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Bac : La fin du cauchemar ?

Chaïmaa Abdel-Hamid, Jeudi, 18 mai 2017

Le ministère de l'Education a lancé son projet de réforme du baccalauréat afin de remédier aux failles du système actuel. Mais les avis divergent sur la possibilité de mettre en place cette réforme et sur ses bénéfices.

Encore une fois, la réforme de la sanawiya amma (le bac) fait parler d’elle. Encore une fois, élèves et parents se mettent à rêver de voir prendre fin le cauchemar de cette année qui pèse psychologiquement et économiquement sur les ménages.

Et ce, suite aux promesses du ministre de l’Education, Tareq Chawqi, qui vient d’annoncer le pro­jet d’un nouveau système pour le bac égyptien. « Les systèmes tradition­nels du bac qui ont été appliqués en Egypte au cours des dernières années étaient basés sur l’examen de la chance unique, ce qui a provoqué les catastrophes dont nous souffrons actuellement dont les leçons privées, la tricherie et le manque d’intérêt des élèves, celui de certains ensei­gnants aussi, ainsi que différents problèmes qui ont contribué à l’ef­fondrement et au déclin du système éducatif en Egypte année après année », a affirmé le ministre dans une intervention sur la chaîne privée Dream, promettant que le nouveau système, qui est en cours de prépara­tion, allègera le fardeau psycholo­gique et physique et mettra fin aux souffrances des familles. « Je vous appelle à nous faire confiance », a lancé le ministre. Tareq Chawqi a aussi tenu à préciser que les idées de ce projet ont déjà été annoncées en 2008, et une loi a même été promul­guée, mais tout cela est resté encre sur papier et n’a jamais été activé.

Quels changements ?

Mais en quoi consiste ce nouveau système d’enseignement secon­daire ? Pourra-t-il vraiment changer de fond en comble le système actuel ? Et le plus important, est-il réalisable sur le terrain ? Selon les premières déclarations du ministère de l’Education nationale, ce nouveau projet consiste à remplacer le sys­tème en cours par un nouveau sys­tème cumulatif, comme c’est le cas dans les universités. C’est-à-dire que les résultats du bac ne seront plus ceux de la troisième année secon­daire seulement mais le total des première, deuxième et troisième années secondaires accumulées. Selon le ministre de l’Education, l’idée est d’alléger la pression, pour que tout ne soit pas concentré en une seule année seulement mais sur trois. Ainsi, l’élève aura la chance de se rattraper. Par ailleurs, selon ce nou­veau système d’enseignement secon­daire, la durée de validité du certifi­cat passera de trois à cinq ans. Ce qui donnera plus de liberté au bachelier pour s’inscrire à l’université.

Une autre proposition a été évo­quée par le ministre de l’Education concernant le système d’admission aux universités et qui comptait sur le bureau d’admission. Celui-ci sera tout simplement annulé. Et les admissions à telle ou telle faculté se feront sur examen. Toujours selon le ministre, l’Etat va veiller à mettre l’accent sur la culture de l’apprentis­sage et le développement des com­pétences nécessaires au marché du travail. Selon l’agenda du ministère, il est prévu de finaliser la vision finale de ce projet en juillet pro­chain.

A rappeler que déjà, l’ancien ministre Al-Hilali Al-Cherbini avait modifié la formule des examens eux-mêmes pour lutter contre la fuite des sujets sur Internet, comme cela avait été le cas l’an dernier.

Scepticisme

Avant même sa mise en place, la réforme dont il est question divise déjà. Alors que certains ont hâte de voir les changements se concrétiser, d’autres sont plus sceptiques. Selon Mariam Gamal, avocate et mère d’un élève de terminale de bac, il ne faut pas juger ce système avant l’ex­périence concrète. « Même si les craintes se font nombreuses à cause des mauvaises expériences qui ont précédé, il est probable que cette fois-ci ce soit meilleur », dit-elle. D’autres estiment que la réforme ne fera qu’alourdir le fardeau. « Au lieu de souffrir un an, on souffrira pen­dant trois ans », se plaint Alaa Al-Nagui, employé. « Déjà, on com­prend difficilement le nouveau sys­tème d’examen », dit-il. Un avis que partage Chérine Ahmad, professeur de mathématiques et mère d’une élève en terminale : « J’aurais espé­ré que le ministre se soit intéressé au contenu des programmes en les rem­plaçant par d’autres plus logiques et plus intéressants. Or, ce qui est pro­posé ne changera rien dans la catas­trophe que nous vivons. Au contraire, on encouragera encore plus le mar­ché des cours particuliers, ce qui signifie un fardeau financier supplé­mentaire ».

Du côté des professionnels, les remarques ne manquent pas. Pour la députée Magda Nasr, membre de la commission de l’éducation au sein du parlement, « ce système est un pas important pour le développe­ment du système du bac, mais il ne peut être appliqué que suite à une action radicale du ministère pour arrêter la mafia des cours particu­liers, car en cas de son application dans l’état actuel, c’est tripler le nombre des profiteurs de cette mafia ».

Pour sa part, l’expert en éducation au Centre national des recherches pour l’éducation, Kamal Moughith, a critiqué ce système qui, selon lui, ne renferme pas de réel mécanisme d’application sur le terrain. « Toutes les options de changement qui ont été déclarées doivent être accompa­gnées de dispositifs concrets pour son application, ce qui n’a pas été le cas. Les déclarations du ministre n’ont pas évoqué les moyens ou les étapes qui seront entrepris pour ins­taller un nouveau système ». Et de rappeler : « Le gouvernement de l’ancien ministre, Hussein Kamel Bahaeddine, a déjà appliqué un sys­tème cumulatif sur deux ans, mais il n’avait fait qu’augmenter la pres­sion sur les familles et sur les élèves. On se demande en quoi ce système sur trois ans sera-t-il différent ? En plus, qui garantit la transparence de ce nouveau système d’admission ? A mon avis, il ne fera que diminuer le nombre d’étudiants qui pourront avoir accès aux universités publiques et obligera les parents à recourir malgré eux aux universités privées », conclut-il.

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