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Le machiavélisme israélien

Racha Darwich, Mardi, 18 septembre 2018

25 ans durant, Israël a torpillé toute chance d’instaurer un Etat palestinien viable à travers une série de mesures : judaïsation de Jérusalem, fragmentation des terres palestiniennes, expansion des colonies, entre autres. Une politique du fait accompli qui mine toute option de paix.

Le machiavélisme israélien
Rien ni personne n’a pu stopper l’extension des colonies, qui font de la future Palestine une terre disloquée en peau de léopard.

Depuis le lancement du processus de paix et la signature des accords d’Oslo, Israël a oeuvré à imposer son diktat à travers la politique du fait accompli.

D’abord, pour ce qui est de Jérusalem. Imposer Jérusalem comme capitale de l’Etat hébreu a toujours été un objectif majeur pour Israël. « Israël avait élaboré un plan pour la judaïsation de Jérusalem 2020 qu’elle a quasiment achevé. Aujourd’hui, il a élaboré un autre plan pour 2050 », explique Dr Tareq Fahmi, professeur de sciences politiques et l’un des négociateurs des accords d’Oslo de la partie égyptienne. En effet, Jérusalem n’est plus cette vieille ville de 7 km2. Elle est devenue une métropole s’étendant sur plus de 200 km2. En 1948, lors de la création de l’Etat hébreu, Israël prend possession de Jérusalem-Ouest. Il envahit ensuite Jérusalem-Est pendant la guerre de juin 1967 et étend le périmètre de la ville au-delà de la Ligne verte, afin de créer la municipalité de Jérusalem. Les territoires annexés sont très vite couverts de colonies et judaïsés. En 1980, Israël déclare Jérusalem « capitale éternelle, une et indivisible d’Israël » et adopte un éventail de politiques pour chasser les Palestiniens de Jérusalem. Cependant, le rythme des transformations physiques et démographiques de la ville s’est considérablement accéléré depuis qu’Israël avait commencé, en 2002, la construction d’un mur de séparation qui était censé suivre le tracé de la Ligne verte, laquelle sépare Jérusalem-Ouest de Jérusalem-Est, selon les termes de l’armistice de 1949.

Tout ce qui est à l’est de la Ligne verte, notamment Jérusalem-Est, étant internationalement défini comme la partie palestinienne de Jérusalem, destinée à devenir la capitale du futur Etat de Palestine. Pourtant, sur les 168 km déjà bâtis (le mur devra atteindre 181 km), 3 % seulement suivent cette délimitation. « En effet, l’Etat hébreu n’a respecté ni les résolutions de l’Onu, ni les accords d’Oslo en ce qui concerne Jérusalem », commente Dr Tareq Fahmi. Par ce mur, Israël dispose des dernières pièces d’un grand Jérusalem juif. En effet, il a permis d’englober les colonies israéliennes périphériques, d’encercler les parties arabes et de diviser les localités palestiniennes. Pour parvenir à ses fins, Israël a récemment inventé une nouvelle astuce pour justifier la démolition des maisons au sein de Jérusalem et renforcer la judaïsation de la ville. Il s’agit d’octroyer à des quartiers palestiniens le statut de « parcs nationaux » pour rendre illégales les maisons qui s’y trouvent. « Israël n’est pas encore arrivé à ses fins avec la reconnaissance des Etats-Unis de Jérusalem comme capitale d’Israël et le transfert de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem. Avec son plan de la judaïsation de Jérusalem 2050, il n’y aura plus de terres palestiniennes à Jérusalem sur lesquelles les Palestiniens puissent négocier », conclut Tareq Fahmi.

Saper toutes les questions-clés

Deuxièmement, Israël a oeuvré à fragmenter les terres palestiniennes pour rendre impossible l’instauration d’un Etat palestinien avec des frontières bien déterminées. La fameuse résolution 181 qui stipule le partage de la Palestine avait octroyé au mouvement colonial juif 56 % des territoires de la Palestine, alors soumise au protectorat britannique. Cependant, l’idée des fondateurs d’Israël n’était pas de se contenter de la superficie accordée par l’Onu, mais de s’emparer de la totalité de la Palestine historique et d’en chasser sa population. Aujourd’hui, Israël occupe 85 % des terres de la Palestine historique, alors que les Palestiniens y vivent sur 15 %, dans des enclaves isolées les unes des autres. En effet, en 1967, Israël déclenche une guerre qui lui permet alors d’occuper la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est, les seuls territoires que l’Onu considère d’ailleurs comme palestiniens et illégalement occupés. Sur ces terres, les colonies poussent comme des champignons. Bien que les Nations-Unies et la communauté internationale considèrent comme illégales au regard du droit international toutes les colonies établies au-delà des frontières de 1967, il n’en demeure pas moins que rien ni personne n’a pu stopper l’extension de ces colonies, qui font de la future Palestine une terre fragmentée, disloquée en peau de léopard.

Troisièmement, aidé par les Etats-Unis, son allié stratégique de tout temps, Israël a également réussi à éradiquer complètement le droit de retour à cause, entre autres, de la dernière décision de Donald Trump d’arrêter toutes les aides versées à l’UNRWA (voir page 4). Dans le même contexte, Netanyahu a tout fait pour faire passer la loi définissant Israël comme nation du peuple juif, afin de barrer la route au retour des réfugiés. « En effet, si Israël se trouve un jour obligé de reconnaître un Etat palestinien, les réfugiés devront exercer le droit de retour dans l’Etat palestinien et non pas dans l’Etat israélien qui sera seulement l’Etat national pour le peuple juif », explique Tareq Fahmi.

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