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Jihad Azour : A moyen terme, la hausse des cours du pétrole n’aura pas d’influence sur le programme de réforme 

Névine Kamel, Mardi, 06 février 2018

Jihad Azour, directeur du Fonds Monétaire International (FMI) pour le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord et l’Asie centrale, revient sur les défis du programme de réforme égyptien au cours de la prochaine période.

Jihad Azour : A moyen terme, la hausse des cours du pétrole n’aura pas d’influence sur le programme
Jihad Azour

Al-Ahram Hebdo : Les cours du pétrole ont enregistré une hausse au cours de la dernière période, pour atteindre 70 dollars le baril. Le gouvernement a établi son bud­get à 55 dollars le baril. Cette hausse aura-t-elle un impact sur les objectifs de la réforme ?

Jihad Azour: La hausse des cours du pétrole ne nous inquiète pas, et nous ne voyons pas qu’elle repré­sente une charge pour le budget de l’Egypte. Sur le moyen terme, il est trop tôt pour juger son impact. Pour le Fonds Monétaire International (FMI), trouver des politiques fiscales correctes garantira les fonds néces­saires pour compenser la hausse des cours du pétrole et aussi augmenter les dépenses sur la santé et l’ensei­gnement. Il faut parallèlement lutter contre la corruption et réaliser la transparence.

Selon nos chiffres, les pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord dépensent seulement 11% de leur PIB sur l’enseignement, la santé et les réseaux de garantie sociale, en comparaison avec 19% en Europe et 14% en Amérique latine. Et les Etats de la région dépensent 73 mil­liards de dollars pour subventionner l’énergie, dont 7% seulement sont destinés aux 20% les plus pauvres de la population, tandis que les 20 % les plus riches profitent de 43% des subventions.

De plus, les revenus des impôts ont représenté 9% du PIB en 2016 dans la région du Moyen-Orient, contre 18 % dans les Etats en développe­ment et 11% dans les Etats aux revenus faibles. Le FMI estime que la baisse des subventions à l’énergie permet de hausser le PIB et de créer des emplois, permettant aux Etats d’augmenter le financement consa­cré à la protection sociale. Imposer des impôts aux riches et sur les pro­priétés est également une nécessité.

— Le monde arabe, en particu­lier l’Egypte, souffre de taux éle­vés de chômage et d’absence de justice sociale. Du point de vue du FMI, comment est-il possible de remédier à cette situation ?

— Le chômage constitue le défi essentiel dans la région arabe, car la croissance actuelle n’a pas atteint le niveau requis pour renforcer la stabi­lité et créer des emplois. Selon nos chiffres, durant les 5 prochaines années, 27 millions de personnes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord atteindront l’âge de travail, 60% des habitants seront âgés de moins de 30 ans et le taux de chômage dans la région atteindra 10,6%, ce qui constitue un taux très élevé en com­paraison avec les pays en développe­ment, où ce taux est de 9,8%, et les pays développés où ce taux est de 7,2 %. Et le taux de recrutement par rapport au nombre d’habitants est de 48,5 % de la population au Proche-Orient et en Afrique du Nord, contre 55,8 % dans les pays en développe­ment. Le taux de chômage parmi les jeunes est de 24,6% contre 22,3% dans les pays en développement et 16,2 % dans les pays développés. De plus, un grand nombre de travailleurs appartiennent au secteur informel. 22% de ces travailleurs ont un salaire de moins de 10 dollars par jour contre 11% dans les pays en développement et 2% dans les pays développés.

Par conséquent, les pays de la région ont besoin d’augmenter leurs taux de croissance pour créer des emplois. Le FMI estime que les pays les plus ouverts sur le commerce réa­liseront 1% de hausse dans la crois­sance du PNB entre 2018 et 2022. L’amélioration de l’indice de compé­titivité d’un seul point permet une hausse de 1,4% de la production.

Tout cela nécessite une amélioration du climat des affaires. Il faut aussi améliorer la qualité de l’enseigne­ment. Et ce, afin de former des cadres capables de travailler et d’attirer le secteur privé étranger et l’encourager à investir.

En Tunisie, la population s’est révoltée contre la politique d’austé­rité. A votre avis, comment réaliser un équilibre entre les réformes éco­nomiques et la protection sociale ?

— Le programme de réforme éco­nomique en Egypte a réalisé des résul­tats importants pendant sa première année, il faut donc au cours de la seconde année que les programmes sociaux soient renforcés pour que le citoyen ressente l’effet de la crois­sance. Il faut aussi se concentrer sur le développement, ouvrir la voie au sec­teur privé et créer un cadre juridique pour les petites et moyennes entre­prises.

En Tunisie, l’endettement était très élevé, ce qui s’est répercuté sur les dépenses et le budget de l’Etat n’a pas permis de mettre en place des pro­grammes sociaux. Mais en Egypte, le programme a réalisé des progrès notables et le taux de croissance avoi­sine les 5%.

— L’image du FMI dans la région arabe, et plus particulièrement en Egypte, est plutôt négative. Comment cela affecte-t-il votre tra­vail ?

— Le rôle du FMI est de contribuer à formuler des politiques écono­miques, afin d’améliorer les indices économiques. Mais en même temps, le FMI doit également se concentrer sur un autre rôle, à savoir détecter les défis qui existent dans la région, et ce, en collaboration avec la société civile et le secteur privé, pour recommander des politiques susceptibles d’amélio­rer la vie des citoyens et leur per­mettre de ressentir les effets de la croissance.

L’élection présidentielle en Egypte approche. Est-ce que le processus électoral joue un rôle dans le renforcement du pro­gramme de réforme économique ?

— La stabilité politique aidera l’Egypte à retrouver sa place dans la région arabe et dans le monde entier.

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