Entre 2000 et 2008, la corruption aurait coûté plus de 57 milliards aux Egyptiens. Ce chiffre, qui représente près de 20 % du PIB égyptien (valeur 2011), a été avancé par l’organisation Global Financial Integrity. Dans son classement annuel, l’Egypte s’affiche comme le troisième pays le plus corrompu d’Afrique. Ce même constat, négatif, a été dressé par l’association Transparency International. Le rapport qu’elle a publié en 2012 place l’Egypte en 118e position, la 1re représentant le pays le moins corrompu, la 176e le plus corrompu.
«corruption a atteint les jambes de l’Egypte », avait lancé Zakariya Azmi, chef du cabinet présidentiel sous Moubarak, devant le Parlement. Sa reconnaissance du problème à l’époque ne l’a pas empêché par la suite d’être accusé du même mal. En réalité, depuis plus de trente ans, la corruption s’est étendue à tous les secteurs de la société (éducation, police, médecine, main-d’oeuvre) et à un nombre incalculable de personnalités politiques et administratives. Les affaires de corruption sont monnaie courante : la collecte des ordures confiée à des sociétés étrangères sans contrepartie, l’importation de nouvelles plaques d’immatriculation sans appel d’offres, l’exportation du gaz naturel à Israël, etc.
« Avec l’adoption des politiques de libéralisation dans les années 2000, la relation pouvoir/argent s’est renforcée. Des lois lacunaires ont été promulguées en faveur des hommes d’affaires, et ce aux dépens des classes défavorisées. Les inégalités et l’injustice sociale ont accru en même temps que la fortune de Moubarak », assure le politologue Béchir Abdel-Fattah. Conséquence directe : si les plus grandes sommes corrompues véhiculent entre les importantes personnalités d’Egypte, la corruption constitue aussi un moyen « légitime » pour doubler les bas salaires des travailleurs.
Morsi marche au pas
Béchir Abdel-Fattah s’attendait à ce que la campagne anti-corruption promulguée au lendemain de la révolution porte ses fruits. Aujourd’hui, il est obligé d’en constater l’échec. « Au lieu de la combattre à la racine, par des réformes légales, le Conseil militaire s’est contenté de déférer Moubarak, ses fils et ses anciens responsables devant la justice », regrette-t-il, arguant que, comme une hydre, la corruption ne s’arrête pas une fois ses têtes coupées.
Tandis que l’arrivée au pouvoir de Mohamad Morsi devait laisser présager une amélioration de la situation, elle n’a pas changé la donne. « La corruption reste très répandue. Les lois présentent des failles qui l’autorisent. Les médias et la société civile, censés la surveiller, travaillent sous restrictions, notamment l’accès à l’information », avertit Omniya Hussein, responsable en Egypte de Transparency International.
Bien que la lutte contre la corruption apparaisse comme « le troisième trajet vers la Renaissance » dans son programme électoral, Morsi se contente de limoger les figures qui, selon lui, sont corrompues. C'est ainsi qu'ont été mis à la porte les rédacteurs en chef des journaux nationaux, le président de l’Organisation du contrôle administratif, celui de l'Organisme des comptes, le procureur général, et autres. « Grandes promesses et petit pas. Le Conseil des ministres commence à étudier, après deux ans de révolution, un projet de loi sur la corruption. Mais, à cette lenteur, le risque d’une inefficacité persiste », note Abdel-Fattah.
Morsi lui-même est accusé de corruption. Une plainte dressée fin septembre au procureur général par la coalition indépendante de lutte contre la corruption l’accuse « d’accorder des avantages illégaux aux hommes d’affaires des Frères musulmans, comme Hassan Malek, afin de rembourser les deux milliards de L.E. dépensées lors de sa campagne électorale, dont les sources n’ont jamais été rendues public ».
A cette occasion, il est bon de savoir que Malek est le chef de la commission de communication entre la présidence et les hommes d’affaires. Le scénario se répète. Encore et encore.
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