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Trump légitimise l’occupation israélienne

Mercredi, 13 décembre 2017

Il y a 100 ans, la France et la Grande-Bretagne se sont mises d’accord à diviser le monde en vertu de l’accord connu sous le nom de Sykes-Picot. Ce dernier a eu pour résultat l’imposition du mandat de la Grande-Bretagne à la Palestine. Juste un an après, le ministre britannique des Affaires étrangères a mis en public la Déclaration Balfour en vertu de laquelle la terre de la Palestine sera accordée aux juifs pour qu’ils y créent leur Etat national cristal­lisé par l’idéologie sioniste et les écrits de Herzl. Cette déclaration a permis à une partie d’accorder un droit qu’elle ne détenait pas à la base. 100 ans après, le même scé­nario se reproduit, mais avec un changement de nom.

Le président américain Trump a accordé Jérusalem à l’Etat coloni­sateur d’Israël. Il a mis toutes les résolutions, pour ainsi dire, au pied du mur. Selon lesquelles Jérusalem est une cité occupée et dont le sort devrait être l’enjeu des négociations entre Palestiniens et Israéliens. Un constat que le monde entier affirme d’ailleurs. Trump a reconnu Jérusalem comme capitale de l’Etat d’Israël, se référant au fait qu’elle était le siège du gouvernement israélien et de la Knesset. Il a réitéré d’ailleurs que cette décision était au profit des Etats-Unis et qu’il exécutait une décision prise par le Congrès en 1995. Ainsi, Trump a décidé du sort d’une cause extrê­mement délicate en s’appuyant sur des considérations propres aux Etats-Unis seule­ment.

Trump n’a pas pris en compte une réalité : Jérusalem est divisée en deux parties. Jérusalem-Est, annexée par Israël en 1967 et qui réunit les endroits sacrés musul­mans et chrétiens, et dans laquelle vivent plus de 350000 Palestiniens, musul­mans et chrétiens, qui continuent de rêver de libérer la Ville sainte de l’occupation et d’en faire la capitale d’un Etat palestinien indé­pendant et libre. Un rêve qui hante, en effet, les esprits de 1,4 milliard d’Arabes et de musulmans ainsi que tous les chrétiens de l’Orient et de l’Occident, qui n’ont pas été encore souillés par les idées sio­nistes comme il est arrivé à Trump. La deuxième partie est appelée Jérusalem-Ouest, où les Israéliens ont bâti des colonies après leur occupation de la Cisjordanie. C’est précisément dans cette partie qu’on retrouve les institutions israéliennes qui sont situées dans les frontières d’avant-juin 1967.

Le président Trump a commis une erreur flagrante et est tombé dans plusieurs contradictions. Même chose pour Nikki Haley, l’ambassadrice améri­caine auprès de l’Onu, lorsqu’elle a déclaré devant la session à huis clos du Conseil de sécurité que le prési­dent américain n’a fait que reconnaître un statu quo, tant que les sièges du gouvernement et du parlement se trouvent dans la vieille ville occupée. Il est vrai qu’elle a admis que son pays continuerait à par­rainer le processus de paix au Moyen-Orient et qu’il persisterait jusqu’à ce qu’un accord soit conclu à travers le mécanisme de négociation. Les mêmes propos ont été répétés par le secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson, mais les paroles sont une chose et les actes qui sont destinés à chan­ger le statut légal de la Ville sainte en sont une autre, loin de tout consensus entre les négociateurs palestiniens et israé­liens. Ce qui est contra­dictoire est que lorsque le président Trump a émis sa décision caduque, il a déclaré qu’il répondait à un engagement qu’il avait fait pendant sa cam­pagne électorale. Mais en même temps, il a agi à l’encontre de sa pro­messe de trouver une issue au conflit du siècle.

La décision de recon­naître Jérusalem comme une capi­tale d’Israël avant que les parties concernées ne se réunissent et ne décident de son sort sur une table de négociations représente une évolution d’une extrême impor­tance non moins dangereuse que la Déclaration Balfour de 1917. Loin des rumeurs qui nous parviennent des couloirs de l’administration de Trump, il semble que celle-ci étu­die des alternatives qui sont totale­ment éloignées de la vision pales­tinienne et arabe. Ces alternatives n’impliquent nécessairement pas l’établissement d’un Etat palesti­nien conformément aux lignes de 1967. Il est certain qu’aucun lea­der palestinien ne pourrait accep­ter l’établissement d’un Etat ne jouissant que d’une souveraineté incomplète, discontinue, remplie de colonies juives, et ne compre­nant pas Jérusalem-Est et des lieux sacrés musulmans et chrétiens. Quant au reste des droits palestiniens, comme le droit au retour, à l’in­demnisation, ils tom­bent dans l’oubli.

Selon toute vraisem­blance, Trump s’ima­gine qu’il peut convaincre les Palestiniens d’accepter ce marché humiliant, qui serait pour les Israéliens le « marché du siècle ». Face à cela, les Palestiniens ont du chemin à faire, ils doivent redynamiser les institu­tions palestiniennes, notamment l’Organisation de la Libération de la Palestine (OLP) pour qu’elle soit une ombrelle réunissant tout le peuple palestinien, toutes ten­dances et toutes composantes confondues. Il faut à tout prix édi­fier une union nationale palesti­nienne solide soutenue fortement par les Arabes musulmans et chré­tiens. Dans cette lutte, le peuple palestinien est appelé à s’attacher à ses droits et à ne pas y renoncer, et surtout il doit croire en sa capa­cité de surmonter les défis.

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