Les Occidentaux s’exaspèrent de la persistance du vide politique en Libye, un pays divisé entre deux pouvoirs rivaux et une multitude de factions et de milices. Et suite aux deux récents attentats meurtriers revendiqués par le groupe Etat Islamique (EI), les Européens exhortent les responsables libyens de tous bords à accélérer la mise en place d’un gouvernement d’union nationale. «
L’Europe (...) est unie pour soutenir les efforts engagés pour trouver une solution politique », a déclaré la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, à Gammarth, près de Tunis, après avoir rencontré le premier ministre désigné Fayez El-Sarraj et avant des entretiens avec d’autres hauts responsables libyens présents dans la capitale tunisienne, la semaine dernière.
Un accord prévoyant un gouvernement d’union nationale a bien été signé sous l’égide de l’Onu le 17 décembre dernier par des membres des deux parlements. Il doit être entériné avant le 17 janvier, mais les obstacles demeurent nombreux, en particulier pour convaincre ceux qui s’y opposent dans chaque camp. « Malgré le danger que représente le groupe EI, les différents groupes politiques restent focalisés sur la lutte pour le pouvoir », indique l’expert Mohamed Eljareh, du centre Rafic Hariri pour le Moyen-Orient basé à Washington. « La situation en Libye devient très préoccupante puisqu’on voit les tragiques scénarios iraqien et syrien se reproduire avec l’EI profitant énormément du chaos, de l’effondrement des autorités centrales et des guerres par procuration », souligne Karim Bitar, directeur de recherches à l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI), en soulignant qu’« un gouvernement d’union nationale devient urgent, mais la situation a atteint un tel état de dégradation et les méfiances réciproques sont tellement nombreuses que rien ne garantit le succès du plan de transition, malgré les pressions internationales ». Toutefois, « avec l’accord politique (...), le gouvernement d’union que nous mettrons en place prochainement, il y a enfin une possibilité de renforcer l’unité entre Libyens et d'essayer de combattre le terrorisme avec les forces libyennes », a renchéri vendredi Mme Mogherini. « A mon sens, le front iraqo-syrien reste prioritaire pour le groupe Etat islamique malgré l’intensification des frappes aériennes des Russes et de l’alliance, mais il n’en reste pas moins qu’il représente un danger de taille pour la Libye », estime, quant à lui, le politologue Khaled Hanafi, au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d'Al-Ahram.
Contrôle des hydrocarbures
Les Occidentaux redoutent en fait que l’EI, qui contrôle une bande territoriale autour de Syrte (450 km à l’est de Tripoli), ne renforce son influence et ses ressources financières en prenant le contrôle des hydrocarbures, qu’il déstabilise l’Afrique, et qu’il exporte depuis la Libye des djihadistes vers l’Europe. L’EI a lancé en début de semaine des attaques visant le « croissant pétrolier », à Ras Lanouf, qui héberge la plus grande raffinerie du pays, et à Al-Sedra. Les attaques ont été repoussées par les gardes des installations, mais plusieurs réservoirs de brut ont pris feu, selon la Compagnie nationale du pétrole (NOC). Ces attaques ont « exacerbé l’animosité et la méfiance entre les deux hommes forts de l’Est : le chef des gardes des installations pétrolières, Ibrahim Jodhran, et le commandant des forces loyales au pouvoir de l’Est, le général Khalifa Haftar », souligne M. Eljarh, chercheur au Centre de recherches à l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI). Il décrit « Haftar et l’EI comme étant les deux faces d’une même monnaie », pour critiquer l’inaction du premier face à l’offensive des djihadistes.
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