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Libye : La guerre du pétrole

Maha Salem avec agences, Mercredi, 08 mars 2017

Le croissant pétrolier libyen, dont le contrôle est hautement stratégique, est à nouveau le théâtre de combats entre des groupes armés et les forces du maréchal Khalifa Haftar.

Libye : La guerre du pétrole
Le pétrole représente plus de 95 % des revenus du pays.

La tension est montée d’un cran en Libye cette semaine. Après quelques semaines de calme précaire, les combats ont repris de plus belle mais, cette fois, il s’agit d’un conflit sur le contrôle des revenus du pétrole. Des groupes armés ont lancé vendredi dernier une nouvelle offensive contre la région pétrolière de Libye pour tenter de reconquérir des installations passées sous le contrôle des autorités parallèles basées dans l’est du pays, selon des sources militaires. L’offensive a été lancée depuis Al-Joufra (sud) par une alliance hétéroclite de milices d’orientation islamiste alliées à des tribus de l’est. « Les Brigades de Défense de Benghazi (BDB) ont avancé vers le croissant pétrolier (nord-est) et se trouvent à 15 kilomètres au sud de la ville de Nofliya », a indiqué à l’AFP le colonel Moftah Al-Magarief, membre des Gardes des Installations Pétrolières (GIP). Ces derniers sont sous le commandement du maréchal controversé Khalifa Haftar, lié au gouvernement parallèle basé dans l’est qui conteste l’autorité du Gouvernement d’union nationale (GNA) à Tripoli.

Quelques heures plus tard, les forces de cet homme fort ont lancé leur combat en vue de reprendre cet important site pétrolier. « Nos forces se regroupent et se préparent à prendre d’assaut Ras Lanouf », avait alors déclaré le colonel Al-Megarief. Les Brigades de Défense de Benghazi (BDB) s’étaient emparées vendredi de l’aéroport principal de Ras Lanouf, selon le colonel Ahmad Al-Mismari, porte-parole des forces loyales aux autorités de l’est et commandées par le controversé maréchal Khalifa Haftar. « Les assaillants étaient équipés de chars modernes et d’un radar pour neutraliser notre armée de l’air. Nous avons deux martyrs parmi nos combattants », a affirmé Al-Mismari en ajoutant que « la bataille continue et la situation dans la zone du croissant pétrolier demeure sous (notre) contrôle ». Les BDB, formées de groupes islamistes, avaient été chassées de la ville de Benghazi (est) par les forces du maréchal Haftar, qui a déclaré la guerre aux groupes islamistes et radicaux sévissant dans l’est libyen. Alliées à des tribus de l’est du pays, ces brigades ont lancé vendredi une nouvelle offensive pour tenter de conquérir les installations du croissant pétrolier libyen.

Le GNA hors jeu

Pour tenter de calmer la situation, le GNA, dont l’autorité est contestée par le maréchal Haftar, a affirmé dans un communiqué n’avoir aucun lien avec l’escalade militaire dans la région du croissant pétrolier. Il a souligné aussi n’avoir donné aucune directive ni ordre à une quelconque formation de se diriger vers cette zone, condamnant avec force toute action qui sape les espoirs des Libyens. Le GNA a toutefois prévenu qu’il ne resterait pas les bras croisés si les affrontements se poursuivaient dans cette zone ou ailleurs en Libye. De son côté, l’émissaire de l’Onu en Libye, Martin Kobler, a appelé à éviter l’escalade. « Je demande aux deux parties de s’abstenir de toute escalade et d’assurer la protection des civils, des ressources naturelles et des installations pétrolières », a déclaré Kobler. Plusieurs initiatives ont en fait été lancées pour tenter de rapprocher le GNA et le maréchal Haftar mais sans succès apparent jusqu’à présent.

« Après la chasse des djihadistes de l’Etat islamique par les troupes de Haftar, deux problèmes sont apparus. D’abord, le risque de vengeance étant donné que ces djihadistes sont toujours là et qu’ils peuvent rejoindre d’autres groupes armés, des groupes qui peuvent les exploiter dans leur lutte contre les forces rivales. Ensuite, après la victoire militaire de Haftar, tous les analystes s’attendaient à un certain rapprochement entre lui et le GNA. Certains ont même prévu qu’il occuperait le poste du ministre de la Défense. Pour eux, l’intégration du maréchal et ses troupes dans la vie politique serait le noyau d’une entente qui pourrait mener à la paix dans ce pays. On avait beaucoup d’espoir mais la réalité s’est avérée complètement différente », explique Dr Ayman Chabana, professeur à la faculté d’économie et des sciences politiques de l’Université du Caire. Selon l’analyste, « il existe des conflits et des différends non seulement entre les membres des deux principaux camps, mais aussi entre le reste des tribus et des communautés. D’où la persistance du chaos. Et, si les Libyens veulent sauver leur pays, ils doivent surmonter leurs différends et faire des concessions, mais chaque camp cherche ses propres intérêts, chaque camp veut occuper un rôle sur la scène politique et une partie de ressources et richesses du pays. Personne ne cherche l’intérêt du pays et chacun campe sur sa position ». Et dans ce cadre, le pétrole qui représente plus de 95 % des revenus du pays est au centre des luttes de pouvoir et fait l’objet de toutes les convoitises.

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