Pour comprendre la position particulièrement ferme des salafistes face aux chiites, il faut la replacer dans un contexte plus large que le simple contexte religieux. Dans sa volonté d’expansion régionale, l’Iran utilise en effet la religion comme un outil, voire comme une arme.
On ne peut nier que l’Iran cherche à élargir son influence dans la région, ce qui constitue par ailleurs une menace pour le rôle de l’Egypte au Moyen-Orient, qui, elle, est tenue par son orientation pro-américaine et donc pro-israélienne.
Mais il serait allé trop loin de comparer le danger du projet iranien avec la menace israélienne. Il ne faut pas non plus en minimiser la portée et ignorer les dangers potentiels qu’il représente.
Bien que le projet iranien soit essentiellement persan — c’est-à-dire non centré sur une doctrine religieuse — il considère le chiisme comme un moyen de contribuer à l’édification de ce projet. Ces accents religieux sont apparus au lendemain de la révolution de 1979, lors de la prise du pouvoir par l’ayatollah Khomeiny.
Après avoir trahi ses alliés, dont certains avaient pourtant joué un rôle majeur dans la révolution, Khomeiny et ses hommes ont pris le contrôle de l’Etat et l’ont entièrement réorganisé et réorienté. Officiellement, cet Etat est chiite car le pouvoir repose sur l’autorité d’Al-Fakih. Mais il n’en demeure pas moins que l’esprit et les objectifs diplomatiques de l’Iran restent avant tout détachés de la doctrine religieuse du chiisme.
Les appels répétés au chiisme ne sont, dans le fond, qu’un moyen pour l’Iran d’atteindre ses objectifs régionaux même si cela doit se faire à partir de la divergence historique entre les sunnites et les chiites. Cette divergence refait aujourd’hui surface avec force, notamment à travers les milieux salafistes égyptiens qui refusent de voir des touristes iraniens en Egypte, sorte de réponse à leur refus de la politique iranienne.
Les objectifs de cette politique d’expansion iranienne n’ont pas changé si on les compare à ceux qui prévalaient à l’époque du chah. Le changement ne s’est fait qu’au niveau des outils utilisés. Le projet iranien a de tout temps été une menace à l’influence de l’Egypte dans la région. La révolution iranienne n’a rien changé à cela.
Raison pour laquelle nous ne devons pas blâmer les salafistes pour leur effroi vis-à-vis du projet iranien. L’objectif n’est en effet pas indissociable de l’outil. Ceux qui font peu de cas des objectifs de l’Iran doivent comprendre que le chiisme, même s’il n’est pas l’objectif en soi de l’Iran, reste l’outil principal de la République islamique, un outil qu’il faut donc contrer si l’on veut contrer les volontés expansionnistes de l’Iran.
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