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Vers un nouveau conflit au Moyen-Orient

Mercredi, 22 novembre 2017

De jour en jour se révèlent les aspects d’un nouveau conflit au Moyen-Orient. Un conflit où l’on tourne la page, du moins provisoirement, au conflit israélo-arabe. La cause palestinienne étant reléguée au second plan pour la plupart, sinon pour tous les pays arabes. Un autre conflit, à savoir la guerre antiterroriste, s’éloigne à son tour à l’horizon: c’est le cas en Iraq et en Syrie, et peut-être bientôt en Libye et en Egypte. Les attentats qui ensanglantent l’Egypte, et d’autres pays de la région et d’Europe, ne sont que le voltigement d’un oiseau blessé qui ne tardera pas à mourir.

Or, un nouveau conflit opposant Israël et les Etats-Unis à l’Iran ne manquera pas de s’imposer avec force. Ce conflit est en train de se cristalliser à travers les positions que prendront à son égard les pays arabes. Il pourrait prendre la forme d’une polarisation sunnite-chiite, comme le souhaite Tel-Aviv, si les pays arabes choisissent de se ranger contre l’Iran sur les bases d’un conflit confessionnel. Mais ce schéma n’est pas obligatoire, surtout si la Turquie choisit le camp iranien, pour de multiples raisons dont notamment la crainte de la menace kurde, commune aux Iraniens et aux Turcs. En tout cas, l’axe israélo-américain sera le plus évident dans cette guerre contre l’Iran, qui sera planifiée sur les bases des arrangements en Syrie.

Le prétexte de ce nouveau conflit régional sera sans doute les capacités nucléaires iraniennes, compte tenu du rejet par Tel-Aviv et Washington de l’accord sur le nucléaire signé en 2015 par l’Iran et les grandes puissances du groupe des « 5+1 ». Les capacités balistiques de l’Iran ainsi que sa politique régionale seront également mises sur le tapis. Cela dit, la cible primordiale restera le régime iranien lui-même que beaucoup de politiciens et théoriciens américains, tout comme les dirigeants israéliens, y voient une menace existentielle pour Israël. En fait, l’Iran a toujours refusé de reconnaître Israël et menace ouvertement l’existence de cet Etat. L’Iran était donc visé pour cette position de principe, ainsi que pour son rôle dans le soutien des factions de la résistance contre Israël, celles que Washington et Tel-Aviv appellent des « groupes terroristes ». Aujourd’hui, c’est l’Iran qui se trouve au coeur du conflit: son Etat, son régime, ses capacités et ses politiques sont ciblés. Face à cette nouvelle menace, Téhéran sera obligé de se désintéresser des autres problèmes, notamment la cause palestinienne, et de rentrer dans sa coquille pour défendre sa propre existence.

La politique des Etats-Unis vis-à-vis de l’Iran sera un simple écho des positions israéliennes. Les positions des deux pays relativement au dossier du nucléaire iranien sont devenues quasi identiques, surtout après la volte-face du président Donald Trump, qui a critiqué l’accord conclu par son prédécesseur. En juillet dernier, le président Trump a déclaré que cet accord n’était pas dans l’intérêt national des Etats-Unis, il a refusé d’endosser son application et a demandé au Congrès de travailler pour en combler les « lacunes », faute de quoi il a menacé que l’accord prendrait fin. Aussi Trump a-t-il exposé une stratégie globale pour endiguer l’Iran. Le conflit contre l’Iran ne se limitera donc pas au dossier nucléaire, mais sera un conflit global, bien planifié et en harmonie avec les desseins israélo-américains. Il s’agira d’abord de travailler avec l’Europe et les pays alliés du Moyen-Orient pour contrer les activités déstabilisatrices de l’Iran et son soutien au terrorisme. Viendra ensuite l’arme des sanctions économiques pour limiter ses capacités à financer le terrorisme et à réaliser des essais de tirs de missiles balistiques et d’autres armes susceptibles de mettre en danger ses voisins et de menacer le commerce maritime. Mais il faudra surtout empêcher l’Iran de disposer de l’arme nucléaire.

Selon Donald Trump, tarder dans le traitement de ces menaces fera de l’Iran une nouvelle Corée du Nord. Cette stratégie américaine d’affrontement global est identique à la vision d’Israël qui a toujours fait le lien entre les projets nucléaires nord-coréen et iranien. Selon Israël, les atermoiements risquent d’imposer l’Iran comme un pays potentiellement nucléaire. Suivant cette stratégie à court et moyen terme, la priorité n’est pas l’annulation immédiate de l’accord sur le nucléaire, mais plutôt la préparation des conditions convenables à son annulation dans l’avenir. Ce qui nécessite la mise en place d’une coalition internationale élargie regroupant l’Union européenne et des pays asiatiques comme l’Inde, la Corée du Sud et la Turquie. Parallèlement, les Etats-Unis et Israël se chargeront de définir leurs lignes rouges vis-à-vis de l’Iran tout en se préparant pour un affrontement. Ces grandes lignes du nouveau conflit au Moyen-Orient vont à l’encontre des intérêts de la Russie, de la Chine et de l’Union européenne. Mais ce sont surtout les positions des pays arabes qui décideront du cours que prendra ce conflit. Et c’est là le nouveau défi qui se pose au monde arabe.

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