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Pollution : La mer Rouge pourrait devenir noire

Rasha Hanafy, Lundi, 25 février 2013

Des ONG protestent contre le lancement d’un appel d’offres pour la prospection pétrolière en mer Rouge. Les forages d’études sont susceptibles de porter gravement atteinte à l’environnement.

la mer rouge

Tout commence par une simple annonce concer­nant un banal appel d’offres pour la pros­pection pétrolière et gazière dans certaines zones de la mer Rouge. Or, ces zones sont situées tout près de la réserve naturelle de Wadi Al-Gemal, et celle-ci, ainsi que l’ensemble de l’écosystème marin, pourraient subir les effets d’une pollution extrêmement nocive résultant des activités pétrolières.

C’est en tout cas ce qu’affirment les ONG oeuvrant dans le domaine de la protection de l’environnement et les spécialistes des sciences marines. « Il ne devrait pas y avoir de prospection pétrolière dans de telles zones. Les plateformes pétro­lières menacent les écosys­tèmes, notamment les récifs coralliens et les poissons », affirme un responsable d’Hurghada Environmental Protection and Conservation Association (Hepca), une ONG qui tra­vaille sur la protection de l’environnement en mer Rouge.

Selon lui, l’écotourisme et la plongée pourraient également être menacés dans cette zone si des pros­pections pétrolières y ont lieu. Selon les ONG, le gouvernement, représenté par l’Organisme général du pétrole, aurait dû procéder à une étude d’impact envi­ronnemental avant de lan­cer son appel d’offres. Or, cela n’a pas été fait.

« Il n’y a eu aucune coor­dination avec le ministère de l’Environnement : le gouverneur de la mer Rouge n’a même pas été informé qu’il y aurait des prospections pétrolières dans son gouvernorat ! », lance Mahmoud Hanafi, professeur des sciences marines à la faculté des sciences de l’Université du Canal de Suez et conseiller du gouverneur de la mer Rouge pour les affaires de l’environnement.

Il affirme que le gouver­neur a envoyé une lettre de protestation au Conseil des ministres, demandant l’ar­rêt de tout projet de pros­pection dans cette région. « Les ressources naturelles dans la région de la mer Rouge doivent être proté­gées car ce sont des richesses stratégiques dont dépend le développement durable en Egypte », explique Hanafi, éga­lement consultant pour Hepca.

Les zones situées autour de la réserve de Wadi Al-Gemal sont riches en récifs coralliens et connues pour leurs poissons de couleur. Les plateformes pétrolières peuvent affecter l’environnement de plusieurs manières. L’ancrage des bateaux, acheminés sur les lieux pour construire ces plate­formes ou pour transporter le pétrole, peut abîmer les coraux. Mais très souvent aussi il se produit des fuites d’huile ou de pétrole qui s’échappent des plateformes et qui sont très nocives pour l’environne­ment.

« En Egypte le transit des bateaux a déjà massacré une quan­tité considérable de coraux. Nous perdons environ 3 m2 de coraux par jour. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons demandé aux bateaux de se mettre à couple pour éviter le fait qu’il y ait plus d’ancres que nécessaire », affirme Hanafi.

186 plateformes déjà construites en mer Rouge

Les spécialistes de la lutte contre la pollution marine appellent à sur­veiller de plus près et à gérer les ressources naturelles, en luttant contre les sources de pollution et en établissant une coordination entre les appareils concernés de l’Etat.

La pollution pétrolière est consi­dérée comme l’une des plus dange­reuses pour les coraux. Or, selon les statistiques, la région de la mer Rouge compte déjà 186 plate­formes pétrolières. Le Golfe de Suez produit, à lui seul, 85 % de la production totale de brut en Egypte. « Les plateformes pétrolières sont polluantes, mais très souvent on ferme les yeux. Il n’y a aucune coordination entre l’Organisme général du pétrole qui est l’ins­tance officielle concernée par les prospections pétrolières en Egypte et les instances concernées par l’environnement. Il y a 3 centres de lutte contre la pollution dans la région de la mer Rouge : à Ras Ghareb, à Suez et à Hurghada, mais ils ne sont pas alertés lorsqu’il y a des cas de pollution », explique Mahmoud Ismaïl, conseiller et ancien direc­teur de l’administration des crises et des catas­trophes environnemen­tales au sein de l’Agence égyptienne pour les affaires de l’environne­ment.

Selon lui, si avant le 25 janvier 2011 certaines compagnies étaient tenues par des hommes d’affaires proches du pouvoir, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Il faut donc appliquer strictement la loi.

La coordination avec des institutions spécialisées, comme l’Organisme des sciences marines et de la pêche, est indispensable, étant donné que ces orga­nismes publient régulière­ment des rapports sur l’état des espèces et les diffé­rents écosystèmes. « Certains pensent que lorsqu’on parle de la pol­lution marine, il s’agit uni­quement de la Méditerranée. Pourtant, la mer Rouge souffre de la pollution pétrolière depuis nombreuses années », assure Wahid Moffadal, chercheur au sein de l’Or­ganisme des sciences marines et de la pêche.

La lettre de protestation envoyée au Conseil des ministres par le gouver­neur de la mer Rouge insiste sur la protection des ressources naturelles nécessaires, selon lui, pour réaliser une prospérité éco­nomique .

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