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La semaine de débats à l'Unesco

Lundi, 08 mai 2017

La semaine dernière était sans conteste une semaine de débats pour la France, puisqu’elle s’est conclue par le grand débat opposant les deux candidats au second tour des élections présidentielles, Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Cet ultime débat télévisé a changé profondément l’équilibre qui régnait entre les deux candidats et a clairement montré l’inconsistance du programme électoral de la candidate de l’extrême droite qui avait précédemment connu une ascension vertigineuse dans les sondages. Emmanuel Macron, le candidat libéral du centre, a poursuivi, quant à lui, son avancée et a gagné du terrain grâce notamment à un programme plutôt optimiste axé sur l’économie. Lors du débat, Marine Le Pen a passé son temps à critiquer son adversaire, frôlant parfois la diffamation. D’ailleurs, les sondages d’opinion effectués à l’issue du débat ont démontré que Macron a devancé sa concurrente en remportant 60 % d’avis positifs.

Un débat similaire a eu lieu, parallèlement au débat d’entre-deux-tours, entre les 9 candidats à la présidence de l’Unesco. Les membres du conseil exécutif ont tenu au siège de l’Unesco à Paris une session d’audition d’une durée de 15 minutes par candidat pour connaître leur vision de l’Unesco et de son action. J’ai tenu à voir les débats présidentiels et ceux de l’Unesco, mais je me suis surtout concentré sur les 6 premières sessions consacrées aux 4 candidats arabes, outre la candidate française Audrey Azoulay, ministre française de la Culture dans le cabinet du président sortant François Hollande.

Celle-ci a rejoint la course quelques heures avant la fermeture des candidatures et ce, malgré l’apparente prédominance de la candidate égyptienne. A noter que parmi les candidats, 4 sont issus de pays arabes. Aux côtés de la candidate égyptienne, se retrouve le candidat qatari, ancien ministre de la Culture et ex-ambassadeur du Qatar en France, Hamad Abdel-Aziz Al-Kuwari, la Libanaise Vera El-Khoury Lacoeuilhe, et enfin Saleh Al-Hasnawi. Il semble assez clair pour moi et pour un certain nombre de personnes siégeant à l’Unesco que l’avancée de la candidate égyptienne, l’ambassadrice Mouchira Khattab, est prédominante. Le discours de Khattab était exhaustif et a abordé tous les aspects de l’activité de l’Unesco, reflétant une compréhension profonde et réaliste du style avec lequel l’organisation est actuellement gérée. Mais ce qui a attiré l’attention de l’assistance est également le ton confiant avec lequel elle communiquait sa vision. Sa réelle force s’est manifestée lorsqu’elle répondait aux questions qui lui étaient adressées. Toutes ses réponses étaient étayées par des statistiques et des chiffres. Elle a même réussi à parler diplomatiquement de son expérience au sein des Nations-Unies ou encore sur le terrain dans son pays. Alors que le candidat iraqien n’a aucunement souri tout au long de la session et que la candidate française était d’une froideur sans pareil, Mouchira Khattab, elle, était rayonnante.

Le discours de la candidate française aux origines marocaines n’avait aucun lien avec le monde arabe, bien que la tendance au sein de l’Unesco soit de transmettre la présidence de l’organisation à un des fils de cette partie du monde, afin de lui donner la chance de mener la barque selon sa propre méthode et vision.

Une question indirecte a été adressée à la candidate française par la représentante du Maroc à l’Unesco. Celle-ci lui a demandé s’il était convenable que la France bouche l’accès d’un potentiel candidat arabe pour diriger l’organisation. Question qui vient à point nommé puisqu'aucun candidat arabe n’a profité de ce privilège et que la France a dirigé l’organisation pendant plus d’une décennie au cours des années 1960. La question a eu un effet de surprise. La candidate française est la descendante de l’une des grandes familles juives marocaines. Son père André Azoulay était le conseiller de l’ancien souverain marocain, le roi Hassan II, et il orchestrait les relations avec Israël. Cependant, la candidate a complètement nié l’existence d’un accord ou d’une loi dictant la nomination ou non de personnalités d’origine arabe à la tête de l’organisation. Elle a affirmé que le choix du directeur général ne doit pas prendre en compte « la nationalité du candidat, la couleur de sa peau ou sa religion. Le seul critère doit être ses performances ».

La candidate libanaise, Vera El-Khoury, a fait preuve d’intelligence en faisant allusion directement à la nécessité d’accorder aux Arabes l’occasion de diriger l’Unesco. Après avoir parlé de ses racines et de son héritage culturel, elle a littéralement dit qu’il était temps, après 70 ans d’activités, de donner l’occasion à des personnalités arabes importantes de pouvoir transmettre leurs expériences à l’organisation. Une chose pas du tout mentionnée par les candidats qatari et iraqien.

Le discours du candidat chinois était plutôt réservé. Il a présenté une vision traditionnelle et a prôné une réforme de l’appareil administratif de l’Unesco et le règlement des conflits par la voie du dialogue. La question actuellement est la suivante : où sont nos médias dans cette bataille acharnée et qui est actuellement passée au crible des journaux français ? Pourquoi les médias égyptiens publics ou privés ne se sont-ils pas saisis de cette bataille pour la présidence de l’Unesco ? Pourquoi la Télévision égyptienne ne demande-t-elle pas les enregistrements de ces sessions qui ont été retransmises en 5 langues, dont l’arabe ? N’est-ce pas là une course qui est digne d’être suivie avec le même zèle que les matchs de football ?

La bataille de l’Unesco en est à sa dernière étape et nécessite une stratégie radicalement différente. Comment faut-il aborder cette dernière phase ? C’est ce que je développerai dans mon prochain article ,

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