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Quand Pyongyang joue avec le feu

Maha Al-Cherbini avec agences, Lundi, 31 juillet 2017

En procédant à un nouveau tir de missile balistique intercontinental, Pyongyang entend faire pression sur la communauté internationale. Mais la Corée du Nord prend aussi le risque de subir une riposte militaire.

La corée du Nord poursuit sans relâche sa politique de provocation, poussant un peu les Américains à réfléchir sérieusement à une riposte. Dernier défi en date, Pyongyang a procédé, vendredi dernier, à un nouveau tir de missile balistique intercontinental (ICBM) susceptible d’atteindre le nord-ouest des Etats-Unis, un test qui intervient après un premier test réussi le 4 juillet, jour de la Fête d’indépendance des Etats-Unis.

Selon les experts, ce récent tir constitue « un succès », car le missile est beaucoup plus puissant et susceptible d’atteindre non seulement des villes de l’ouest des Etats-Unis, mais également New York et Washington. Fier de ce succès, le leader nord-coréen, Kim Jong-Un, a déclaré dimanche que son dernier test de missile était un « sévère avertissement » lancé aux Etats-Unis et leur volonté de frapper Pyongyang de nouvelles sanctions, et a affirmé qu’elle riposterait en cas de provocations militaires de Washington. « Désormais, tout le territoire américain est à la portée de l’arsenal du régime stalinien n’importe où et n’importe quand », a-t-il lancé.

Selon Dr Norhane Al-Cheikh, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire, Pyongyang accentue la pression sur Washington car il aspire à suivre l’exemple de l’Iran. « N’oublions pas que le régime nord-coréen est un régime démuni qui n’arrive pas à nourrir son peuple. Pour lui, le nucléaire n’est qu’une carte de pression pour collecter des gains économiques ou se défendre contre une possible attaque américaine. Kim Jong-Un veut faire le maximum de pressions sur la communauté internationale, surtout sur les Etats-Unis, pour collecter le plus de gains possible, en s’appuyant sur le soutien de son voisin chinois. Or, cette tactique pourrait avoir un effet inverse, car Washington pourrait au contraire recourir à une frappe militaire contre Pyongyang », affirme l’experte.

En effet, Washington a envisagé cette semaine des « options de réaction militaire » au régime stalinien. Furieux, le président américain, Donald Trump, a affirmé que les Etats-Unis prendront les mesures nécessaires pour assurer la sécurité du territoire national américain, prévenant que les essais nord-coréens constituent une action « imprudente et dangereuse » qui allait « isoler davantage » la Corée du Nord. « En menaçant le monde, ces armes et ces essais isolent davantage la Corée du Nord, affaiblissent son économie et appauvrissent sa population », a poursuivi M. Trump. Jusqu’ici, la stratégie américaine — qu’il s’agisse de l’Administration de Donald Trump ou de Barack Obama — n’a pas porté ses fruits : malgré un renforcement des sanctions internationales à l’Onu, Pyongyang a poursuivi ses programmes militaires balistique et nucléaire. Depuis longtemps, le Pentagone prépare l’éventualité d’un conflit avec Pyongyang, mais le langage tranchant utilisé marque une évolution. Auparavant, il s’agissait de critiquer les tirs, mais sans mentionner d’options militaires de représailles.

Séoul et Washington sur leur garde
Passant à l’acte, les Etats-Unis et la Corée du Sud ont mené samedi un exercice militaire en utilisant des missiles sol-sol quelques heures après le tir nord-coréen. La Corée du Sud a en outre annoncé qu’elle allait accélérer le déploiement du bouclier antimissile américain Terminal High Altitude Area Defense (THAAD). « L’armée américaine déploiera également dans la péninsule coréenne et ses alentours des équipements stratégiques », a ajouté le ministre sud-coréen de la Défense Song Young-Moo. Dimanche, les Etats-Unis ont testé avec succès l’interception d’un missile balistique à portée intermédiaire, de quoi attirer la colère du régime stalinien qui a promis « un sort misérable » au gouvernement de la Corée du Sud s’il poursuit son objectif de déploiement du THAAD.

Outre Pyongyang, le déploiement du THAAD a attisé la colère de Pékin qui y est farouchement opposé. « Ce bouclier constitue une menace existentielle pour la Chine qui ne pourra jamais accepter l’existence de missiles américains à côté de ses frontières », explique Dr Al-Cheikh. « Ce déploiement ne fera que compliquer la crise », a affirmé un communiqué du ministère chinois des Affaires étrangères.

En effet, la Chine risque elle aussi de payer le prix de son alignement à Pyongyang. Dimanche, le président américain Donald Trump a prévenu qu’il ne permettrait plus à la Chine de « ne rien faire » face à la Corée du Nord. « Nous ne permettrons plus que cela continue ! », a-t-il lancé. A plusieurs reprises, le président américain a pressé la Chine de contenir les ambitions de son voisin, mais Pékin lui rétorque que le dialogue est le seul moyen de faire influer les positions. Pour se disculper de ces accusations, la Chine a fermement condamné le récent tir nord-coréen, en soulignant qu’elle s’oppose aux violations par la Corée du Nord des résolutions du Conseil de sécurité de l’Onu. Et Pékin a pressé les Etats-Unis de ne pas lier le dossier nord-coréen aux discussions sur le commerce entre les deux puissances. Or, la Chine est dans une situation embarrassante, selon Dr Al-Cheikh qui explique que « d’un côté, elle ne veut pas d’un Pyongyang fort doté de l’arme nucléaire. De l’autre, elle ne veut pas non plus l’effondrement de la Corée du Nord, car une éventuelle réunification de la péninsule coréenne sous tutelle américaine serait pour Pékin un cauchemar ».

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