
(Photo : Mission hollandaise)
Sur la route désertique qui relie Le Caire à Alexandrie, à 14 km à l’ouest de la Rest House, au coeur de Wadi Al-Natroune, se situe le monastère de Deir Al-Souriane. Avec les monastères Abou-Maqqar, Al-Baramos et Bichoï, il compte parmi les quatre plus réputés de la région. Bien que la superficie de Deir Al-Souriane ne dépasse pas les 0,63 hectares, il est le plus riche sur le plan archéologique. Le monastère est, en effet, connu pour ses peintures murales rénovées depuis plus d’une vingtaine d’années. « Il nous reste presque trois ans de travail pour terminer la découverte de toutes les peintures », explique le professeur Karel Innemée, directeur de la mission archéologique hollandaise, responsable des restaurations de l’église de la Vierge située dans l’enceinte du monastère. Ce dernier comprend trois anciennes églises, et selon Innemée, celle de la Vierge est la seule construite par les moines coptes au début du VIIe siècle. On y trouve de nombreuses peintures murales et les derniers nettoyages effectués ont permis la découverte de trois nouvelles scènes majeures. Les travaux archéologiques ont débuté en 1991 à la suite d’un grand incendie qui avait affecté le monastère, y compris l’église de la Vierge. Les premières restaurations ont révélé une scène de l’Annonciation recouvrant l’abside de l’église. Depuis, la mission ne cesse de découvrir des peintures, effectuées les unes sur les autres. « Sur certains murs, il nous arrive de trouver jusqu’à cinq couches de peinture », explique l’inspecteur Amr Loutfi, spécialiste des antiquités islamiques et coptes, qui accompagne la mission archéologique.
Plusieurs thèses

Les nettoyages et les restaurations donnent de nouvelles peintures. (Photo : Mission hollandaise)
En effet, dans le coin sud-est de l’église, les travaux de nettoyage de la dernière saison ont révélé des représentations inattendues. Deux d’entre elles sont du XIIIe siècle et une troisième date du XVIIIe siècle. La première scène montre un ange chevauchant un cheval noir. Selon Innemée, cette image est courante dans les églises nubiennes, mais c’est la première fois qu’elle apparaît dans une église de Basse-Egypte. « Le monastère Al-Souriane a probablement accueilli, à un moment donné, des moines nubiens qui ont alors réalisé cette peinture », explique-t-elle. La deuxième peinture, quant à elle, représente deux saintes aux traits syriaques, accompagnées d’un texte qui n’a pas encore été traduit. Selon l’inspecteur, ce dernier pourrait informer sur les noms des saintes ou le nom du peintre, mais jusqu’à présent, la scène reste une énigme. « Elle nous interroge. Pour quelle raison ces deux saintes sont-elles peintes dans un monastère abritant des hommes ? Est-ce qu’il a accueilli de jeunes filles, pendant un temps ? Est-ce que cette peinture a un rôle d’enseignement ? Nous tenons compte de toutes les éventualités, sans exception », raconte l’inspecteur. Enfin, la troisième et dernière scène du XVIIIe siècle représente les visages de Maximos et Dimadios, des princes aux traits coptes qui se seraient convertis au christianisme au IVe siècle.
Selon les experts, cette peinture a été réalisée par des peintres égyptiens après la disparition définitive des moines syriens du monastère. Les peintres auraient fait le choix d’un style copte répandu au IVe siècle, qui constitue les premières années monastiques à Wadi Al-Natroun. Ils ont ainsi peint les visages des deux princes qui avaient préféré l’austérité et la vie monastique à une vie aisée au sein de la cour royale. Sous cette scène, les peintres de la mission hollandaise poursuivent les travaux de restauration des scènes découvertes en 2014. Il s’agit des peintures commémoratives de l’abbé Maqari, mort en 889. « Au XIIIe siècle, tout le coin sud-est de l’église a été transformé en chapelle funéraire pour cet abbé originaire de Tikrit. A cette époque, la ville de Tikrit était syrienne, non pas iraqienne comme aujourd’hui », précise le professeur Innemée.
Ces récentes découvertes ont montré que l’église de la Vierge du monastère Al-Souriane réunit différents aspects de l’héritage artistique copte, à savoir les débuts de l’art copte puis les styles byzantin et syriaque.
Un monastère datant du VIe siècle
Le monastère Al-Souriane a été édifié au VIe siècle par un certain nombre de moines du monastère Bichoï, situé à proximité. « A cause d’une divergence dans les convictions théologiques, il y a eu une scission entre les moines du monastère Bichoï, ainsi, quelques-uns l’ont quitté pour fonder une nouvelle communauté monastique et ont construit un nouveau monastère tout près du premier », raconte le professeur Karel Innemée, chef de la mission hollandaise qui opère à Deir Al-Souriane.
Le nouveau monastère et son église, connus sous le nom « La Sainte Vierge de l’abbé Bichoï », qui ont été plus tard nommés par le monastère des Syriens (Deir Al-Sourian) ont été dédiés à la Vierge Marie. Sa nomination lui a été accordée grâce à un groupe de moines syriens venus pour s’y installer. D’après les récentes découvertes archéologiques, les experts assurent que les moines syriens sont venus au monastère, quelques années après l’an 800, soit au début du IXe siècle.
Et depuis, le monastère abritait à la fois les moines coptes et syriens. Les messes étaient tenues avec les deux langues, copte et syriaque, dans les mêmes horaires, mais dans deux églises différentes qui se trouvent dans le monastère. Au cours des IXe et Xe siècles, le monastère comprenait une bibliothèque exceptionnellement riche de manuscrits syriaques (et plus tard aussi arabes) grâce à l’abbé Moïse de Nisibis, qui a joué un rôle important dans ces acquisitions. Il avait commandé les portes en bois avec des incrustations d’ivoire dans l’église et avait aussi commandé des peintures murales dans l’église. Le nombre des moines syriens a commencé à diminuer au cours du XVIe siècle, et ils ont complètement disparu au XVIIe siècle. Pendant que les moines coptes sont restés dans le monastère qui garde toujours le nom de ses convives « Al-Souriane » jusqu’à nos jours.
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