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Non à la judaïsation de Jérusalem

May Al-Maghrabi, Mercredi, 24 janvier 2018

A l'appel d'Al-Azhar, des représentants de 86 pays ont pris part, les 17 et 18 janvier au Caire, à une conférence mondiale sur Jérusalem. Objectif : Défendre l'identité arabe de la ville sainte face à la judaïsation.

Non à la judaïsation de Jérusalem
La conférence intervient dans un contexte de tension régionale après la récente décision du président américain. (Photo : Al-Ahram)

Déclarer 2018 année de jérusalem, rejeter la décision américaine de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël, intégrer aux cursus scolaires et universitaires d’Al-Azhar une matière sur l’identité arabe de Jérusalem, et inciter les organisations internationales à prendre des mesures concrètes pour conserver le statut historique et juridique de la ville sainte. Telles sont en résumé les recommandations de la Conférence internationale d’Al-Azhar en soutien à Jérusalem, tenue les 17 et 18 janvier au Caire. L’objectif: Ramener la question de Jérusalem au centre de l’attention régionale et internationale, et souligner l’identité palestinienne et arabe de la ville. Des responsables et des dignitaires religieux musulmans, coptes, mais aussi juifs de 86 pays ont participé à cette conférence arabo-islamo-chrétienne, présidée par le grand imam d’Al-Azhar et président du Conseil des sages musulmans, le cheikh Ahmad Al-Tayeb. La conférence, organisée sous les auspices du président Abdel-Fattah Al-Sissi, a été suivie, sur Twitter, par environ un demi-milliard de personnes à travers le monde.

Des éminentes personnalités mondiales ont répondu à l’appel : le président palestinien, Mahmoud Abbas, le pape Tawadros II, pape d’Alexandrie et chef de l’Eglise copte orthodoxe, le secrétaire général de l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI), Youssef Al-Othaimeen, le secrétaire général du Conseil OEcuménique des Eglises (COE), Olav Fykse Tveit, le secrétaire général de la Ligue islamique mondiale, Mohamad Al-Issa, le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmad Aboul-Gheit, ainsi que le président du parlement arabe, Mechaal Al-Salmi. Le rabbin Moshe Hirsch, leader du mouvement juif antisioniste, Neturei Karta, était également présent à la tête d’une délégation juive.

La conférence intervient dans un contexte de tension régionale après la récente décision du président américain, Donald Trump, de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël. Une décision qui a soulevé une vague de colère et de mécontentement dans le monde arabo-musulman.

Tour à tour, responsables et dignitaires religieux ont pris la parole pour dénoncer une décision jugée « inacceptable ». « Jérusalem sera la clé de la paix si elle est notre capitale. Sinon elle sera la clé de la guerre, et Trump devra choisir », a martelé le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, appelant les Arabes et la communauté internationale à défendre la ville sainte. Selon Abbas, les Palestiniens ne céderont jamais « même un millimètre de Jérusalem ». Il a indiqué que, depuis la décision de Trump sur Jérusalem, 30 Palestiniens ont été tués, 7000 ont été blessés et 1 000 ont été arrêtés. Le président palestinien a appelé les Arabes à se rendre à Jérusalem. « Il ne faut pas laisser les Palestiniens seuls avec l’occupation. Se rendre à Jérusalem n’est ni une normalisation ni une reconnaissance de l’occupation », a estimé Abbas, qui a loué le rôle d’Al-Azhar dans le soutien de la cause palestinienne.

2018, année Jérusalem

Depuis 1948, Al-Azhar a organisé 11 conférences sur la cause palestinienne, auxquelles ont participé des oulémas d’Afrique, d’Asie et d’Europe. « Mais cette conférence est différente des autres. Nous voulons tirer la sonnette d’alarme et contrer les agissements outrageux d’Israël quant à la question de Jérusalem. Et ceci via une approche nouvelle et sérieuse, centrée sur le caractère arabe de la ville et le caractère sacré des lieux saints islamiques et chrétiens », a déclaré le grand imam. Il a appelé à multiplier les efforts pour soutenir le peuple palestinien et sensibiliser les populations à l’identité historique arabe de Jérusalem. « Alors que nous ne sensibilisons plus nos enfants à la cause palestinienne, l’occupation sioniste consacre l’hostilité envers les Palestiniens dans les programmes scolaires », a noté le cheikh Al-Tayeb, qui a déclaré 2018 « année de Jérusalem ». Celle-ci sera marquée par une série d’initiatives et d’activités visant à souligner le caractère arabe de la ville.

Outre le cheikh d’Al-Azhar, le pape Tawadros II a lui aussi mis en garde contre les répercussions de la décision de Trump qui ouvre la voie à « la judaïsation de Jérusalem et à l’effacement du caractère pluraliste de la ville sainte ». Le pasteur Olav Fykse Tveit, secrétaire général du COE a estimé, lui, que l’avenir de Jérusalem « ne saurait être qu’un avenir commun ». « Cette ville ne peut appartenir ni à une seule foi au détriment des autres, ni à un seul peuple. Jérusalem est, et doit rester, la ville de trois religions et de deux peuples », a insisté Tveit. Le pape François, pape du Vatican, s’est adressé à la conférence à travers un message lu par son secrétaire personnel et dans lequel il a réaffirmé que tout règlement sur Jérusalem doit être « dans le plein respect de la nature particulière de Jérusalem ».

Importance symbolique

Samir Ghattas, président du Forum du Moyen-Orient pour les études stratégiques, souligne l’importance de cette conférence dont la portée reste symbolique. Selon lui, cette conférence « confirme le rôle et l’engagement de l’Egypte en faveur de la cause palestinienne ». « La force douce, qu’est Al-Azhar, a une forte influence sur l’opinion publique internationale. Il ne faut pas s’attendre à ce que cette conférence apporte du nouveau à la dimension politique de la cause palestinienne. Mais il faut manifester devant le monde la position arabe, musulmane et chrétienne sur l’identité arabe de Jérusalem », indique Ghattas. Et d’ajouter: « C’est dans ce contexte que la conférence d’Al-Azhar s’est focalisée sur la défense de l’identité arabe de Jérusalem via des arguments incontestables et des positions rejetant les tentatives de judaïsation de Jérusalem ». Ghattas salue la décision d’Al-Azhar, prise lors de la conférence, d’enseigner l’histoire de Jérusalem dans les écoles et les universités. « Ce projet permettra de sensibiliser les nouvelles générations arabes aux véritables faits historiques et politiques relatifs à la cause palestinienne, et que l’occupation israélienne cherche à falsifier. C’est un combat non moins important que le combat politique et même militaire », conclut-il.

Prétentions israéliennes

Le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a répété à maintes reprises que Jérusalem est la capitale du peuple hébreu depuis 3000 ans et que l’Etat hébreu « n’a pas d’autre capitale ». Des prétentions infondées selon le politologue Moustapha Kamel Al-Sayed. Pour lui, les arguments de Netanyahu sont démentis par l’histoire de la ville sainte comme par le droit international. Il rappelle que la judaïsation de Jérusalem est un ancien rêve israélien, qui date des premiers jours de l’occupation de la Cisjordanie en juin 1967. « En tant que force d’occupation, Israël ne doit ni changer le statut légal de la vieille ville de Jérusalem et ses lieux saints, ni affecter leur caractère démographique, culturel et physique », insiste Al-Sayed, notant que la résolution 181 de l’Assemblée générale de l’Onu donne un statut spécial à la ville, en dehors des deux Etats hébreu et arabe.

Du point de vue historique, il affirme que l’histoire juive de la ville ne porte que sur une centaine d’années, puisque pendant presque 3000 ans, la ville a été le centre d’une vie animée par d’autres peuples. « La ville faisait partie des empires romain, byzantin, arabe, croisé, ottoman et britannique, avant l’établissement de l’Etat d’Israël. Par conséquent, il serait ridicule de prétendre que la ville soit depuis 3000 ans la capitale d’un Etat fictif s’appelant Israël et d’ignorer complètement les droits du peuple qui a toujours vécu sur ce territoire », affirme Al-Sayed. Selon lui, l’argument le plus ridicule est de dire que Jérusalem a toujours été la capitale du peuple juif. « Adhérer à une religion ne donne pas un statut de citoyen. Les juifs, comme les chrétiens et les musulmans, ne sont pas un peuple, mais des adhérents à une religion. Cette appartenance à une religion ne leur donne pas une autorité sur une ville qu’ils revendiqueraient comme capitale. Suivant la même logique, les chrétiens pourraient réclamer Rome, et les musulmans pourraient réclamer La Mecque ou Médine en tant que capitale », rétorque Al-Sayed. Les Israéliens pensent aussi que le Temple de Salomon, qu’ils surnomment le « saint des saints », est enseveli sous la mosquée d’Al-Aqsa. Or, Al-Sayed indique que les fouilles effectuées par les Israéliens depuis une dizaine d’années sous la mosquée Al-Aqsa n’ont jamais prouvé, comme le prétendent les Israéliens, que le Dôme du Rocher était bâti sur ce temple l

May Al-Maghrabiet Nada Al-Hagrassy

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