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Palestine : Un scrutin pour la forme

Maha Salem avec agences, Lundi, 15 mai 2017

Boycottées par la majorité des factions palestiniennes dont le Hamas, tenues unique­ment en Cisjordanie, les élections munici­pales palestiniennes ont été remportées sans surprise par le Fatah. Et n'ont fait qu'étaler une fois de plus les divisions inter­palestiniennes.

Palestine : Un scrutin pour la forme
Le taux de participation a atteint 53,4 %. (Photo: AFP)

Comme prévu, le Fatah du président Mahmoud Abbas est en tête dans la plupart des grandes villes de Cisjordanie, territoire palestinien occupé, où des élections municipales ont eu lieu samedi 13 mai. Selon les chiffres officiels rendus publics dimanche soir par la commission qui a supervisé les municipales, le taux de participation a atteint 53,4 %. « C’est quasiment le même que lors des municipales de 2012 », a relevé le chef de la commission électorale, Hanna Nassir, lors d’une conférence de presse à Ramallah, le siège de l’Autorité palestinienne. Comme prévu, les élections ont été tenues en Cisjordanie unique­ment. En effet, ce scrutin est intervenu dans un climat très tendu avec la persistance de différends interpalestiniens.

« La situation s’aggrave de plus en plus, main­tenant on ne parle de différends entre le Hamas et le Fatah seulement, mais il s’agit d’un conflit insolvable entre les membres du Fatah. Ces der­niers ne parviennent pas depuis des années à trouver une issue à leurs différends. Il faut com­prendre que la bande de Gaza a été exclue des élections, suite à une décision prise par la Cour suprême palestinienne. Alors, à son tour, en réac­tion, le Hamas a décidé de ne pas participer aux élections en Cisjordanie. Cette situation a plongé les Palestiniens dans un état de nonchalance et d’indifférence », explique Dr Ahmad Youssef, politologue au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CESP) d’Al-Ahram au Caire. En effet, même les jeunes Palestiniens, d’habitude enclins au militantisme, ont peu suivi la cam­pagne électorale. Et les efforts de la Commission électorale qui supervise le scrutin et qui a lancé de nombreux appels à la mobilisation ont été vains.

Pour beaucoup de Palestiniens qui s’en désinté­ressent, ces élections n’arrivent tout simplement pas au bon moment. Depuis plusieurs mois, la scène politique est instable. Plus des deux tiers des Palestiniens souhaitent la démission du président, Mahmoud Abbas. Ce dernier fait fi de cette colère et préfère continuer à régler ses comptes avec ses rivaux. Ces élections ont été reportées à plusieurs reprises reflétant ainsi la situation tendue dans les territoires palestiniens. Déjà, en septembre 2016, la Cour suprême palestinienne a gelé les élections municipales qui devaient se dérouler à Gaza et en Cisjordanie le 8 octobre dernier. Une grande partie de la gauche palestinienne, qui milite pour l’unité nationale et la réconciliation entre le Fatah et le Hamas, voit dans cette décision un déni de démo­cratie et une manoeuvre du Fatah.

Boycott de la majorité des factions

En effet, le Hamas, grand rival islamiste du Fatah au pouvoir dans la bande de Gaza, n’a pas présenté de candidat sous son étiquette et a appelé à voter du bout des lèvres après avoir dénoncé un scrutin « renforçant la division ». Depuis Gaza, le mouve­ment islamiste a appelé les Palestiniens de Cisjordanie à choisir les candidats qui leur sem­blaient être les plus compétents.

La non-participation de la bande de Gaza, avec ses deux millions d’habitants, scelle un nouvel échec des efforts de réconciliation interpalesti­nienne. Le premier ministre, Rami Hamdallah, a d’ailleurs accusé le Hamas d’en être l’unique res­ponsable, car il a interdit cette élection à Gaza où il maintient un gouvernement concurrent entérinant la séparation. Des déclarations qui rappellent que le dernier vote national remonte aux législatives de 2006 remportées par le Hamas. Le plus important parti de la gauche, le Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP), avait appelé au boycott, refusant de participer à des élections, alors que des centaines de détenus palestiniens mènent une grève de la faim dans les prisons israéliennes. Or, selon le politologue, le boycott des partis politiques palesti­niens représente une grande perte. « En 2016, rap­pelle-t-il, ces derniers ont été unifiés dans un seul camp, ce qui a inquiété et menacé les deux grands rivaux, le Fatah et le Hamas ». En effet, en 2016, à la veille des élections qui devaient se tenir en octobre mais qui n’ont finalement jamais eu lieu, à l’issue de longues discussions acharnées, les forces démocratiques et de gauche — le Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP), le Front Démocratique pour la Libération de la Palestine (FDLP), le parti du peuple palestinien (ex-parti communiste), l’Union démocratique palestinienne (FIDA), le mouvement de l’Initiative nationale palestinienne et d’autres — ont convenu de former des listes communes sous l’appellation Alliance démocratique, afin d’en finir avec la bipolarité Fatah-Hamas et d’offrir au peuple palestinien une troisième option. Cette fois-ci, ils ont fini par boy­cotter, ce qui a fait que le Fatah a régné seul dans ces élections.

La dernière présidentielle remonte à 2005. Le mandat du président palestinien Mahmoud Abbas, expiré en 2009, court toujours faute d’accord avec le Hamas sur la tenue d’élections. Quant au dernier parlement, il a été élu en 2006, un scrutin rem­porté par le Hamas qui, privé de sa victoire par l’Autorité palestinienne, s’est lancé avec le Fatah de Abbas dans une quasi-guerre civile qui a mené à la division actuelle.

Mais pourquoi donc insister sur le fait de tenir un scrutin dans de telles conditions ? Pour Dr Ahmad Youssef, « les autorités palestiniennes ont décidé la tenue de ces élections avant la visite du prési­dent américain, Donald Trump, prévue les 22 et 23 mai, qui devrait porter sur les tentatives de la reprise des négociations de paix entre les Israéliens et les Palestiniens, et la réconciliation entre les Palestiniens ». Un pari risqué.

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