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Le candidat idéal pour un pays en crise ?

Sabah Sabet avec agences, Lundi, 09 avril 2018

Le candidat idéal pour un pays en crise ?
Le nouveau premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, a prêté serment le 2 avril.

Agé de 42 ans, Abiy Ahmed a été choisi mardi 27 mars par le Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF), la coalition au pouvoir, pour occuper le poste de premier ministre. Il a prêté serment le 2 avril, pour diriger ainsi le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique, succédant ainsi à Hailemariam Desalegn, démissionnaire.

Né le 15 août 1976 d’un père oromo musulman et de mère amhara chrétienne orthodoxe, il est chrétien protestant. Ancien combattant de la lutte armée contre la dictature de Mengitsu Hailé Mariam, Abiy Ahmed a été formé aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Titulaire d’un doctorat de l’Université d’Ad­dis-Abeba. Vers la fin des années 1980, il s’est lancé en politique et rejoint l’Organisation démocratique des peuples oromos (OPDO), dont il devient le leader le 22 février dernier. Il intègre le gouvernement de Hailemariam Desalegn en tant que ministre des Sciences et de la Technologie en 2016. Il est aussi à l’origine de la création de l’Agence éthiopienne de sécurité des réseaux d’information (INSA), un des organes de surveillance du pays.

Avec sa nomination au poste de premier ministre, c’est la première fois que l’ethnie des Oromos (majo­ritaire dans le pays) est représentée à la tête du pou­voir. Sa confession religieuse ainsi que ses origines sont parfois perçues comme un « atout » dans le besoin de fédération du pays. Dans les rangs de l’EPRDF, Abiy Ahmed jouit d’une image de bon com­municant. Ses promesses d’ouverture politique et de réforme du système sécuritaire ont fait de lui le can­didat idéal pour apaiser les tensions dans la région de l’Oromia, en première ligne des manifestations anti­gouvernementales depuis novembre 2015. La fronde des Oromos, qui s’estiment marginalisés politique­ment et économiquement par les Tigréens (6% de la population), a fait près d’un millier de morts entre 2015 et 2016, selon les chiffres officiels.

Le mouve­ment de protestation s’était étendu en 2016 à d’autres régions, dont celle des Amharas (nord), la deuxième ethnie du pays. Ces manifestations étaient avant tout l’expression d’une frustration des Oromos et des Amharas, qui représentent 60% de la popula­tion, face à ce qu’ils perçoivent comme une surrepré­sentation de la minorité des Tigréens au sein de l’EPRDF. Un premier état d’urgence instauré entre octobre 2016 et août 2017 avait ramené, au prix de milliers d’arrestations, un calme relatif dans le pays. Mais Oromos et Amharas ont continué à montrer leur mécontentement au cours de manifestations ponctuelles. La tâche donc sera rude pour le dirigeant, qui prend la tête du pays dans un moment très cri­tique.

Les Oromos,une ethnie majoritaire mais marginalisée

Le peuple oromo, d’où vient le nouveau premier ministre, consti­tue le groupe ethnique le plus important d’Ethiopie: il repré­sente plus de 35% de la popula­tion. Les Oromos vivent au nord comme au sud, mais provien­draient à l’origine d’une seule tribu d’éleveurs qui menait initialement une vie de nomades dans la région somalienne de la Corne de l’Afrique. Contraints par la séche­resse à se déplacer, ils se seraient repliés dans les terres plus fertiles du sud éthiopien; enfin, au XVe siècle, certains groupes oromos se seraient déplacés en Abyssinie.

Les Oromos sont constitués de divers groupes, eux-mêmes composés de nombreuses tribus (Arsi, Borona, Kotu, Wergi, etc.), et chacune a adopté un mode de vie adapté au climat ambiant: dans les Hautes Terres et dans la région de Hara, ils pratiquent l’agriculture; dans les Basses Terres, ce sont des pasteurs semi-nomades.

Cependant, les Oromos se considèrent toujours comme des citoyens de seconde zone. Ils accu­sent l’élite tigréenne de continuer de dominer, en particulier l’armée et les services de sécurité, ainsi que l’immense secteur écono­mique public et parapublic, d’avoir déployé partout une hiérarchie omniprésente, occulte mais de facto décisionnelle, et, très concrè­tement, d’être derrière les expul­sions massives de terre pour faire place aux investisseurs. D’où, à partir de 2015, la plus grande vague de manifestations depuis 1991, durement réprimée: au moins un millier de morts et des dizaines de milliers d’arrestations. Dix mois d’état d’urgence n’ont pas calmé les choses.

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