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Les drames se succèdent

Samar Zarée, Lundi, 24 septembre 2012

L’effondrement d’un immeuble cette semaine a amené les habitants à se demander si leur ville sera celle des catastrophes immobilières par excellence.

Les drames se succèdent

Les drames issus de l’écroulement de vieux immeubles se poursuivent impitoyablement dans la ville d’Alexandrie où un immeuble de cinq étages s’est effondré dans le quartier de Moharram Bey, mercredi 19 septembre, faisant 4 blessés. Les forces de police, de la protection civile et une ambulance qui se sont immédiatement dépêchées sur les lieux de l’incident à midi ont réussi à repêcher les quatre personnes qui se trouvaient sous les décombres et qui ont été transportées à l’hôpital universitaire de la ville. Le jour même, le triste scénario s’est répété dans le quartier d’Al-Gomrok à l’ouest de la ville où deux autres immeubles vides se sont partiellement écroulés mais sans faire de dégâts autre que matériels.

Dans ce quartier surpeuplé de Moharram Bey où la plupart des rues ne dépassent pas les 5 m de largeur, un grand nombre de bâtiments anciens ont besoin d’une large campagne de restauration. La construction effondrée, qui a été bâtie pendant les années 1950 renfermant cinq étages et abritant cinq familles, s’est trouvée entièrement à ras de terre. Certains assurent que le vieux bâtiment était censé être restauré depuis longtemps mais qu’il a commencé à pencher sans que les travaux de restauration voient le jour, ce qui a été complètement démenti par le quartier. « La plupart d’entre nous et les habitants des immeubles délabrés ne possèdent pas d’autre solution que de rester là où ils sont, puisque le gouvernorat n’endosse pas la responsabilité de relogement des occupants des immeubles contrevenants ou évacués qui sont par milliers », affirme un habitant de la construction accablée, expliquant pourquoi il y était resté malgré le danger.

D’autres habitants, ainsi que la plupart de ceux de la rue affirment qu’un entrepreneur, qui jetait les fondations de son nouvel immeuble dans un terrain adjacent, est responsable de l’accident. « L’entrepreneur de l’immeuble voisin a effectué des travaux de construction qui ont gravement endommagé le nôtre », assure Helmi Massoud, un habitant âgé de la construction accablée. « Cet entrepreneur voulait acheter notre immeuble, mais nous avons refusé. Quand il a commencé ses travaux de construction à côté de chez nous, celui-ci a commencé à pencher. C’est pour cela que nous avons obtenu de lui un engagement écrit que je vais présenter au Parquet et qui l’oblige, en cas de dégâts causés, de nous indemniser », explique Samia Khalil, avocate et l’une des habitants lésés, qui assure que l’entrepreneur, qui est appelé au Parquet, sera responsable de leur octroyer cinq appartements dans sa nouvelle construction.

Le gouverneur d’Alexandrie, Mohamad Abbas, qui n’a rien dit à propos du relogement des habitants de l’immeuble, a décidé de créer un comité technique pour évaluer l’état des bâtiments voisins, également très anciens, et déterminer s’ils ont été affectés par le drame. Il a affirmé que le désordre immobilier était devenu une vraie crise dans la ville d’Alexandrie, puisque des milliers de bâtiments sont construits sans autorisation. « Les décisions de restauration ou de démolition ne sont jamais exécutées, mais dans les jours qui viennent, je suivrai de près et personnellement l’exécution de décisions de démolition de plus de 25 000 anciens bâtiments contrevenants », a promis le responsable.

Des déclarations qui ne diffèrent pas de celles de son prédécesseur, Ossama Al-Fouli, qui avait envoyé, il y a quelques mois, une note au président de la République, Mohamad Morsi, en demandant son intervention personnelle pour faire face à la situation détériorée dans la ville après l’augmentation du nombre de violations commises par les propriétaires de bâtiments menaçant la vie des habitants. Il a déclaré en plus qu’il allait donner un délai de 48 heures aux habitants des immeubles contrevenants pour qu’ils les évacuent avant de commencer la démolition, mais personne n’a bougé surtout en l’absence de forces policières censées mettre en exécution les décisions de démolition. « Et pourquoi ne pas avoir une police spécialisée dans chaque province afin d’intervenir immédiatement lors de la mise en exécution des décisions ? », se demande Khaled Al-Azzazi, responsable à la direction de la sécurité d’Alexandrie.

L’effondrement des immeubles est devenu un phénomène effrayant dans le pays et Alexandrie n’en est que le microcosme. Selon des statistiques officielles de janvier 2011 jusqu’à la fin de juin 2012, il y a eu environ 118 000 violations et décisions de démolition, alors que seuls 129 cas ont été réglés. « Si on continue à ce rythme-là, on aura besoin de plusieurs centaines d’années pour en finir ! », se moque Faten Abdel-Moneim, responsable au quartier de Montazah. Elle ajoute : « Vous vous rendrez compte de l’ampleur de la catastrophe et de la corruption qui envahit encore les municipalités, si je vous dis qu’il existe dans le quartier de Montazah un gratte-ciel de 18 étages sans fondations adéquates et personne n’a réagi. Les municipalités ont besoin d’une vraie révolution, car les décisions de démolition ne sont appliquées qu’au niveau des pauvres qui construisent un kiosque pour pouvoir survivre ou ceux qui élèvent leur maison d’un étage pour trouver quatre murs pour marier leurs fils. Les riches propriétaires qui construisent illégalement pour maximiser les bénéfices, eux, ils sont traités différemment ».

Manque d’entretien

Pendant les quatre derniers mois, dix immeubles se sont écroulés dans la ville d’Alexandrie : le chiffre est, certes, effrayant et les raisons sont multiples. Selon Abdel-Moneim, il ne s’agit pas seulement de corruption dans les municipalités, mais d’un manque d’entretien des anciens bâtiments par leurs propriétaires qui n’ont pas les fonds nécessaires à l’entretien, les loyers étant figés depuis des décennies. « Et quand les travaux de réaménagement sont effectués, c’est souvent par des non-professionnels qui ne respectent pas les normes de construction », a-t-elle poursuivi.

« Je peux comprendre pourquoi on viole les lois de construction qui ne sont pas faites pour un pays comme l’Egypte, mais comme la France où la planification urbaine et la rigueur des autorités obligent à ne pas recourir aux contraventions », indique Emad Abdel-Wahab, propriétaire de l’une des grandes entreprises contractantes à Alexandrie. Et d’ajouter : « Si le gouvernement a l’intention de résoudre ce problème, il doit d’abord faciliter les procédures d’obtenir les autorisations de construction, car les procédures actuelles laissent la porte grand ouverte devant les contrevenants qui travaillent sans aucune surveillance et sous les yeux de municipalités corrompues ».

Y aurait-il un remède possible ? Selon les personnes interrogées, une nouvelle législation qui permet de passer de la peine de la réclusion à celle de la prison stricte et d’augmenter les amendes à 4 fois de la valeur de l’unité contrevenante doit être envisagée. De même, le gouvernement doit planifier sérieusement une expansion hors de la ville devenue trop petite pour embrasser plusieurs millions d’habitants, et cela du côté des villes de Borg Al-Arab et de King Marioute, en assurant les services publics et les moyens de transport nécessaires.

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