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Medhat Choucha : La rénovation du réseau ferroviaire est indispensable

May Atta, Mercredi, 02 août 2017

Medhat Choucha, président de l'Organisme national des chemins de fer, revient sur le plan de réforme et de modernisation du réseau ferroviaire.

Medhat Choucha

Al-ahram hebdo : Le ministère du Transport vient de dévoiler un plan de modernisation des chemins de fer. En quoi consiste ce plan ?

Medhat Choucha : Le ministère du Transport a décidé de mettre en place une série de projets pour entretenir et rénover les infrastructures ferroviaires, en collaboration avec l’Organisme national des chemins de fer. Au cours de la première phase de ce projet, nous envisageons la rénovation de 1 200 km de voies ferrées avec un coût estimé à 5 milliards de L.E. Les travaux devront être achevés dans un délai de 30 mois. Cette rénovation est indispensable pour assurer la sécurité du transport ferroviaire et améliorer la qualité du service. On va commencer par le remplacement des anciens rails par d’autres plus sécurisés et difficiles à démanteler. Ce remplacement vise à éviter le vol des rails. Un fait qui a causé des accidents au cours de la récente période. D’autant plus que les rails en place sont devenus très usés.

— Est-ce que la rénovation de l’infrastructure ferroviaire s’étendra aussi aux locomotives ?

Medhat Choucha
Medhat Choucha

— Oui. Le ministère du Transport et l’Organisme national des chemins de fer ont conclu un contrat avec la compagnie américaine General Electric (GE), d’une valeur de 575 millions de dollars. Elle va nous fournir 100 locomotives GE ES30ACi de la série Light Evolution qui serviront pour le transfert des passagers et des marchandises. D’après ce contrat, l’organisme remboursera le prix des nouvelles locomotives cinq ans après leur livraison, et la somme sera échelonnée sur 15 ans. Un autre accord a été aussi conclu avec la GE pour fournir à l’Organisme des pièces de rechange et le support technique nécessaire aux locomotives au cours des 15 prochaines années. Plus important, on est parvenu à un accord portant sur la formation technique de quelque 275 ingénieurs et employés de l’Organisme national des chemins de fer. Le facteur humain n’est pas moins important que le matériel. Par ailleurs, la Banque européenne nous accordera un crédit de 290 millions de dollars pour acheter 100 autres locomotives. Ce prêt est également remboursable sur 15 ans.

— Et pour les wagons ?

— Le gouvernement négocie actuellement avec plusieurs grandes compagnies internationales l’achat de 6 trains diesel dont le prix est estimé à 137,5 millions de dollars. L’organisme étudie aussi l’achat de 700 wagons dont 50 % dont les composants sont fabriqués à 50 % localement.

— Mais en 2009, General Electric n’avait-elle pas livré à l’Organisme 81 locomotives non conformes aux normes ?

— Oui, c’est vrai. Or, il s’agissait alors d’un don et non pas d’un crédit comme c’est le cas des contrats récemment conclus. Ce contrat entre la GE et le ministère du Transport comprenait des failles. A titre d’exemple, il n’a pas inclus de clauses sur la maintenance des locomotives et les pièces de rechange. 25 de ces locomotives sont entrées en service et les autres seront réparées prochainement.

— Quelle est la portée de la réforme en cours du réseau ferroviaire ?

— Elle permettra d’améliorer le service ferroviaire pour qu’il soit de qualité. Mais plus important, elle permettra de diminuer les accidents ferroviaires.

— Disposez-vous de statistiques sur les accidents ferroviaires au cours de ces dernières années ?

— En 2009, il y a eu 16 accidents, 25 en 2010 et 15 en 2011. En 2012, 2013 et 2014, le nombre d’accidents a augmenté avec respectivement 38, 28 et 31 accidents. Les années 2015 et 2016 ont témoigné chacune de 37 accidents.

— Estimez-vous que l’ensemble du réseau ferroviaire, qui s’étend sur une longueur de 9 570 km, nécessite aussi une rénovation ?

— Certes. On commence aujourd’hui par les 1 200 km, et le reste viendra par la suite et sera échelonné en fonction du budget disponible et des priorités. L’Organisme souffre d’un déficit budgétaire et ne peut pas, pour le moment, rénover l’ensemble du réseau ferroviaire. Au cours de la première phase, nous allons remplacer le système de signalisation manuel par un système automatique sur les 1 200 km. Nous allons aussi automatiser le système de changement de direction des trains. La défaillance du système manuel d’orientation des trains, actuellement en place, a été la cause de plusieurs accidents ferroviaires. Ainsi, avec le nouveau système, un train ne peut, normalement, pénétrer dans un canton que si celui-ci est libre. Le système des cantons donne un espacement entre deux trains pour passer sans accident. Ce ne seront plus les employés qui actionneront ce système, mais celui-ci sera automatique. Si l’employé essaie de diriger le système d’une façon incorrecte, le système ne l’autorisera pas. En outre, pour réduire les risques de collision, on a automatisé 37 % des 1 332 passages à niveau de la voie ferroviaire.

— La réforme du réseau ferroviaire n’a-t-elle pas beaucoup tardé ?

— C’est vrai. C’est parce que le gouvernement donnait la priorité à la réforme des réseaux routiers. Il a fallu attendre, car l’Organisme ne pouvait pas financer les frais de renouvellement du réseau ferroviaire. On avait besoin de coopérer avec le gouvernement pour avoir les crédits qu’offrent des entreprises et les banques internationales.

— Quel est le budget de l’Organisme national des chemins de fer ? Et pourquoi vous le jugez insuffisant ?

— Le budget consacré à l’Organisme pour l’année 2016/2017 est de 3 milliards de L.E., et ce, alors qu’il doit être au moins de 10 milliards de L.E. C’est le minimum dont nous avons besoin pour pouvoir couvrir les frais de fonctionnement du réseau ferroviaire (travaux de maintenance, achat des pièces de rechange et du carburant, et paiement des salaires). Et là, il suffit de mentionner que le budget des salaires est à lui seul de 2,7 milliards de L.E. Rappelons que le réseau ferroviaire couvre 23 gouvernorats, et il est habituellement utilisé par les classes pauvres et moyennes. C’est pourquoi qu’en dépit des augmentations successives du prix du carburant, l’Organisme n’a pas augmenté les prix des billets qui varient jusqu’à présent entre 1 et 100 L.E. On tient à ne pas accabler le simple citoyen.

— Comment l’Organisme des chemins de fer entend-il augmenter ses revenus ?

— Il n’est pas question pour le moment d’augmenter les prix des tickets des trains ordinaires. On va plutôt hausser les prix des nouveaux trains luxueux qu’on envisage de mettre prochainement en service. Les revenus de ces trains vont couvrir une partie des pertes réalisées par les anciens trains utilisés par les pauvres. C’est ainsi qu’on peut faire l’équilibre entre le droit de l’organisme de valoriser ses revenus et de fournir au simple citoyen un transport ferroviaire à prix convenable. Depuis ma nomination en mars 2016 comme président de l’Organisme, j’adopte une politique d’austérité rendue nécessaire par les circonstances. Ce qui a réussi à faire passer les revenus mensuels de l’Organisme de 90 millions de L.E. en 2016 à 160 millions de L.E. en 2017. De même, j’ai changé le système de vente de la ferraille qui, autrefois, était vendue par ordre direct à 3 ou 4 commerçants qui imposaient leurs conditions. Aujourd’hui, la vente de la ferraille se fait à travers des enchères publiques. Sa vente a rapporté 120 millions de L.E. en 2016 contre 15 millions de L.E. en 2015, lorsque l’ancien système était appliqué. Les revenus des publicités affichées dans les gares et sur les terrains appartenant aux chemins de fer ne sont pas très élevés. Pour les valoriser, on s’est mis d’accord avec une agence publicitaire pour augmenter le nombre de publicités qui seront aussi faites sur les façades des trains. Ce qu’il faut conclure c’est que la bonne gestion et la rationalisation des dépenses sont des éléments-clés pour valoriser les revenus de l’Organisme, afin qu’il soit en mesure d’achever le plan de modernisation du réseau ferroviaire.

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