deux visions très différentes du monde.

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Soleil et lune, c’est le titre choisi par le peintre et caricaturiste Georges Bahgouri pour sa nouvelle exposition à la galerie Picasso. L’artiste nous présente une sorte de comédie humaine, assez dramatique, animée par divers personnages, dans ses 45 peintures narrant le quotidien des Egyptiens, de jour comme de nuit. On y retrouve le silence et le chaos du Caire, la ville qui ne dort jamais.

Voici des derviches tourneurs, de vieux musiciens, des danseuses orientales, des joueurs d’équipes de foot, d'anciens champions de kick-boxing, des paysans, des compagnons de route, des marchands de fruits, des prêtres et des saints, de simples figurants assis sur un café populaire, etc. Il y a aussi La Diva, Oum Kalsoum, toujours omniprésente dans la vie égyptienne. Ces scènes de tous les jours abondent de détails et de vivacité ; elles ont aussi un petit côté nostalgique. Bahgouri, ayant 87 ans, a été témoin de plusieurs événements qui ont secoué le monde arabe.

Ses personnages ont quelque chose d’iconique. Sa palette ardente les rend très vivants, ainsi que ses lignes mouvementées, faisant preuve de la dextérité du caricaturiste. Non sans ironie, il dépeint des thèmes populaires, des motifs folkloriques, les mêlant à des compositions géométriques. Le corps séduit toujours l’artiste de par ses proportions et ses formes. Chez Bahgouri, le corps revêt des dimensions sensuelles. Il opte pour des formes volumineuses, parfois même déformées, multipliant les courbes et les masses qui reposent cependant sur une force géométrique bien posée. Le peintre-caricaturiste tend à exacerber les traits et les formes, mais maintient l’équilibre du corps en action.

Les sans-voix de Samir Fouad

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La deuxième salle de la galerie Picasso accueille huit peintures, signées par un autre grand artistepeintre qui est Samir Fouad, né en 1944. Ce dernier dépeint l’effet des temps qui passent, intitulant son exposition Taste of Time (le goût du temps).

Ici, le silence est terrible, voire effrayant. Les toiles font office de messages, sans voix. Et les protagonistes de Fouad sont souvent des femmes aux corps déformés ou des enfants. Leurs états d’âme varient entre lassitude, mélancolie et perturbation. L’artiste a choisi d’exprimer les sentiments des plus faibles. « Mon exposition vise àchoquer avec douceur, afin d’éveiller les consciences dans un monde qui perd ses repères. Mes personnages nosent pas parler. Personne ne se rend compte de leur douleur ni de leur angoisse. Pour ce, cest le silence qui règne sur les toiles », écrit Samir Fouad dans le catalogue de l’exposition.

Seuls et accablés, ses personnages s’enferment dans leur caverne et se mettent à rêvasser. Une nouvelle mariée en robe blanche se rappelle ses amours passées. Elle est censée être heureuse, la nuit de ses noces, néanmoins, elle sombre dans la détresse. La Mariée a le visage triste, serrant de sa main gauche un mannequin en bois, portant une veste noire. C’est clair qu’à ses côtés, elle ne semble pas en bonne compagnie. Sur une autre peinture, un enfant joue sur une balançoire. Normalement, il doit passer un bon moment, mais malheureusement, sa joie ne dure pas. Il tombe de sa balançoire et reste par terre, incapable de bouger. Samir Fouad a recours à des couleurs fades — le plus souvent de l’ocre ou du gris — pour exprimer l’angoisse de ses personnages. Le fond de la toile a un cachet ancien et classique. C’est l’effet du temps qui passe, livrant les gens à une perplexité, sans vraiment pouvoir agir. Ceux-ci n’ont rien à voir avec les personnages de Bahgouri animés par un tourbillon de vie, toujours en action.

Jusqu’au 18 janvier, à la galerie Picasso, 30, rue Hassan Assem, Zamalek, de 10h à 21h (sauf le dimanche).

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