Désormais, les hommes de religion musulmans comme chrétiens ne pourront pas apparaître dans les médias que sous autorisation des instances religieuses dont ils dépendent. C’est en vertu de ce projet de loi (le texte devrait être approuvé à la prochaine session parlementaire) que ces derniers doivent obtenir un permis préalable pour parler de questions religieuses dans les programmes télévisés. Une mesure visant à s’attaquer aux discours religieux fanatiques et erronés véhiculés par certains, et qui instrumentalisent les religions à des fins politiques ou doctrinales.
Ainsi, en vertu du texte, les prédicateurs musulmans auront à obtenir un permis délivré par un comité conjoint renfermant des représentants d’Al-Azhar, de Dar Al-Iftaa et du ministère des Waqfs (biens religieux). Ce permis sera valide pour trois ans. Quant aux prédicateurs chrétiens, ils l’obtiendront auprès de leur Eglise. La loi définit aussi les critères selon lesquels ce permis est octroyé. Entre autres, le prédicateur doit être de nationalité égyptienne, avoir suivi des études religieuses spécialisées à l’Université d’Al-Azhar ou ecclésiastiques pour les chrétiens, et avoir un casier judiciaire vierge.
« Les médias sont très influents, ils façonnent les mentalités des gens et les guident. D’où l’importance de contrôler le discours religieux qui y est diffusé à travers une loi fixant des critères et imposant des peines pour les contrevenants », affirme le député Mohamad Chaaban, membre de la commission religieuse au parlement et élaborateur du projet de loi.
Ainsi, en cas d’erreur ou d’abus, le permis donné au prédicateur lui sera retiré pour une durée encore à déterminer. En outre, une amende, qui varie entre 20000 et 100000 L.E., sera imposée. Cette peine sera doublée en cas de récidive. Et le contrevenant risquera alors d’être définitivement privé d’apparaître dans les médias. Ces derniers seront aussi sanctionnés, avec une amende variant entre 50000 et 500000 L.E.
Le projet de loi a été bien accueilli tant par l’Eglise que par les institutions religieuses musulmanes, tous d’accord sur la nécessité d’encadrer le discours religieux d’un nombre des critères aptes à éviter toutes sortes de dérives. Le prêtre Boulos Halim, porte-parole de l’Eglise orthodoxe, se dit pour cette loi qui protège contre l’extrémisme. « Notre église a participé aux discussions sur les critères proposés et les a approuvés », indique Boulos Halim, ajoutant que l’Eglise exerce déjà une autorité et supervise le discours de ses dignitaires. « En cas de dérive, elle les sanctionne selon ses règles intérieures », note Halim.
Et le contrôle d’Internet ?
C’est justement pour cela que l’intellectuel copte Kamal Zakher estime qu’il ne fallait pas inclure les hommes de religion chrétiens dans cette loi. « L’Eglise contrôle déjà étroitement le discours de ses prêtres. Ce qui n’est pas le cas pour les prédicateurs musulmans dont les avis divergent selon leurs interprétations des textes religieux qui diffèrent d’une école de jurisprudence islamique à une autre », estime Zakher. Il s’interroge également sur l’efficacité d’une telle mesure à un moment où il est presque impossible de contrôler ce qui est diffusé sur Internet.
En revanche, cheikh Magdi Abdel-Ghaffar, professeur à la faculté de prédication d’Al-Azhar, estime qu’une telle loi sera dissuasive et permettra de freiner les dérives des prédicateurs incitant à la violence et au sectarisme. « Un critère crucial est l’appartenance à l’institution d’Al-Azhar, connue pour sa modération », dit-il.
Or, le plus important est de déterminer avec précision à quel niveau se situent les abus et quelles sont les dérives que la future loi est censée éviter. Selon Mohamad Chaaban, deux critères principaux sont pris en considération: une sanction sera imposée si un prédicateur donne un avis contraire aux principes fondamentaux de la religion, ou si ses avis impliquent une menace contre la stabilité de la société.
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