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Rétablir les ponts de dialogue

May Al-Maghrabi, Jeudi, 02 mars 2017

Après 7 ans de rupture, les deux prestigieuses institutions religieuses d'Al-Azhar et du Vatican renouent le dialogue. Ils échangent les visions sur le rôle des religions dans la lutte antiterroriste.

Rétablir les ponts de dialogue
Al-Azhar et le Vatican ont lancé au Caire un appel au monde pour mettre fin à l'effusion de sang. (Photo :: AfP)

Les membres de la Commission du dialogue d’Al-Azhar et ceux du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux du Vatican se sont réunis, les 22 et 23 février, au siège d’Al-Azhar au Caire. Objectif : Animer un séminaire tenu avec pour thème : « La Lutte contre le fanatisme, l’extrémisme et la violence au nom de la religion ». Cette rencontre intervient moins d’un an après la rencontre historique au Vatican, entre le pape François et le grand imam d’Al-Azhar, cheikh Ahmad Al-Tayeb, à Rome le 23 mai 2016. Les deux institutions religieuses avaient alors lancé un appel au monde entier afin de « mettre fin à l’effusion de sang » causée par le terrorisme.

C’est au service de ce but que les deux délégations, composées chacune de quinze personnes, participant à ce séminaire ont tenu un programme en six séances, sur « le rôle d’Al-Azhar (plus haute institution sunnite) et du Vatican (prestigieuse institution religion chrétienne), dans la lutte contre le fanatisme, l’extrémisme et la violence au nom de la religion ». Chaque séance s’est composée d’une intervention, répartie à parité, suivie d’un échange.

« Je retiens trois choses de ces échanges : la liberté avec laquelle nous avons échangé et le respect avec lequel les idées et les concepts de chacun ont été accueillis, l’authenticité des personnes présentes et des échanges en adéquation avec les préoccupations du pape François », a salué le cardinal Tauran, président du Conseil pontifical, lors de son discours au siège d’Al-Azhar. « Certains sujets sont de l’ordre de la foi, on n’était pas là pour en débattre, on était là pour partager nos points communs et la manière de les associer. Et nous en avons beaucoup », a estimé, pour sa part, cheikh Abdel-Rahman Moussa, conseiller du grand imam d’Al-Azhar pour les affaires internationales. Au terme de cette réunion, les deux délégations se sont mises d’accord sur la tenue d’une autre rencontre l’année prochaine, à la même date, mais cette fois-ci, elle sera au Vatican.

Parmi les recommandations formulées au terme du séminaire figure l’importance d’établir un dialogue basé sur la tolérance. Le communiqué final a aussi mis en relief la nécessité d’ouvrir des canaux de dialogue avec les jeunes pour leur apprendre les vrais principes des religions qui rejettent le fanatisme et prônent la tolérance et le respect de la diversité religieuse et doctrinale. A cet égard, on a appelé à enseigner des programmes scolaires sur les principes humanitaires communs.

Message de paix et de tolérance

Cette reprise de dialogue interreligieux marque un nouveau signe des bonnes relations entre le Saint-Siège et Al-Azhar. Abbas Chouman, vice-grand imam d’Al-Azhar, souligne l’importance du dialogue entre les deux institutions, à un moment où le monde entier fait face au danger de l’extrémisme et du terrorisme. « L’islam est une religion de tolérance et un message de paix pour le monde, et le christianisme est une religion de tolérance aussi. Sur la base de ces principes communs, l’institution d’Al-Azhar affirme, pour sa part, qu’elle rejette toute violence commise au nom de l’islam », a dit Chouman.

Créée en 1998, la Commission de dialogue entre le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux et l’Université d'Al-Azhar ne s’était plus réunie depuis début 2011. Avant 2011, une session de dialogue entre le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux et la Commission permanente de dialogue avec les religions d’Al-Azhar se réunissait chaque année en alternance au Caire et à Rome. Ces discussions bilatérales annuelles faisaient suite à l’accord du 28 mai 1998, qui engageait les deux parties à « promouvoir la compréhension et le respect mutuel entre catholiques et musulmans grâce à un échange d’informations ».

Mais des tensions avaient eu lieu entre Al-Azhar et le Vatican à cause des propos controversés du pape du Vatican, Benoît XVI, en 2006, qui ont lié islam et violence, ce qui avait indigné Al-Azhar et provoqué un tollé de colère au monde musulman. Officiellement, les relations entre le Vatican et Al-Azhar ont été rompues en janvier 2011. Benoît XVI avait vivement réagi contre l’attentat commis le 31 décembre 2010 contre une église copte orthodoxe d’Alexandrie, causant la mort d’une trentaine de chrétiens. Le pape avait notamment réclamé une protection internationale aux coptes de l’Egypte. Une ingérence qu’avait rejetée Al-Azhar et avait dès lors cessé tout dialogue avec le Vatican. Tous les papes successifs depuis les années 1960, à l’exception de Benoît XVI, ont déclaré leur grand attachement au dialogue avec les instances musulmanes.

Front uni contre le terrorisme

Selon Chouman, la reprise du dialogue ne sert pas seulement à établir les ponts d’amitié entre Al-Azhar et le Vatican, mais aussi à garantir la paix et la sérénité au monde. « Le dialogue est une partie intégrante du message universel de l’islam qui ne rejette pas l’autre et admet la divergence avec tolérance », trouve-t-il. Vision partagée par Mahmoud Zaqzouq, à la tête du Centre du dialogue d’Al-Azhar. « A un moment où les tensions sectaires représentent un facteur de trouble, cette réconciliation entre deux influentes institutions religieuses acquiert une importance particulière. Surtout qu’il existe une convergence des points de vue entre le Saint-Siège et Al-Azhar dans la nécessité de lutter contre le terrorisme et de répandre les principes de la tolérance », estime-t-il.

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